mardi 10 décembre 2019

Amendement X: plus de photos de maires et de préfets


Consoeurs, confrères, ne publions plus les tronches des officiers de police

Bien Chère Consoeurs, Bien Chers Confrères, ne publions plus les tronches des officiers de police (bis, et reprenez avec moi en chœur). Non, non, non aux deux poids, deux mesures. Les maires et leurs adjoints sont officiers de police, les préfets ont policiers et gendarmes sous leurs ordres. Si, comme le propose le sénateur de l’Hérault, nous devons risquer un an de prison et 45 000 € d’amende, ne prenons aucun risque.
Le sénateur (ex-UMP-LR) de l’Hérault n’est plus maire de Castelnau-le-Lez. Dommage. Cela donnait l’occasion de ne pas le photographier en compagnie de Mohed Altrad, candidat à la mairie de Montpellier. Or donc, X veut réprimer toute diffusion de photo ou vidéo des forces de l’ordre ou de sécurité (genre Alexandre Benalla ?).
Pourquoi pas ? Nous savons faire, et nous saurions, par exemple après avoir pris la photo ou la vidéo de CRS ou autres policiers frappant à terre un·e manifestant·e (après avoir, à l’occasion, renversé son fauteuil roulant), remplacer leurs silhouettes par celles de soldats de plomb. Je n’ai pas écrit de… ou de… (où … pourrait être des gremlins, des paillasses ou clowns blancs, ou ce qu’il vous plait d’imaginer, ecclésiastiques goupillonnant, personnages de BD)
Les amendements, qui devraient être examinés le 17 décembre (voir, le lendemain, sur le site du Sénat, le compte-rendu des débats, certainement instructifs : retenons ces dates), prévoient de lourdes peines. Dont la plus faible, en cas de diffusion d’images de fonctionnaires de la police, des armées (gendarmerie, donc), ou d’agents des douanes, serait une amende de 15 000 euros. Cela vise tout un·e chacun·e, pas uniquement des directrices ou directeurs de publication.
Cela viserait à protéger, et cela, on le conçoit fort bien, des fonctionnaires qui pourraient subir des conséquences. Mais la raison invoquée, c’est qu’il n’est pas possible d’obtenir le floutage des éléments permettant de les identifier. Donc, interdiction totale et non obligation de floutage (laquelle permettrait pourtant, en cas d’enquête administrative ou judiciaire, de produire l’original). Là, en fait, c’est entraver le travail des magistrats et des autorités de contrôle. Bravo, X. Interdisez aussi les écoutes téléphoniques. Et comme au volant, nous ne donnons pas notre consentement pour être flashés par un radar, soyez logiques.
Les deux poids, deux mesures, c’est aussi la fin des régimes spéciaux, sauf pour les membres des forces de l’ordre, mais, là, d’ac’, je digresse. M'enfin, quid de la réciprocité ?
Ce qui est beaucoup, beaucoup plus inquiétant, c’est que s’il est interdit de diffuser, pourquoi ne serait-il pas interdit de prendre des photos ou tourner des vidéos ? On s’approche d’un fonctionnaire muni d’un appareil, hop, confisqué, voire détruit. Allez ensuite contester.
Ce dépôt d’amendements fait suite à un communiqué du syndicat des commissaires de police citant nommément des journalistes qui ne lui convient pas. Incitation à se rendre à leur domicile, à inspecter leurs véhicules ?
Le second amendement est analogue au premier mais durcit la sanction à un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Pas de quoi couler un titre pipeule, mais toute petite publication, tout site d’information pas trop solide financièrement. De mieux en mieux.
Quant au troisième, il est farce. Interdiction à tous les corps de révéler l’identité de fonctionnaires. Donc, ces fonctionnaires ne devront plus révéler leur propre identité ? Le ou la préfète de police de Paris ? Ms X. La ou le porte-parole des douanes sera anonymisé·e ? En voilà, une idée qu’elle serait bonne…
Mais pourquoi ne pas l’étendre aux parlementaires. Plus de photos, de vidéo, de passage à la télévision, de noms donnés aux radios, &c. Cela nous fera des vacances.
Ah oui, j’avais mal lu : si telle ou tel voulait librement se laisser taper le portrait, il lui serait possible de l’autoriser ; mais non de révéler son identité : l’interdiction doit s’appliquer à tout le monde, non ? Aux syndicalistes des douanes, de la police, &c., et à leurs supérieur·e·s qui ne vont quand même pas enfreindre les consignes pour se faire de la publicité, quand même !
Il se trouve qu’après tout, s’ils ne peuvent s’exprimer, sauf sous couvert d’anonymat, pourquoi les solliciterions-nous ? Quand on mentionne « une source autorisée », c’est parce que nous connaissons son identité. Là, on ne pourra plus. Alors, pourquoi perdre du temps ?
Des cabinets d’avocats ont évoqué l’état de droit. Le SNJ-CGT a été l’un des premiers syndicats de la profession à réagir. « Amendement (…) indigne d’une République démocratique » allant « à l’encontre des standards mondiaux et européens », « alarmant et honteux pour la France ».
J’en viens à me demander si, en fait, le sénateur X n’aurait pas eu une grosse contredanse à se faire sauter : à moins que Castaner (zut, Y, cela m'a échappé) l’ait sollicité en sous-main pour introduire ces amendements et que la discipline de votre du groupe LERM soit invoquée, je n’imagine même pas qu’ils soient longuement discutés et encore moins adoptés. La meilleure attitude serait de refuser de commenter et passer directement au vote, histoire de ne pas donner plus de publicité à cet individu.
Soit, bien intentionné, il est inapte à siéger au Sénat, soit il cherche juste à se faire mousser.
Que des dispositions soient prise pour protéger des fonctionnaires, non pas de la vindicte du peuple courroucé unanime, mais de personnes en ayant gros sur le cœur ou animées d’autres intentions, cela peut se justifier.
Mais légiférer de la sorte ?
Quand je vois la presse étaler largement le portrait de ce sénateur, je me pose des questions ; c’était un panorama de multiples vues de fonctionnaires en action susceptible de leur valoir des poursuites auquel il aura fallu avoir recours.
Enfin, vous l’aurez sans doute remarqué, j’écris sous le coup d’un énervement confinant à l’indignation. Bientôt, aussi, des jugements systématiquement à huis-clos de fonctionnaires ? De tout fonctionnaire désigné par ces amendements ? Donc du sieur Balkany (mince, Y, mais où ai-je la tête ?), officier de police judiciaire.
Je m’emporte, je m’emporte, sans oublier que j’ai même rencontré des policiers (CRS inclus), des gendarmes affables, compétents, &c.
Il ne s’agit nullement ici de laisser entendre que les abus de certains soient généralisés (bon, quelques commissaires syndicalistes pourraient le laisser abusivement penser).
Et je ne doute pas que, dans les couloirs du Sénat, nombre de ses collègues sauront lui expliquer les choses qu’il serait bon ne pas exprimer lors de son monologue en séance. Sa proposition est tellement excessive qu’elle en devient insignifiante.
Conclusion : passer vite à autre chose.

