Pour ne pas rester muet sur la révocation de Donald Trump
Franchement, je n’ai suivi que d’un œil distrait les
tribulations de Donald Trump dans l’affaire ukrainienne. Donc, afin de ne pas
rester coi si des conversations s’engageaient là-dessus, je me suis concocté un
résumé partiel de secours.
Comme, pour intervenir sur la mise en accusation
(impeachment) de Donald Trump qui pourra (surtout ne pourra pas, en raison de
la prédominance des républicains au Sénat) conduire à sa révocation ou
destitution (là, au choix), je me suis ménagé une botte secrète… Soit botter en
touche et évoquer la gaffe d’Ivanka Trump.
J’ai donc appris par cœur ce passage d’Alexis de Tocqueville
(De la démocratie, éd. Pagnerre, 1848, t. 1, chap. 7, « du jugement
politique », p. 176). « On doit remarquer, en premier lieu, qu’aux
États-Unis le tribunal qui prononce ces jugements est composé des mêmes
éléments et soumis aux mêmes influences que le corps chargé d’accuser, ce qui
donne une impulsion presque irrésistible aux passions vindicatives des partis. ».
C’est cette phrase qui inspira au juge John Innes Clark
Hare, dans son American Constitutional Law (vol. 1, Boston, 1899), ce
commentaire à propos de la mise en accusation du président Andrew Johnson (mai 1868). Selon Tocqueville, consigne Clark Hare, « le déclin de la moralité
publique (…) sera probablement marqué par l’abus du pouvoir de mise en
accusation en tant que moyen de broyer des adversaires politiques ou de les
éjecter de leur poste. » (crushing political adversaries or ejecting
them…). C’est prêter à Tocqueville une opinion prolongeant ses considérations,
en fonction des besoins de sa propre démonstration.
Et que fait l’Ivanka Trump, cette niaise..? Elle reprend la
phrase de Clark Hare suivie de la mention « Alexis de Tocqueville, 1835 ».
Effectivement, le premier tome parut en août 1835. Mais on doute très fort que
la fille du Donald ait retrouvé elle-même cet exemplaire à la Bibliothèque du Congrès.
Quelqu’un a dû dénicher pour elle le manuel de Clark Hare (ou un article du Wall Street Journal en faisant état le mois dernier).
On peut donc embrayer : Ivanka est aussi mal entourée que
son père (là, faire allusion aux multiples limogeages de très
hauts-fonctionnaires, membres du gouvernement, porte-paroles, par le paternel…).
Si cela ne suffit pas pour me tirer d’affaire, je m’en
reporterai évasivement aux derniers développements. Sûr de se voir tiré d’affaire
par le Sénat, voilà que Donald Trump s’en remet à sa majorité sénatoriale :
lavez-moi de toute présomption de quid pro quo (de « donnant-donnant »),
concluez au quiproquo mal intentionné de la part des démocrates qui déforment tout.
Autre angle d’attaque, les mensonges du Donald. Qui hurle à
la machination, à la chasse aux sorcières, fait état d’un complot contre lui.
Avec des arguments fallacieux. Comme d’affirmer que le serveur d’une compagnie
américaine (CrowdStrike) a été cédé aux services ukrainiens, et non, comme en
réalité, aux russes.
Le truc : ne plus nier qu’il y ait eu la moindre
interférence étrangère dans la campagne électorale présidentielle, mais l’attribuer
aux Ukrainiens, et non aux Russes. Raté, la déposition de Fiona Hill, ex-haute
fonctionnaire chargée de la Russie, contredit cette allégation. Après la déposition
de Gordon Sondland, plénipotentiaire auprès de l’Union européenne attestant que
Trump s’est bien livré à un chantage auprès du président ukrainien, cela
équivaut à enfoncer un nouveau clou dans le cercueil de la piteuse défense de
la présidence.
Je présume que vous avez aussi survolé les épisodes
précédents, donc, je n’insiste pas…
Et puis, il est beaucoup plus cocasse d’évoquer les derniers
à-côtés. Trump s’emmêlant une fois de plus les pinceaux lors d’un entretien
téléphonique de près d’une heure avec Fox News (émission Fox & Friends)…
Déclarant : “I do want, always, corruption”. Sa langue fourchue a
de nouveau trébuché.
Mais faire remonter à la présidence Obama le complot contre lui
dirigé n’est pas mal non plus. Assurer que les avocats de Gordon Sondland sont
les mêmes que ceux d’Hillary Clinton, et qu’en dépit de sa donation à la
campagne de Trump, c’est un faux nez des démocrates, n’est pas malvenu, c'est du tout Trump.
Pissotant aussi de le voir se plaindre de Marie Yovanovitch,
de l’ambassade US à Kiev, qui aurait refusé de suspendre son portrait
présidentiel officiel dans les locaux. « Cette femme n’est pas un
ange », sous-entend le Donald (il est vrai aussi qu’elle n’avait pas débarqué à Omaha Beach,
de même que les combattants kurdes, mais, là, il n’a pas osé l’avancer).
Bien aussi, ce commentaire sur la démocrate Pelosi : « aussi
foldingue qu’une punaise de lit ». Sur Adam Schiff, présidant les débats
et auditions, ayant déclaré que Trump a fait pire que Nixon : « un
chiot dérangé » (constipé de la tête).
Les diatribes contre la presse valent leur pesant de cacahuètes.
Le Washington Post est un quotidien contrefait, fallacieux (phony), le New
York Times, qu’il ne lit pourtant plus, assurait-il, lui fait chaque jour
lever les yeux au ciel.
« Concussion et extorsion », a résumé un
ancien procureur du Watergate à propos de l’affaire ukrainienne (bribery and
extortion ; mais placer concussion au lieu de corruption dans une conversation
est toujours du meilleur effet et personne ne vous reprend habituellement).
Bon, si botter en touche ne suffit pas, digressez total (sur
le Brexit, par exemple). Vous pouvez aussi citer les titres de divers journaux
se fondant sur des documents officiels, et résumant ainsi : au cours des
cinq premiers mois de la présidence Trump, les services secrets ont versé 2 000
dollars par jour dans les escarcelles des sociétés du group Trump (dont
40 versements au Trump National Golf Club). Le Donald et ses suites ont
passé déjà 224 jours à jouer au golf ou se rendre dans l’un des clubs du groupe.
C’est un peu comme si Emmanuel allait un jour sur trois dans les
pâtisseries-chocolateries de la famille de Brigitte Macron, et gavait ses
escortes de friandises (personne ne vous reprendra sur ce décompte farfelu).
Le Donald, ou le gavé gavant… le public de tweets
affriolants.
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