« Femmes » de Vailland : Leïla la vorace, Tania la « favorite »
Roger Vailland compta à son actif trois feuilletons dans Paris-Soir :
Leïla, ou les ingénues voraces ; La Visirova, ou des
Folies-Bergères jusqu’au trône ; plus tard (1941), Cortès, le
conquérant de l’Eldorado… En attendant de transcrire ce dernier, j’ai
choisi de réunir les deux premiers…
Les récits de Vailland sur Leïla, jeune Turque et
Parisienne, et Tania, jeune « Russe » ont été présentés en tant que reportages, en 1932 et 1933. Reportages, certes, mais romancés.
Qu’il fallait, pour qui les lit aujourd’hui, contextualiser. Ne serait-ce que parce des toponymes mentionnés ont changé, ou que certains épisodes historiques de l’époque de la Turquie de Mustafa Kemal ou de l’Albanie du roi Zog se sont estompés ou effacés des mémoires contemporaines.
Qu’il fallait, pour qui les lit aujourd’hui, contextualiser. Ne serait-ce que parce des toponymes mentionnés ont changé, ou que certains épisodes historiques de l’époque de la Turquie de Mustafa Kemal ou de l’Albanie du roi Zog se sont estompés ou effacés des mémoires contemporaines.
Leïla, jeune Turque ayant vécu à Paris et y revenant pour s’y
fixer et vivre le plus intensément possible est, à mon humble avis, un
personnage composite : soit inspiré d’une héroïne réelle dont certains
traits, faits, gestes ont pu être empruntés à d’autres. Mais Tania, fille d’Helena
et d’un certain Fomov-Stronovskiy (ou Stronovskii), fut bien réelle et « entière »,
comme son caractère, encore plus trempé par l'adversité que celui de Leïla.
Leïla était impossible à retrouver, tracer, mais Tania
Visirova (pseudonyme qui fit oublier son patronyme) avait confié ses mémoires,
en 1980, à une journaliste, Maria Craipeau... Il était donc tentant de
confronter les deux versions, celle de Tania-Roger, celle de Tania-Maria…
Ce que je me suis préservé le plus possible de faire… Ce afin
de tenter de démêler le vrai du « faux », ou plutôt du minoré et de l’exagéré,
non pas tel véritablement qu’un lecteur de l’époque (totale gageure), mais d’à
présent. Soit qui « connaît » Vailland « mieux que lui-même »
(puisque, en 1933, peu lui faisait présager ce qu’il allait devenir, un
Résistant, un écrivain de premier plan marqué par son adhésion au Parti
communiste et à la ligne de ses dirigeants). Et redécouvre des époques
troublées qu’une historiographie mouvante fait percevoir différemment.
Par conséquent, l’approche est faussée et les commentaires
induisent des pistes erronées, comportent de flagrantes erreurs… Que je ne vais
pas rectifier ici. D’une part pour vous inciter à l’entreprendre en lisant le
remarquable Tania Visirova, du Caucase aux Folies-Bergères, de Maria
Craipeau ; d’autre part parce que la Tania de 1933 se racontant à Vailland
et celle de 1980 se confiant plus sereinement à Maria Craipeau sont à la fois
une et dissemblables…
De plus, le « Vailland » rédacteur du feuilleton,
et le Roger Vailland, l’homme, le journaliste, qui se met en scène dans les pages
de Paris-Soir, interagit avec Tania Visirova, ne sont pas identiques.
Pour diverses raisons dont la subsidiaire est qu’en cours de rédaction, il
fallut transposer l’Albanie en une (peu) énigmatique Thrasubie ; et peut-être
la primordiale, soit que Vailland (selon Tania Visirova) se vit sans doute
contraint par Jean Prouvost, patron du quotidien, de forcer certains traits et
d’en passer d’autres sous silence (dont, par exemple, l’ascendance juive de
Tania, des épisodes de sa vie liés à divers israélites).
Sans (trop) dévoiler la teneur des propos de Tania dans ses
mémoires, je vais aborder un exemple qui a suscité maints commentaires de
spécialistes de Roger Vailland. Quand Tania rencontre Vailland, fit-elle
allusion à l’effroi que lui procura la vision de son père transfiguré par la
passion que lui inspirait sa maîtresse ou trouva-t-elle ce prétexte pour
expliquer ses rapports distants avec les hommes ? Vailland insiste,
revient à plusieurs reprises dans le feuilleton sur cet instant « crucial ».
Qu’elle n’évoque pas du tout en 1980, en exposant un autre, bien plus
primordial, dont elle ne pouvait sans doute, en 1933, et ne voulait assurément
pas faire état.
Tania Visirova protesta auprès de Jean Prouvost à propos de
divers passages, lequel lui fit valoir un argument similaire à celui que
Fréjol, le directeur artistique des Folies-Bergère, lui avança lorsqu’elle refusa,
dans un premier temps, de paraître nue sur scène. Les music-halls parisiens
avaient oublié La Visirova lorsqu’elle revint d’Albanie après trois années
vécues auprès du roi Zog. Elle voulait remonter sur les planches, toute
publicité était bonne à prendre…
Voici donc ces
deux feuilletons au format PDF (le document comptant près d’une centaine de
pages A4, et des illustrations, est d’un poids dépassant 1,5 Mo, et donc nécessite
une connexion de bonne qualité).
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