Présidentielles algériennes : le boycott des Algériens de France


Les hirakistes bloquent les points de vote en IdF

« Vendus ! » ; « Pas de vote » : le consulat de Créteil et d’autres points de vote des Algérien·ne·s d’Île-de-France ont été bloqués par des groupes tentant de dissuader de se rendre aux urnes. D'autres blocages, en France et à l'étranger, devraient être constatés demain et jeudi. 
L’élection d’un candidat à la présidence de la république algérienne sera très vraisemblablement marquée par un taux record d’abstention. Et c’est sans doute déjà le cas à travers la diaspora algérienne, appelée à se prononcer depuis hier.
Le mouvement populaire algérien, le hirak, réclamait l’annulation des élections présidentielles qui tournent effectivement à la mascarade : les candidats, considérés par le hirak être des faux nez du pouvoir militaire, font mollement campagne, évitant de paraître dans les grandes villes. Et, sauf erreur, n’ont pas trop tenté de s’aventurer hors des frontières pour aller à la rencontre de l’électorat de la diaspora, particulièrement important en France et au Bénélux.
Pour cause. Samir Ghelaoui, de El Watan, a constaté qu’une « caravane de sensibilisation contre l’élection » avait parcouru l’Île-de-France. Un canvassing particulièrement efficace car de rares personnes se sont rendues « au compte-gouttes » dans les points de vote.
Elles ont cependant, si elles n’avaient pas rebroussé chemin, pu voter. Mais au risque non seulement de voir conspuées mais aussi photographiées et filmées en vue d’une diffusion de leurs visages sur des réseaux sociaux. Outre brandir des pancartes, les hirakistes ont crié des slogans tels que « Vendus, honte à vous ! » ou, ce qui peut sembler insolite à l’observateur peu au fait de l’opinion algérienne, « harkis, enfants de harkis ». On entendit même des « pouvoir assassin, Macron complice ».
On ne voit pas trop des filles ou fils de harkis voudraient conforter les actuels dirigeants algériens, mais… le hirak se revendique des fondamentaux de la guerre pour l’indépendance que le clanisme des Bouteflika et des hauts gradés aurait trahis. Le surnom de chiyatine (favorable à ces élections) est devenu synonyme de traître. Cela va loin. Déjà, dans El Manchar, en mars, on pouvait lire que même si Abdelaaziz était mort, les chiyatines « seraient prêts à voter pour lui ». Et qu’ils doivent se cacher pour effectuer achats dans des établissements ou commerces considérés dirigés ou tenus par d’autres chiyatines. Ce site, qui peut évoquer celui du Gorafi, n’en reflète pas moins la sensibilité hirakienne.
Quant à la référence à Emmanuel Macron, elle s’explique par le fait que, même si le pouvoir se sert de l’ingérence étrangère (entendez, française) — une manifestation pro-élection à Alger l’invoquait encore lundi — pour dénoncer un hirak noyauté par une puissance (devinez laquelle), une grande partie de la rue algérienne est persuadée que « la France » soutient les généraux. La preuve ? Elle se tait. Et si « la France » disait quoi que ce soit qui n’équivaudrait pas à une nette prise de position pour le hirak, voire tant bien même, la suspicion persisterait.
La presse française s’est peu penchée sur le hirak en France et c’est un ami algérien qui m'a appris que, chaque semaine, place de la République à Paris, des manifestations étaient organisées (et que les lieux étaient ensuite nettoyés par les manifestant·e·s).
Je ne sais si, devant les consulats, le cachir (saucisson rouge d’apparence proche d’un cervelas rectiligne), devenu symbole de la chitta (soumission à tout pouvoir), était brandis ou projetés. C’est devenu, depuis 2014 (année du quatrième mandat de Bouteflika), une sorte d’emblème de l’achat des voix. Exemple d’emploi dans le langage courant des hirakistes : « mangeurs de cachir, sachez que nous sommes l’avenir ».
Toujours El Manchar : « Azzedine Mihoubi a été désigné le pion favori du système ». Mais Abdelkader Bengrina (islamiste devenu ministre du Tourisme après la décennie 1990), qui, selon El Watan, « lorgne l’électorat confrérique » (musulman malekite), conserverait ses chances. Tout candidat (ils sont cinq, et d’autres sources donnaient Ali Benflis ou Abdemadjid Tebboune favoris) sera considéré être un fantoche du général Gaïd Salah dont le retrait de la vie publique est exigé. Il semble qu’un procès pour « intelligence avec un État étranger » visant un collaborateur d’Ali Benflis, et impliquant le candidat pour la détention d’un compte bancaire en France, ait été instrumentalisé pour décourager son électorat.
Lequel Ahmed Gaïd Salah s’est félicité du patriotisme « de notre communauté à l’étranger » qui se serait acquittée de son devoir électoral. Ce qui, pour les hirakistes est soit un ahurissant déni de réalité, soit le présage que les chiffres seront massivement truqués. Pour Hacène Hirèche, correspondant du Matin, il s’agit de mensonges éhontés qui « confirment la vraie et sombre face du régime ».
