La Face épinglée par la Cour des comptes et Marianne
Je n’ai pas consulté le dossier d’Étienne Girard et Emmanuel
Lévy du magazine Marianne qui sera demain dans les kiosques. Mais ces 17 pages sur la Fondation Agir contre l’exclusion (Face) me font furieusement
penser aux montages d’un certain Dan Barna, candidat malheureux aux élections
présidentielles roumaines.
Je vous avais entretenu des élections roumaines qui devraient,
dimanche soir prochain, reconduire Klaus Johannis (35,91 % des suffrages au premier tour)
à la présidence.
Il doit ce très confortable score à l’effondrement de la
candidate du PSD, l’ex-Première ministre Viorica Dăncilă (23,45 %) et de
fait surtout à la marginalisation de celui que des sondages donnèrent un temps
en seconde position, Dan Barna (14,13 %).
Cet avisé homme d’affaires, qui fit figure d’Emmanuel Macron
roumain, tant sa formation était attrape-tout, son jeune âge et son allant
incitaient à la comparaison, est, comme on dit, issu de la société civile. En
fait du monde associatif, d’ONG (il fut cadre de Transparency International).
La presse le poussa en avant puis finit par révéler que ses diverses
associations caritatives, financées surtout par des fonds européens, servaient
d'abord à enrichir ses proches. Or, leur objet était très similaire à celui de
la Fondation Agir contre l’exclusion.
Avec beaucoup de communication coûteuse et fort peu de
résultats, des embauches de parents et d’amis ou partenaires, des recrutements
fictifs, des acquisitions surévaluées, Dan Barna a pu étendre sa sphère d’influence.
Les journalistes d’investigation du Rise Project (un organisme anticorruption)
l’avaient déjà épinglé dans le quotidien Adevarul (15 octobre dernier), ils en
ont remis une couche le 5 novembre. L’économie sociale ou l’insertion par le
sport (équitation, tennis) des plus défavorisés ont favorisé surtout ceux
mettant en œuvre des projets ou les présentant (brochures, vidéos) sous des
jours avantageux. Il y avait aussi des projets de pure communication, genre
bibliothèque de bonnes pratiques, d’aides à de « jeunes pousses »
éphémères, permettant surtout de faire valoir « l’excellence
entrepreneuriale » du coordinateur, Dan Barna, et de favoriser sa montée
en puissance médiatique, puis politique.
Comparaison n’est pas raison, mais le peu que j’ai pu lire
du dossier de Marianne (les deux premières pages) laisse penser que, en
matière de coquille vide, mais lucrative, la Fondation Agir contre l’exclusion,
présidée par Gérard Mestrallet, incite à quelques rapprochements. La Face a
engrangé jusqu’à « 14 millions d’euros de budget annuel ».
Consacrés surtout à faire valoir les initiatives d’entreprises se faisant de la
publicité à bon compte ou appuyer des opérations « demandées par les élus » ;
ce avec, indiquent les auteurs, la complaisance du cabinet KPMG « validant
sans sourciller les comptes ». Le parquet de Bobigny aurait ouvert une
enquête préliminaire.
Je m’en voudrais d’épiloguer sur la suite du sommaire :
« Dassault, Vallaud-Belkacem, le cabinet d’audit KPMG, Hirsch, Engie :
les combines de la Face en cinq cas pratiques ».
Parfois, les fondations, associations, ou montages d’organismes
à visées « sociales » permettent, mieux encore que le Conseil économique
et social, de recaser des politiques, des syndicalistes, &c.
De grandes entreprises avaient ainsi mis le pied de Nicole
Notat, ex-secgen de la CFDT, à l’étrier de Vigeo Eiris, depuis repris par Moody’s.
Vigeo reste une « agence de notation environnementale, sociale et de
gouvernance ». Ronflant. Évaluant donc de « bonnes pratiques », comme
le faisait aussi Dan Barna. On retrouve aussi Nicole Notat dans La Fonda, « fabrique
associative » et « laboratoire d’idées du monde associatif ».
