Des secours alimentaires pour les coranovirés ?
Un plein baquet de sinistrose de plus ne vous fera pas
déborder le ciboulot. Mais, sérieusement, pour que « les salauds de
pauvres » ne s’enivrent pas ou ne
pétunent à tout va, faudra-t-il leur distribuer des tickets de restaurant ?
Conversation, non de comptoir, mais, tout à l’heure, de banc
public avec un pote connaissant bien les arrondissements du nord de Paris. Il
paraît que la solidarité s’organise, que des camionnettes filent à Rungis pour ravitailler
— hors circuit caritatif — les voisines et voisins n’ayant plus rien à croûter.
Je suis d’une génération qui se voyait rappeler par ses
mamans qu’après sa naissance, des tickets de rationnement subsistaient.
Approximation car si les premiers tickets furent abolis début décembre 1949, la
pénurie perdura dans les années 1950. Donc, on « signait » d’une
croix à la pointe du couteau le dos du pain, moins par bigoterie que pour
inciter à le manger rassis. Car, pour le pain perdu, le lait se faisait rare.
Puis, ce fut, jusqu’en décembre 1955, la « goutte de
lait » puis le verre de lait dans les écoles du temps du gouvernement Mendès-France.
Je m’étais promis de ne pas évoquer les masques et les tests :
d’autres sont plus autorisés et surtout davantage documentés. Mais je n’ai pas
résisté à la tentation de bidouiller un visuel (ci-contre) d’avril 1943.
« Tu reveux de la soupe ? » disait ma
grand-mère à mes jeunes cousins ? Et elle rajoutait de l’eau chaude
au-dessus du fond de bol de potage, rarement agrémenté de rogatons carnés de la
veille (ou plutôt l’avant-veille, si ce n’était du dimanche précédent). Il ne s’agit
pas ici de faire pleurer dans les chaumières mais d’attirer l’attention sur une
déplorable réalité. Des gens ont déjà faim, et les déconfinés qui ne
retrouveront pas du boulot vont devoir faire des choix drastiques ou faire la
file pour obtenir des denrées de survie devant les étals des caritatifs. De « pauvres Lazare » disait-on.
Tandis que la « presse dominante » (celle qui ne
peut plus survivre avec un prix populaire, le dernier titre l’ayant tenté,
hormis Le Canard enchaîné, fut France-Soir,
qui se survit en ligne), multiplie les recettes de grands chefs en ses
pages, alorz que c’est riz-pâtes-patates à l’eau pour de trop nombreux « plus
démunis », comme on disait benoîtement, confitement, au Parti socialiste.
Le saviez-vous ? La « goutte de lait », c’était
aussi dans les casernes, et pour tenter de faire régresser l’alcoolisme.
Je ne suis pas là pour donner des leçons, mais parfois,
ironiquement, pour tenter de faire sourire.
Mon pote de banc public remarquait que les SDF qui picolent
ont l’air moins atteints que d’autres par la morosité ambiante. Mais je le sens
gros comme une maison, après les prêtres et les gourous liant fornication et
châtiment divin, on finira par avoir des « moralistes » pour préconiser
les tickets restaurant au lieu d’autres secours. Je prends les paris ? Là
j’entends un type sur BFM qui prédit que les bourses s’en sortiront mieux que
les banques… Compatissons.>Nos banquiers privés de calissons et de macarons. On subodore déjà quelles seront les priorités de l’après-confinement.
Heureusement qu’il faut des pauvres vivants pour faire des riches florissants. Rassurons-nous,
les morts de faim, ce sera la faute à pas de chance. Une majorité de pauvres survivra
en se disant que cela aurait pu être encore pire.
C’est d’ailleurs ce que la pauvre Trumpland se dira
quand Donald Trump sera réélu : avec toutes les mesures qu’il a fait adopter
pour faire repartir la pollution, en fin de mandat, il pourra comparer avec la
létalité d’alors avec celle durant la pandémie, laquelle paraîtra, comparativement,
marginale, beaucoup plus faible. Comme quoi : mettons notre espoir dans
les puissants, dans les sachants, soyons sûrs de leurs paroles. Bon, arrêtons
de gaspiller notre temps de cerveau disponible et dormons confiants.
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