Hacène Hirèche, devant le consulat du boulevard de Charonne, a vu conspuer « les rares brebis galeuses arrivées têtes baissées et accompagnées de CRS pour voter comme au temps de la colonisation. ». On ne se souvient pas vraiment que la colonisation ait contribué à faire élire, en juin 1946, Ferhat Abbas, député de Sétif (il devint par la suite le premier président de l’Algérie), mais glissons…
Ouverts depuis le 7 dernier, les bureaux de vote à l’étranger ne fermeront que dimanche prochain. Difficile donc de se prononcer sur la participation finale. Mais on relève qu’à Toulouse, une manifestante ayant prétendu vouloir voter afin de filmer à l’intérieur du consulat, s’est vue arracher son téléphone qui fut brisé : on se doute qu’en cas d’affluence, la réaction consulaire aurait pu être différente. Par ailleurs, Dzair Daily fait état d’un blocage total du consulat de Lausanne et évoque une participation globale de la diaspora de l’ordre de… 1 %.
En fait, le pouvoir algérien, faute de museler toute la presse, veut contrôler des médias aux ordres. Le très populaire journaliste Mahrez Rabia vient d’être remercié de la chaîne Canal Algérie en raison de son surpoids. Divers de ses confrères de la Radio nationale ont été limogés, ont démissionné, ou dénoncent encore les pressions qu’ils subissent.
Pour le hirak, la France serait redevenue le pays de la wilaya 7. C’est du moins le sens d’un éditorial du Matin « L’honneur rapatrié, le déshonneur exporté ». Les Algériens de France sont les dignes héritiers de leurs aînés et « rapatrient leur honneur (…) savourent la fierté d’être algériens ». Soit. Cet éditorial est illustré d’un visuel insolite : un drapeau algérien, une pancarte brandie « vote de la trahison, 57 ans, basta ». 57 ans… Allusion au MNA de Messali Hadj ? Qui dut, en janvier 1961, laisser la primauté des opérations au FLN ? Ou coquille (Ben Bella fut renversé en juin 1965) ?
On ne doute pas que la société civile algérienne compte nombre d’intellectuel·le·s, de syndicalistes, de diplômé·e·s compétent·e·s. Mais il est difficile de distinguer un fédérateur entouré d’une équipe pouvant assurer la relève.
De plus, même s’il pouvait sembler plus soucieux de publicité personnelle que d’obtenir un mandat électif, Rachid Nekkaz, homme d’affaires et activiste ayant dénoncé la loi sur les hydrocarbures en appelant le peuple en armes à exécuter des députés, ou s’étant proposé de porter plainte contre Gaïd Salah, vient d’être accusé « d’atteinte à l’unité nationale » et placé en détention. D’autres figures populaires sont aussi empêchées de s’exprimer par le pouvoir.
Si une pétition adressée au gouvernement afin d’éviter « tout dérapage » a été signée par 19 personnalités nationales considérant qu’il ne faut pas que le hirak se focalise sur ces élections et qu’il sera capable d’outrepasser leur suite « grâce à sa conscience et son civisme », on ne distingue pas vraiment quoi d’autre les rassemblera.
Pour calmer l’opinion, des anciens ministres et des oligarques, ou encore le directeur de la Banque nationale viennent d’être condamnés à des peines allant de trois à 15 ans. Le seul acquitté restera en prison (A. Zaalane, ex-ministre des TP et Transports), en l’attente d’un autre jugement.
Madani Mezrag, ex-dirigeant de l’Armée islamique du salut, a incité à la participation ou à voter blanc. Le Mouvement de la société pour la paix, présidé par Abderrazak Makri ne soutiendra aucun candidat et doute de la transparence des opérations de vote. Mais les religieux s’inquiètent des protestations étudiantes, de la progression des mariages civils (ou du concubinage), et du sentiment séculariste. La « révolution du sourire » les fait grimacer. Ils pourraient être tentés de se rallier, sans trop l’afficher, au vainqueur de l’élection, mieux susceptible d’être garant de leur emprise. L’écrivain Adda Fellahi, ex-conseiller auprès des Affaires religieuses, appelle à la participation et s’inquiète d’une radicalisation croissante du hirak. L’influence des évangélistes en Kabylie suscite aussi des interrogations. L'alliance du sabre et du goupillon semble en passe d'être reconduite.
Reste à savoir si les méthodes employées par les Algériens de l’étranger seront reprises en Algérie ce 12 décembre… Et si des barrages pacifiques, néanmoins dissuasifs, ne seront pas dispersés de manière musclée. Enfin, en cas de participation ridiculement basse (ou paraissant outrageusement gonflée), il semble difficile de présager des lendemains.
Qui seront de toute façon difficile alors que le dinar est en passe de passer au-dessus de la barre des 200 contre un euro…