En fait, surtout un centre de formation de cadres associatifs et d’accompagnement
de projets. Je n’ai pas trouvé ses rapports d’activités ou ses comptes sur son
site, mais c’est sans doute que j’ai mal cherché.
Nicole Notat devait siéger aussi au CA du Bureau international
du Travail, y représentant la France en 2018 mais y a renoncé de crainte que
soient soulevés d’éventuels conflits d’intérêts.
Mais si Notat rime avec Barna, le parallèle cesse là, et je
n’insinue pas qu’il y ait le moindre lien entre Barna, Notat, Mestrallet et
consorts. Ni ne veut jeter la suspicion sur des fondations ou associations, qui
mènent des projets, qui aboutissent à des résultats féconds, moyens, ou nuls.
Tout le monde peut se fourvoyer.
Je dirai simplement que le coup du « capitalisme responsable »,
on me l’a fait tout au long de ma carrière passée, et qu’en fait, ce sont
surtout les revendications (allez, disons même, « la lutte des classes »)
qui sont les principaux moteurs des avancées sociales. Que je sache, n’est pas
revenu le temps des phalanstères d’entrepreneurs altruistes. Il s’agit le plus
souvent d’aménager la survivance de la paix sociale.
Cela étant, n’ayant pas consulté le dossier de Marianne,
je ne saurais non plus dire si certaines initiatives de la Face ont ou non
contribué à l’amélioration de pratiques.
Je ne doute pas que, par exemple, « toutes les
entreprises peuvent lutter contre les violences conjugales ». Mais je
ne vois pas trop comment le simple fait de signer une Charte d’engagement pour
lutter contre ces violences change vraiment la donne. Je vois surtout une
occasion de se faire mousser en exploitant un thème d’actualité. Aurais-je trop
l’esprit mal placé ? Je ne peux l’exclure. Je suis plus que borgne, mal
voyant, ne discernant surtout qu’une photo de dirigeants de L’Oréal, de Korian,
et de François-Henri Pinault (Kering).
De même, si une ou deux femmes sur trois auraient (seraient) été victimes de harcèlement sexuel au travail, au cours de toute ma carrière
(étais-je si malvoyant ?), je n’ai connu que celle ou les deux ne l’étant
pas. Des femmes et des hommes victimes de harcèlement de nature différente, en revanche…
Mais je m’égare… Je n’achète la presse (hors Canard
enchaîné) qu’à l’occasion de longs déplacements (RER, trains, avions… bateaux).
J’ai tort, je sais. SinéMadame cesse de paraître, je devrais acheter Siné
Mensuel, en vue d’un prochain trajet. Le mieux, si vous en avez les moyens,
serait d’acheter Marianne demain. Pour trancher par vous-mêmes si…
toutes ces magouilles retiennent encore votre attention. Si vous croyez encore
qu’il sera — durablement — possible de réduire le nombre des comités Machin-Bidule.
Si vous glissez encore de la petite monnaie dans la fente des Pièces Jaunes…
Au fait, il en est où David Douillet ? Conseiller départemental
d’Île-de-France, futur parrain du prochain Téléthon à Claye-Souilly, sur le podium
des Enchères du cœur à Mâcon, présent à la Saint-Vincent de je ne sais où… À ses
frais ou ceux des organisateurs ? Donc des contribuables locaux. Et animateur d’une « émission citoyenne »,
alimentée par la publicité, donc par les acheteurs des produits vantés par les
spots. Il est aussi rétribué par Linksport (fonds de 30 millions d’euros « dédié
au sport, à la santé, au bien-être »). Ce qui me permet de faire la
liaison avec le
futur ministère du Bien-être prôné par les libéraux-démocrates britanniques.
Bon sang, laissez-nous vivre sans nous pomper les vivres pour
contribuer à notre bien-être. Que ce soit sous la forme d’appels aux dons, de
taxes, de contributions, de je ne sais quoi… Et de modalités de défiscalisation
qui ne profitent, en majeure partie, qu’à celles et ceux pouvant régler des
impôts sur le revenu, ainsi qu’à qui fait appel à nos bons sentiments.
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