Johnson et Trump ont tout bon pour le grand rabbin britannique


Ephraïm Mivris : un silence qui en dit long


Le grand rabbin britannique avait solennellement appelé à ne pas voter Labour le 12 prochain. On attend toujours ses déclarations sur Boris Johnson (ou Donald Trump). Son silence en dit long…
Long, mais sur quoi ? Sur sa confusion, son embarras ? Rappelons que vendredi dernier, Donald Trump a proféré que les juifs sont principalement motivés par l’argent. « Passe encore », puisque le grand rabbin du Royaume-Uni n’a pas vraiment d’obligation de se prononcer sur les déclarations d’un chef d’État étranger.
Mais on se souvient surtout qu’Eprhaïm Mivris avait déclaré que les Juifs britanniques étaient « noués d’angoisse » par la perspective de voir Jeremy Corbyn accéder à Downing Street. Et pour diverses organisations juives, en dépit de ce peuvent dire les Juifs restant fidèles au Labour, Corbyn reste la tête à claques qu’il faut abattre.
Et voici que resurgissent des passages de Seventy Two Virgins (les 72 vierges), livre écrit par Boris Johnson. Tout ce qui n’est pas Bristish de souche dont l’ascendance remonte aux Saxons et aux Normands en prend plein sa musette. Les tziganes et autres gypsies, tous les basanés, les noirs, et seuls les homosexuel·le·s et les débiles mentaux sont épargnés (un oubli ?).
Sémites de toutes origines sont décrits ayant des nez crochus. Hop, prix de gros : Arabes, ou Juifs présentent des tronches bien typiques.
Mais il s’attarde sur les Juifs. Qui contrôlent les médias. Et trafiquent les élections. Sont en fait, comme au Kosovo, des basses castes, des interlopes métissés, &c. Glissons sur la dénonciation du politiquement correct qui paralyse celles et ceux craignant d’être qualifiés de racistes.
Bien évidemment, c’est de l’histoire ancienne. Cela remonte à mai 2005. Et puis, ce n’est qu’un roman (genre OSS 117, avec le Bojo dans le rôle d’Hubert Bonisseur de la Bath, mais se prenant au sérieux).
Mais pourquoi donc Ephraïm Mivris a-t-il donc lancé une telle consigne unilatérale de vote (tout sauf Corbyn, même s’il n’a pas laissé entendre que l’Ukip, l’ex-formation de Nigel Farage, du Brexit Party, valait mieux que le Labour) ? Sans nuance ; frontalement.
Et pourquoi se tait-il ?
Lui seul pourrait répondre, au risque, s’il s’abstenait, de laisser une partie de l’opinion entendre que seule la politique expansionniste de Netanyahou trouve grâce à ses yeux, et qu’importent les considérations raciales et judéophobes proférées par des soutiens du sionisme revisité par l’extrême-droite et la droite israéliennes.
Voici fort peu, le député israélien Yair Lapid (du Kakhol Iavan, et pressenti pour les Affaires étrangères) a su reconnaître un judéophobe en la personne de Jeremy Corbyn. Israel Katz, a souhaité, à titre personnel, que Corbyn ne soit pas élu. Gilles William Goldnadel a écrit dans le Figaro, que Corbyn reprend « les scories de la haine antijuive prolétarienne détestant le riche ». Meuh non, Trump est adulé par ses partisans prolétariens, et alors ? Il peut sans problème reprendre la même antienne avec l’approbation tacite de Me Goldnadel. Hormis The Jewish Chronicle, et quelques autres publications, qui a tenté de départager le pour du contre Jeremy Corbyn ? Le Centre Simon Wiesenthal, rapporte Haaretz, s’est aussi prononcé contre le Labour ce 9 décembre. Le Jerusalem Post rapporte les propos de Simon Cobbs, des Sussex Friends of Israel. Qui décrit un gouvernement travailliste judéophobe (forcément) et déplore que si les conservateurs l’emportent, on le mettra sur le dos des Juifs. Bref, gagnant-gagnant, on pourra continuer à dénoncer la judéophobie de… Pas des conservateurs et de leur sémillant chef de file, quand même ? Si, un peu ? Nan !
David Isaacson, toujours dans le Jerusalem Post, assure que tous les Juifs britanniques sont contre Corbyn, des laïcs aux ultra-orthodoxes. Ce n’est évidemment pas le sentiment du groupe Jewish Voice for Labour.
En fait, à ce train, il ne suffira plus d’avoir une mère ou grand-mère s’étant déclarée juive pour être reconnu Juif. Faudra-il jurer sur une bible allégeance à Israel (sauf si la gauche israélienne relançant le processus de paix venait à l’emporter) ?
Il ne faut rien exagérer. Ni minorer le fait que divers travaillistes ont exprimé davantage qu’un sentiment antisioniste. Environ 70 cas plutôt flagrants (sur, soutiennent le Mail et le Times, 130) ont été recensés. Indéniable, sauf si, évidemment, certains cas seraient dus à des activistes Juifs ayant infiltré le Labour pour créer des incidents. Ce qui n’est pas du tout, du tout évident. Jeremy Corbyn a lui-même exprimé sa proximité avec les thèses pro-palestiniennes de manière parfois limite.
Le grand rabbin britannique avait quelques raisons de faire part de son inquiétude.
Mais l’impression d’un deux poids, deux mesures, peut finir par l’emporter.
Dans le Guardian, Slavoj Zizek, évoque une manipulation de l’Holocauste. Et en appelle à un retour à la tradition éthique juive.
L’ironie de la situation est forte : les conservateurs examineraient les cas de trois de leurs candidats ayant exprimé des opinions judéophobes. Enquête supervisée par Boris Johnson ? Qui n’a pas trop tempéré le soutien conservateur à la Hongrie de Orban dont la tête de turc est George Soros ; mais, puisque qu’Ephraïm Mivris considère que c’est véniel, alors… Et lorsque Boris Johnson inaugura, avec Theresa May, une statue de Nancy Astor, première députée britannique (en 1919, parmi 700 députés), qui préférait le nazisme au communiste, la Campaign Against Anti-Semitism a certes dénoncé cet hommage… sans trop s’inquiéter de qui participait à l’inauguration.
L’histoire se répéterait-elle, avec de « négligeables » nuances ?
Bah, quelque soit l’issue du scrutin, la chasse aux subventions reprendra. Une généralité qui s’applique à toutes et tous. La religiophobie n’est pas que synonyme de la méfiance éprouvée envers une seule composante. Et s’accompagne généralement d’un fort sentiment opposé à toute forme de xénophobie.

lundi 9 décembre 2019

Le Temple satanique ou la Libre Pensée à l’américaine


Une église, une croyance, surtout un cache-nez laïcard

Tiens, cela m’a échappé : fiscalement, The Satanic Temple est devenu officiellement une église étasunienne en avril dernier. Pour un peu, je lèverais bien des fonds pour ouvrir un lieu du « culte » boulevard de Bonne-Nouvelle.
Je me souviens de mes séjours en Californie et de mon étonnement, voire ébahissement, de découvrir, au détour d’une rue, un, des édifices religieux dédiés à un, des cultes dont je n’avais jamais entendu parler (visiblement non chrétien et surtout pas très catholique, comme on dit). Il s’agit de cultes non-denominational, comme disent les Étasuniens.
Feu mon pote, le « révérend » Billy Hults, de Cannon Beach (Oregon), activiste culturel, joueur de planche à laver émérite, journaliste indépendant et auteur, m’avait mis au parfum plus tard. Son église, dont il modifiait la dénomination à son gré (version courte : l’église du Dernier Cowboy bouddhiste rastifarien ou Rastafied Cowboy Buddah, mais il en rajoutait avec des Yabyums tout plein dedans à l’occasion), lui permettait de se faire exempter d’imposition (et de tenter de faire vivre sa publication, The Upper Left Edge). Pas du tout prêchi-prêcha, mais il célébrait à l’occasion des mariages d’anthologie (ses sermons portant sur tout et n’importe quoi, mais pas sur son église ou des croyances surnaturelles).
Activités cultuelles à proprement parler : zéro.
Et quid du Satanic Temple ? Une pompe à dons, depuis avril dernier exempte d’imposition ? Pas seulement. Une religion ? Oui, au sens qu’en donne Yuval Noah Hariri (Sapiens, Vintage pub., 2015, ou KZD, 2011 pour la version en hébreu ; chap. The Worship of Man), lequel considère que l’humanisme, le libéralisme, le communisme, &c. Bien, J’ai déjà dû l’évoquer précédemment, de même que l’activisme du Temple satanique dans les écoles (mêlant soutien scolaire, activités d'éveil, et réflexions philosophiques lors de cours du soir ; les églises chrétiennes font de même, mais davantage orienté catéchisme). Je n’y reviens pas.
Ce qui m’a fait connaître cette reconnaissance officielle, c’est un incident à bord d’un appareil d’American Airlines. Il fut intimé à une passagère, par l’équipage de cabine, le 30 octobre dernier, de se changer ou de dissimuler son maillot frappé des mentions Hail Satan et est. 666, avec croix chrétienne inversée (comme la Marianne des timbres français, vieille coutume royaliste). La compagnie a depuis présenté ses plates excuses. On ne badine pas avec le blasphème, toujours évoqué subtilement dans les constitutions de certains États, ce en contradiction avec la plus récente version du First Amendment. Mais depuis les années 1930, il n’est plus de poursuites judiciaires (au grand dam des partisans religieux de Donald Trump) pour blasphème.
C’est aussi vaguement un culte puisque le Baphomet Monument, à la gloire d’un satan à tête de bouc, vaut « idole », style statue de la déesse de la Raison, mais qui n’a rien à voir avec la wicca, sauf le côté folklorique ironique à l’occasion (pas de rites complexes comme en franc-maçonnerie). Le « baptême » est libre et gratuit et sans rite codifié (simple déclaration d’intention, chacun faisant comme bon lui semble pour le célébrer… ou non). Pas de cérémonial, pas de réelle hiérarchie, mais Lucien Greaves, le co-fondateur, reste une référence agissant à l’occasion au nom du Temple.
Plus séculier, on ne trouve que la Libre Pensée pour équivalent. Deux champs d’action : réfutation de la pensée magique (étendue à certaines dérives de la psychanalyse, aux pseudo-sciences) et du complotisme ; civisme (défense de la liberté d’expression, tolérance, appui de mouvements pour les droits civils).
La concurrence, à ce jour, outre éventuelles sociétés secrètes ou ésotériques organisées en sectes recherchant la discrétion, c’est la Church of Satan. Qui prône l’athéisme et l’individualisme. Un certain Jean-Louis Ludwig a tenté de s’en inspirer en fondant la French Church of Lucifer, mais, depuis mars 2017, on n’en entend plus vraiment parler. Il en est d’autres, dont ne sait trop si des chrétiens-tradis ne les ont pas inventées pour clamer que telle ou tel a fini « par renoncer à Satan ou à ses œuvres » et rejoindre leur giron.
En tout cas, la Church of Satan ne vend pas des sorts, son site ne comporte pas de boutique mais renvoie sur Amazon pour commander divers livres d’auteurs divers (dont Michel Foucault, Nietzsche, Machiavel, Shaw, Jules Verne…). Plutôt moins mystico-ésotérique que les Phrères Simplistes ou Le Grand Jeu et c’est peu dire : cette église de Satan fait plutôt songer à club de réflexion permettant à sa hiérarchie de s’exprimer dans la presse à l’occasion, sur des sujets divers, peu en rapport avec les religions. Mais là, adhérer n’est pas donné. Elle est représentée en Allemagne et le site Der Rabe (le corbeau) précise que ce satan n’est qu’un symbole (ou plutôt concept, étiquette) d’une sorte d’athéisme ou d’agnosticisme prônant la pensée rationnelle. Mais des rites sont codifiés et suivis lors de cérémonies (baptême, mariage, funérailles).
Les formes d’intervention du Satanic Temple sont beaucoup plus rigolotes, parfois parodiques, festives…
Comme certaines organisations laïques françaises, le Temple satanique proteste contre les crèches de Noël (en tentant de leur adjoindre des symboles pas forcément d’inspiration satanique).
Le plus cocasse dans l’affaire est que l’exemption fiscale, accordée le 25 avril dernier, le fut à la suite d’une sorte de décret (executive order) de Donald Trump, promulgué en mai 2017. Auparavant, le Temple critiquait cette exemption et ne la sollicitait pas.
Bref, aucune contre-indication : on peut se dire libre penseur et « templier » du satanisme (et réciproquement).
J’ai bien fouillé Wikipedia (anglophone) et les divers sites du fisc des États-Unis… En vain, et même la page Wikipedia consacrée à la National Spiritualist Association of Churches (églises non-chrétiennes, admettant la communication avec les âmes des « présumés » défunts, les médiums et autres guérisseurs) ne donne pas une approximation du nombre de ses diverses « églises » (toutes exemptées d’impôt). Il semble que le l’U.S. Religion Census de 2010 recensait 236 dénominations religieuses diverses rassemblant 345 000 congrégations ou groupes, assemblées religieuses (mais il fallait adhérer et l’organisme pouvait rejeter des applications). Ce recensement se tient tous les dix ans. On peut douter que le culte de la Licorne rose invisible (ou autres cultes du Jedi, dont l’un est reconnu aux États-Unis et exempté d’impôt depuis 2015, le texan Temple of the Jedi Order) soit du nombre des admis en 2020.
On dispose bien de statistiques globales sur les organisations à but non-lucratif (églises incluses) mais savoir combien de pasteurs du genre de Billy Hults se sont proclamés papes ou mamamouchis d’une congrégation est plus qu’ardu. Ces pasteurs, dont certains filent avec la caisse de leurs ouailles, sont exposés à des enquêtes de l’Internal Revenue Service (qui ne touchent chaque année que fort peu d’églises, et pour cause, c’est décidé au plus haut niveau, et selon une estimation d’un juriste, le taux serait inférieur à 0,3 %).
Comme l’indiquait le groupe Think Progress en 2017, l’IRS invoque son code interne pour refuser de communiquer sur cette question. Les églises ou les prédicateurs sont supposés remplir un formulaire pour déclarer leurs revenus supplémentaires (à ceux leur valant non-imposition). Parfois l’IRS poursuit des prédicateurs pour non-déclaration, mais rarement. De très nombreux avocats fiscalistes se spécialisent dans la clientèle religieuse (quand ils n’ont pas eux-mêmes aussi une casquette de prédicateur). À moins de prêcher la pédophilie ou l’assassinat des renégats et hérétiques (et encore… mais faire état d’exécutions serait contre-indiqué), l’exonération fiscale est assez libéralement accordée. Et des associations du type Reclaiming Oklahoma For Christ peuvent bénéficier aussi des dispositions fiscales.
Le Temple satanique, assez proche de ce que serait censée promouvoir l’association Americans United for Separation of Church and State (elle aussi exemptée de taxes, et employant un avocat qui est aussi prêtre ordonné), mène campagne pour que les églises ne se prononcent pas pour un parti politique ou l’un de ses candidats. Mais tant que Trump restera président, il aura fort à faire…
Onward Satanic Soldiers, Satan Bless America!

Brexit : Vers une réunification irlandaise ?


Les unionistes nord-irlandais en mauvaise passe

En cas de rupture du Royaume-Uni d’avec l’Union européenne, la perspective d’une réunification irlandaise ne peut être exclue. La démographie, et surtout l’évolution de l’opinion, en particulier celle des jeunes, rendent cette perspective beaucoup plus probable.
Dès le Brexit accompli, ce sera, au Royaume-Uni, embrassons-nous Folleville. C’est en tout cas l’opinion de Boris Johnson, interrogé sur sa relation avec sa compagne, Carrie Symonds.
Que va-t-il lui offrir pour Noël ? “I’m going to get Brexit done”. Et la liesse s’ensuivra, avec pour conséquence une hausse de la natalité. Cupidon fera flèche de tout bois, les amours fleuriront à travers la nation. Tel que…
Il a de même affirmé qu’après les Jeux olympiques de 2013, il avait été constaté un baby boom. En tout cas, ni en Angleterre, ni au Pays de Galles, pour lesquels une nette chute fut constatée.
De son côté, la ministre de l’Intérieur, Priti Patel, a prédit que le taux de criminalité bondirait si le Labour emportait les élections, à raison de 52 décès criminels de plus annuellement. Le choix est clair : des bébés ou des cadavres, choisissez. Boris Johnson n’a pas daigné commenter cette prédiction.
Mais le Bojo peut (ou ne pas) dire tout ou n’importe quoi, ses partisans lui conservent une confiance illimitée. En témoigne le résultat du sondage du Daily Express auprès de son lectorat qui conclut que les documents produits par Jeremy Corbyn sur la frontière avec l’Irlande du Nord étaient des faux (de plus, fournis par la Russie, laisse entendre le quotidien). Seulement 15 % des répondants (1 167 sur 8 182) les considèrent authentiques, avec uniquement 2 % d’indécis. Cela alors même que Boris Johnson n’a jamais mis en doute leur authenticité, se bornant à indiquer qu’il y aurait bien des contrôles (et des droits de douane) entre les deux Irlande, mais aucun — contrairement aux documents produits — entre la Grande-Bretagne et les six comtés nord-irlandais.
Consciente du ridicule, la rédaction de l’Express a retiré l’article de la page d’accueil de son site dès ce lundi.
Car si son lectorat n’est pas convaincu par ces documents, les unionistes nord-irlandais le sont absolument. Arlene Foster et le DUP clament qu’il s’agit d’une trahison et que plus jamais ils n’accorderont leur confiance à ce Premier ministre qui a « renié sa parole ». Arlene Foster a obtenu des services douaniers la confirmation du contenu des documents : soit deux frontières, l’une entre les deux Irlande, l’autre entre les comtés et le reste du Royaume-Uni.
Ce qui place son parti, naguère fort des dix sièges ayant suffi un temps à ce que le DUP et les Tories soient majoritaires au Parlement, en délicate position.
Traditionnellement, le vote en Irlande du Nord oppose « catholiques » (Sinn Féin, et SDLP, pour la réunification ou verts) et « protestants » (DUP et autres oranges). Jusqu’en 2011, la démographie avantageait les protestants (et assimilés) à 48 contre 45 % (avec 7 % d’Irlandais du sud et autres, dont des citoyens des 27 pays du continent). Mais en 2021, en se fondant sur des estimations de 2016, les proportions se seront inversées en ce qui se rapporte aux adultes.
Ajoutez à cela qu’en cas de gouvernement Labour-SNP, sans doute appuyés par les libéraux-démocrates en ce qui concerne ces mesures, l’âge du vote sera abaissé à 16 ans et que les résidents européens deviendront électeurs. À moyen terme, cela laisse présager, en cas de nouveau référendum tranchant entre le projet d’accord des travaillistes et le retrait de l’article 50 (soit le maintien dans l’Union européenne), une majorité, tant en Irlande du Nord qu’en Écosse ou au Pays de Galles, pour ne pas rompre avec le continent.
À plus long terme, cela signifie-t-il que la réunification irlandaise se produise ? Si ce n’est pas exclu, ce n’est guère évident.
Il faut prendre en compte l’évolution de l’opinion constatée chez les jeunes, en particulier les trentenaires. Nombre d’entre eux se déclarent indifférents. Et plus généralement, « l’identité » britannique, régresse, y compris au sein (même si cela reste difficile à évaluer exactement) de l’électorat unioniste. Soit que « l'identité » nord-irlandaise, indifférente aux anciens clivages, progresse. Ou que l'attachement à l'Union européenne se renforce, y compris dans les rangs unionistes.
Cela peut aboutir soit à la réunification, soit déboucher sur la revendication d’une encore plus forte dévolution (sur le modèle écossais). Dans cette seconde hypothèse, cela signifierait deux parlements, deux exécutifs. Pour le politologue Paul Nolan, spécialiste de l’Irlande, il restera difficile de prévoir laquelle des deux options prévaudra. Pour Mary Lou McDonald, du Sinn Féin, « rien n’est tabou », y compris d’en discuter dès à présent avec Arlene Foster et le DUP.
Il est plus que prématuré d’avancer un pronostic. Cela dépendra de l’issue du Brexit.
Un indicateur le laisse percevoir. Nicola Sturgeon, du SNP écossais, pourrait estimer qu’un second référendum sur l’indépendance écossaise risquerait de confirmer le résultat du précédent si (et seulement si) la révocation de l’article 50 était actée ou si l’accord travailliste satisfaisait la majorité des Écossais. En fonction du résultat de l'éventuel référendum sur le Brexit, le SNP accentuera ou non la pression pour organiser un référendum sur l’indépendance. Bien sûr, Nicola Sturgeon ne dit pas déjà que la date du référendum qu’elle souhaite (vers fin 2020) pourrait être repoussée.
Selon leur position Leave ou Remain, les quotidiens interprètent les sondages et les projections des bookmakers différemment. The Daily Express considère que les conservateurs ont creusé l’écart, en seraient à 45 % des intentions de vote. The Standard, plus mesuré, considère que l’écart reste stable, à dix points (43 % pour les conservateurs). The Mirror laisse la parole au professeur John Curtice qui estime que si l’écart tombe à six points, ce qui pourrait se produire, la perspective d’un parlement « suspendu » (hung), bloqué, l’opposition aux conservateurs se coalisant, reste possible. Selon la moyenne des sondages, les conservateurs se situeraient à 43,5 %, ce qui reconduirait une majorité conservatrice à l’issue de ce vote à un seul tour.
Mais les indécis pourraient s’abstenir ou voter « utile » (pour un·e candidat·e pro-Leave ou Remain, selon les circonscriptions, mieux placé·e) au tout dernier moment.
Ce qui semble se profiler, c’est que le DUP pourrait perdre un siège. Voire deux (bénéficiant au Sin Féin et au SDLP, l’autre parti « catholique », ou green irlandais par opposition à l’orange des unionistes). Cela ne changera pas la donne globale.
En revanche, même si le sentiment unioniste semble avoir régressé en Grande-Bretagne (en Angleterre principalement), les déclarations, post-derniers sondages, d’Arlene Foster peuvent influencer des électeurs conservateurs (qui s’abstiendraient, voteraient pour un conservateur dissident s’il en était sur leur circonscription, ou un indépendant). Sans doute pas de manière à contribuer à faire élire des candidat·e·s travaillistes, mais à barrer la route à quelques (rares) conservateurs.
Mais pour la suite, The Irish Times (Dublin) prévoit que Sinn Féin et DUP seront forcés de négocier (sur le fonctionnement d’une assemblée nord-irlandaise, et pour éviter le retour à des affrontements marginaux violents).
Et puis, pour The Guardian, si le SNP obtenait la tenue d’un second référendum sur l’indépendance, et surtout l’emportait, les répercussions sur l’Irlande du nord seraient considérables : les relations entre l'Écosse et les deux Irlande sont fortes (sentiment d'appartenance commune, volume des échanges relationnels divers, culturels et autres, et économiques).
Selon Matthew O’Toole, un ancien haut-fonctionnaire, le devenir de l’Écosse ne pourra qu’influencer celui de l’Irlande du nord.

dimanche 8 décembre 2019

Historiographie : le mythe de la Reconquista

Après Poitiers, Covandonga, autre « escarmouche »

Je ne vais pas vous remémorer à quel point les historiens français ont remis en question la bataille (?) de Poitiers. Nouveau, la remise en cause, par les historiens espagnols, de celle de Covadonga, et plus largement, de la Reconquista.
J’ai déjà évoqué (ailleurs que sur ce blogue), le palais maure du haut du faubourg Poissonnière, cette île sur la Loire, près de Saumur, présumée peuplée de présumés gitans qui conversaient dans un dialecte berbère (comme l’ont déterminé des linguistes vers la fin des années 1950, ou plus tard, peu importe). Comme je n’ai jamais évoqué ce confrère niortais qui n’excluait pas des ascendances diverses (dont maures ou berbères, ou allez savoir…), je vous le place en préambule.
Très édifiant article de La Vanguardia, “La Reconquista que no existió”. Théoriquement, la période circa 711-1492. Environ sept siècles durant lesquels Juifs, Chrétiens, Musulmans (ou autres, de diverses lignées et croyances) ont contracté de multiples mariages et croisements. Et au cours de laquelle (il faudrait que je me replonge dans mon bouquin, Femmes et métiers du Livre, épuisé), les femmes, au moins dans la partie andalouse, tenaient des places prééminentes. Mais je ne vais pas vous ressasser mes diverses sauvages recherches ethno-anthropologiques sur l’ethnicité des unes, des autres, dont les Bretons et les Écossais (nombre d’analyses DNA établissant des ascendances africaines). Parlons plutôt d’identité espagnole.
C’est un peu comme la Jeanne en France, cela fluctue. En Espagne, au dix-neuvième, tout le monde, à peu de choses près, se gargarise des rois catholiques. Et de don Pelayo qui, à Cadavonga, vers 800, aurait livré bataille. Bataille ? Elle n’est qualifiée telle qu’à partir de 883. Totalement ignorée des chroniques musulmanes. Admettons qu’une retentissante défaite ait été mise sous le boisseau. Sauf que, dans les chroniques chrétiennes, est décelé le calque d’une bataille entre un Pelayo et des Chaldéens (occupant alors l’Irak). Bref, L’Exode aurait été pompée
On ne sait pas trop qui était ce Pelayo ibère. Un Wisigoth ? Un hobereau local ? Un soldat de fortune venu du Cantabrico ? Soit de Biscaye.
Or il n’est même pas sûr que les divers Goths aient vraiment dominé l’ensemble de la péninsule ibérique.
Mussolini fit révérer Romulus et Rémus jusqu’en Roumanie, les Anglais revendiquent l’héritage du kuningan Arthur, et les Allemands (entre autres), celui des Nibelungen. Tout comme les Ukrainiens mettent en avant des Vikings (sans parler des Normands issus des Norsemen). Et qui étaient donc les aïeux de nos ancêtres les Gaulois ?
Identitaires de tous les pays… Vox, en Espagne, remet au goût du jour l’épisode fumeux de Covadonga. Et en fait, pendant huit siècles, dans l’Espagne actuelle, on adopta la religion dominante du cru dans lequel on vivait. Telle localité vaut bien une messe ou une circoncision (souvent facultative).
Et « notre » Cid ? Un mercenaire, qui combattait, selon le gré du plus offrant, sous une bannière mahométane ou chrétienne. Un condottiere, en quelque sorte.
J’ai constaté l’essor d’une langue croate distincte arbitrairement de l’ex-serbo-croate, le flop du dictionnaire modalvo-roumain, et je prédis, en vérité, en vérité, que des régionalistes, un peu partout, se forgeront des identités pour obtenir davantage d’autonomie.
La réunification irlandaise n’est plus utopique : d’une part, les « catholiques » (ou se définissant tels) sont désormais majoritaires, et les jeunes unionistes ne se sentent plus vraiment britanniques (ou se déclarent indifférents, davantage soucieux des avantages de rester dans l’Union européenne). En contrepartie, les Écossais seraient favorables à l’indépendance en cas de Brexit, mais partisans du statut quo si le Royaume-Uni restait dans l’Union européenne. Cela reste flou, je peux me fourvoyer, tentez de vérifier par vous-mêmes.
À quoi tient notre sentiment d’appartenance ? À nos sentiments du moment et du rapport de forces ? Et comment auto-justifier nos reniements, ou nos enracinements dans nos convictions antérieures ?
La présomptueuse « identité » fondée sur l’antériorité de mythiques racines communes est caduque, pratiquement partout, en particulier en Europe. La volonté du « vivre ensemble » est beaucoup plus primordiale et gagne à s’affirmer indépendamment de toute considération ethnico-farfelue ou liée à la religiosité. Ce qui semble plaider pour un « entre-nous ». Mais ouvert à toutes et tous. Et non hostile aux « autres », l’hostilité étant un faible facteur de cohésion durable (au fil des siècles). Comment l’articuler ? Déjà en ne s’enferrant pas. La remise en cause du concept de reconquête en Espagne me semble un pas en avant salutaire. C’est pourquoi j’en fais état.

De la duplicité des Juifs… selon Donald Trump

Le Donald : le Juif qui n’est pas pour moi est un mauvais Juif

Pro-Israël, certes. Donald Trump l’a réaffirmé en Floride devant l’Israel American Council. Et même judéophile… Mais sa vision des Juifs laisse pantois.
Je ne sais trop comment Donald Trump définit les Juifs (lesquels, qui ne forment pas une ethnie, se définissent diversement) mais s’adressant à des membres de l’Israeli American Council, en Floride, hier, il pouvait être sûr que son auditoire se définissait tel.
Imaginez maintenant Emmanuel Macron s’adressant aux convives du dîner du Crif pour les interpeller : je vous connais, nous venons des mêmes moules, des milieux d’affaires, vous placerez votre pognon au-dessus de vos convictions. Et que je vous apprécie ou non est subsidiaire. Mais il y a des brebis galeuses parmi vous qui n’aiment pas suffisamment Israël. Votez tous pour moi et faites pression sur vos dissidents.
Bien sûr, Donald Trump ne l’a pas énoncé ainsi (c’est trop élaboré pour lui), mais qu’on en juge…
« Même si vous ne m’aimez pas – comme certains d’entre vous que je n’aime pas davantage en fait — vous allez être mes plus fervents partisans ». Parce que si les démocrates m’évincent, « vous serez en faillite en un quart d’heure ». J’adapte, car parfois, on a du mal à suivre le Donald, et que son anglais doit parfois être adapté en anglais.
Donald Trump connaît fort bien son auditoire : il est,  à ses yeux, composé de promoteurs et d’hommes d’affaires du secteur de l’immobilier, comme lui-même. Des « tueurs » (killers), des loups en affaires. « Vous n’êtes pas du tout des agneaux [nice people, vu que « gentils », ici, serait inapproprié] mais vous n’avez pas le choix. ».
Les démocrates, comme « Pocahontas » — la sénatrice Elizabeth Warren, qui avait fait valoir des ascendances amérindiennes, et ainsi surnommée par Trump —vont vous saigner à blanc, « vous prendre 100 % de vos fortunes ». En fait, entre deux et six pour cent d’imposition, selon la proposition d’Elizabeth Warren.
En plus, parmi les Juifs étasuniens, estime-t-il, certains ne sont pas assez loyaux : ils n’aiment pas assez Israël. On aurait tort d’y voir la dénonciation d’une double appartenance. Donald Trump et tous ses partisans All American (dont des évangélistes) seraient encore plus pro-Israël que des Israéliens. Ne pas être pro-Israël, c’est ne pas être pro-Américain.
Disserter sur la judéophobie ou judéophilie de Donald Trump n’a guère de sens. Trump est trumpophile, point. Intensément. Totalement égocentré. Il s’est vanté pendant trois-quarts d’heure, interrompu seulement par des slogans (Four more years! Twelve more years! ou second, quadruple mandat).
En fait, moins de 30 % de celles et ceux se disant Juifs aux États-Unis sont favorables à Donald Trump. Autant de renégats, selon lui. Ou d’inconscients car, parmi eux, il y a « des gens bien » (great people).
Une menorah (chandelier) lui fut remise par Miriam et Sheldon Adelson, des propriétaires de casinos de Las Vegas, sous les applaudissements. Dans le public, environ 4 000 personnes, des casquettes rouges (Maga hats, Make America great again), étaient brandies et agitées.
Si Trump n’a pas évoqué Netanyahu (ou Gideon Sa’ar), rapporte The Times of Isarel, il s’est prononcé sur le protocole israélo-palestinien. Autant laisser tomber : si son gendre renonce, c’est que c’est plié : « Si Jared Kushner n’y parvient pas, c’est que c’est impossible » (de poursuivre ou tenter d'aboutir). En d’autres termes, la paix entre Palestiniens et Israéliens est une chimère.
Il a bien sûr condamné le mouvement BDS (boycott, divestment & sanction). Et s’est prononcé pour l’extension des colonies. Annoncé que le Taylor Force Act (prévoyant la fin de l'aide financière accordée à l'Autorité palestinienne) sera ratifié par une loi. Bref, ce n’est pas tout à fait un éloge de la pureté de la race, mais de l’opinion : le vrai Juif de la Judéité vraie est pro-Trump… Pour lui, un seul suprématisme (blanc, noir, autre...), un seul peuple élu : le peuple de Trump, son messie, son madhi. Et d'autres... Accessoires, d'autres pays, dont il répond aux dirigeants (à propos de la reconnaissance de Jérusalem pour capitale d'Israël et l'ambassade américaine) : je vous rappelle (cause toujours...). 
J’imagine quelques Dieudonné se frottant les mains. Les Juifs, c’est le pognon d’abord, et on ne pourrait le dire ? Regardez : les Juifs ovationnent ces propos.

Brexit : l’irrationnel peut l’emporter


Jusqu’au mépris de l’évidence…

Selon une consultation en ligne du Daily Express, seulement 13 % des visiteurs de son site considèrent que les documents, issus de sources gouvernementales, dévoilés par Jeremy Corbyn, sont authentiques. Stupéfiant.
Je ne vais pas vous remémorer de quels documents Jeremy Corbyn a fait état, c’est sur ce blogue-notes, et largement exposé par ailleurs. Ils concernent des tractations préliminaires relatives à l’accord recherché par les conservateurs avec les États-Unis, abordant la question du marché médical, et des modalités d’échanges commerciaux entre la partie du Royaume-Uni située en Grande-Bretagne et l’Irlande du nord (et entre l’Irlande du nord et la République d’Irlande).
Même Boris Johson n’a pas contesté leur authenticité, ni fait valoir que les services russes seraient à l’origine de la fuite. Il s’est borné à déclarer que leur teneur était soit obsolète, soit irréaliste, spéculative.
Ce qui n’a pas empêché le Daily Express de soumettre la question à son lectorat : croyez-vous que ces documents soient réels (et non des faux, sous-entendu) ?
Le fait même de poser cette question interroge.
Ce qui est plus grave, c’est que ce 8 décembre aux petites heures, seulement 13 % des répondants considèrent ces documents authentiques (avec seulement 2 % d’indécis).
L’accusation induite est grave : avoir falsifié des documents ou faire état de documents falsifiés.
En fait, cela révèle surtout que, quels que soient les arguments avancés, une large partie de l’électorat campe sur ses positions et préfère user d’invectives, se réfugier dans le déni.
Je n’insiste pas sur le fait que le Royaume-Uni est le pays ayant initié une forme de démocratie parlementaire avant tout autre de toute l’époque « contemporaine ».
Que nous partageons, depuis des siècles, une culture commune avec les Britanniques. On me rétorquera que le lectorat du Daily Express n’est pas représentatif de l’ensemble, à fort juste titre.
Il n’en est pas moins proche de la majorité du lectorat de la presse dite populaire (The Sun, The Telegraph, &c.), très majoritairement favorable au Brexit.
Forte population qui ne se distingue guère sensiblement d’une partie importante de celle du continent européen (ce qu’il me resterait, d’évidence, à démontrer, mais partons de ce présupposé que j’estime viable, notamment pour l'Europe centrale et de l’est, et du sud, ce qui inclut la France ; je suis moins au fait du Bénélux, de la Scandinavie, des pays baltes, &c.).
Je suis inquiet. Plus que cela, alarmé, sidéré. Il faut reconsidérer la notion de manipulation des masses, lesquelles dictent à qui les confortent dans leurs convictions ce qui doit leur complaire.
En l’occurrence, c’est ce que je crois (à tort ?), le Daily Express ne manipule pas ainsi son lectorat mais répond à ses attentes. C’est du moins le postulat que je propose aux sociologues de la mobilisation de prendre en considération.
Qui fait, à présent, l’œuf, et qui la poule ?
Je n’établis pas un parallèle avec les documents relatifs aux financements libyens ayant pu bénéficier à tel ou tel. Je remarque simplement qu’en France ont été émis les opinions que certains étaient forcément authentiques ou falsifiés. Ce avant même qu’il soit possible de le déterminer.
Mais cela n’importe peu : plus rien ne semble pouvoir modifier l’opinion préconçue d’une majorité de gens se prononçant pour ou contre quoi que ce soit. Ce n’est pas tout à fait nouveau, et je ne remonterai pas à l’affaire Dreyfus. L’affaire Grégory (pour/contre la mère ou les Laroche), n’est pas si loin de nous (en tout cas de moi qui eut à la vivre). Mais il n’y eut pas de consultation : croyez-vous ou non que…
Je parle, j’écris peut-être à tort et à travers. On ne m’ôtera pas de l’idée que la consultation du Daily Express est un fait significatif méritant de s’interroger plus amplement. Et je ne vous incite pas à répondre par oui ou non. Mais à considérer l’option peut-être. Ou peut-être pas dans telle ou telle mesure. Ce qui reste la seule manière de réfléchir avant de réagir. Et de fonder ses convictions.