samedi 6 juillet 2019

Neiges sanglantes, « mauvais film » pour Roger Vailland

 Vailland, critique cinématographique... au pied levé

Affirmer que Roger Vailland fut un critique de cinéma, autre que d'occasion, serait exagéré. Mais il fut, dans le rôle, parfois bon, parfois moins. Avec ce film, Neiges sanglantes, on pourrait l'estimer médiocre. Mais non pas mauvais journaliste, car son compte-rendu tient du prétexte pour aborder un tout autre sujet.
Je ne vais pas vous résumer, ici, la critique du film Neiges sanglantes, paru dans L'Européen (trente-septième numéro). Elle est reproduite dans un document PDF, lequel donne d'autres points de vue sur ce film soviétique. Ni vous indiquer que, ça et là, sur ce même blogue-notes, vous trouverez d'autres articles de Vailland en rapport avec le cinéma (le sujet du rapport de Vailland, scénariste et en d'autres rôles, avec le cinéma, est notamment traité sur le site qui lui est spécifiquement consacré, roger-vailland.com). Sa critique du film ne vise pas à mettre en valeur telle ou telle comédienne qu'il aurait courtisée ou séduite (on aurait sans doute maints autres noms à évoquer), ni à faire étalage d'une réelle connaissance du septième art. Pour cela, voyez Scarpetta, et d'autres éminents critiques lui ayant succédé dans les colonnes des journaux, revues, et magazines (l'ami Baudou, autre Rémois, n'est pas mal non plus...).
Certaines et certains que je ne nommerai pas ramènent beaucoup de ce que put écrire Vailland à la brouille avec Aragon et Breton... À tort ou à raison. C'est un angle qui se conçoit. Mais si j'y fais allusion, c'est furtivement. Parce que, cette présentation d'un, et de « mauvais » films en général, y incite.Cela étant, je suis peut-être à côté de la plaque, de l'arrêt sur image, ou plutôt du plan. Vailland a d'ailleurs tapé latéralement à propos du traitement de ce film historique (il s'agit de la révolte des décabristes, qui n'est, pour les réalisateurs, peut-être qu'un prétexte pour... comme Vailland avec son article).
Il n'empêche, pour le jeune Vailland, qui n'a pas encore professé que l'ironie, c'est de l'espoir qui... (vous trouverez), le sujet ne prête pas à ironiser, mais à se proclamer... Insurgé, insoumis, réfractaire, français, mutin, anarco-éthylique, conforme, iconoclaste, insermenté (rayer la ou les mentions inutiles, chasser le ou les intrus). Voire apyre à l'attraction des trop bons films ? Justement, c'est là que réside l'énigme. 
Ce n'était pas trop boute-feu ou risqué (par rapport à ses employeurs plus réguliers) que de s'exprimer ainsi dans L'Européen. Ce titre s'inscrit vaguement dans la mouvance que, plus tard, développera la revue Esprit. Marqué plutôt pacifiste, progressiste, mais point trop n'en fallait. Bref, il — Vailland –ne risque pas d'être relégué aux archives de Paris-Midi ou France-Soir (euh, lapsus de saisie, surtout si tant était que les titres, dont Paris-Soir, s'étaient déjà dotés ou d'un service de documentation).
Je me souviens d'un temps doublement révolu où les « journalistes » (encartés par ailleurs – par la Commission, dans un parti — ou non) d'Uss'm Follik bénéficiaient d'entrées gratuites illimitées au cinéma d'art & d'essai de Strasbourg, situé en face de la librairie-dépôt de presse où parvenait Le Monde fort tard le soir (je l'avais gratis quand je le vendais à la criée, il m'arrivait de sortir de l'une des salles pour aller l'acheter « en face » avant la fermeture). Puis la carte de presse suffisait en province (Belfort, Niort... pour mon compte). C'était donnant-donnant puisque nous parlions à l'occasion des films et que, surtout, un journaliste qui ne lirait pas des romans, ne verrait pas des films, exercerait autrement son métier.
Du temps de Vailland pigiste à L'Européen, c'était surtout des films muets. Quant aux romans, hélas, ils en lisaient trop et y faisaient trop fréquemment référence à l'intention d'un lectorat qui ne les avait pas lus. Mais il était de bon ton ton de s'adresser au lectorat « éclairé », en cuistre. Celui qui n'irait pas forcément voir Neiges sanglantes, mais plutôt (certains articles assez peu féministes de Vailland le laissent fortement penser) de certes belles réalisations, propres à faire sortir le mouchoir (larmes de rires, d'émotion). Comme quoi, il n'est pas sûr que ce fut mieux avant, ni pire.
Où voudrais-je en venir ? À une chute journaliste qui « pète ». Que je ne trouve pas. Zut. Alors, en attendant que cela vienne (ou hélas pas), je digresse. Sur la curiosité journalistique... Vous retrouverez dans ce document une évocation d'un recalé d'une école de journalisme parisienne qui fut l'une des premières en France à pouvoir doter ses stagiaires d'une carte de... journaliste stagiaire. Un pote de piste (L'Échiquier, Le Mouton blanc, ce dernier étant l'un des derniers bars kabyles de Paris à n'avoir pas vendu de fonds à un, une patronne chinoise ou assimilée), de rencontre fortuite. Moi, je suis quasiment sûr que je l'aurais admis... Transition à propos d'Alexandre Langlois (précédente entrée de ce blogue-notes). Je lis, sur l'un des « réseaux sociaux », une déploration : les jeunes journalistes seraient trop formatés par les écoles. C'est plutôt vrai, et j'ai vu d'ex-jeunes, devenus syndicalistes tout comme ceux (majoritaires) de la police, se faire remarquer pour obtenir des postes et devenir des chiens de garde du service des ventes, de celui de la publicité, et de la haute-direction issue du monde bancaire...
Vailland fut formaté sur le tas par Lazareff et autres. Formé aussi à Louis-le-Grand. Je subodore que cet article sur Neiges sanglantes est révélateur de tas de choses caractérisant la presse de l'époque. Que je retrouve trop peu dans la presse actuelle, si ce n'est sous la plume de quasi-éditorialistes qui ont quitté le terrain depuis belle lurette (si tant était qu'ils, qu'elles, ne l'aient jamais pratiqué).
Alexandre Langlois, flic réfractaire, Vailland, journaliste complaisant ET réfractaire. L'un cite Euripide, l'autre citait Suétone. Peu importe lequel. Vous voyez mieux ou je veux en venir ? Moi pas. Je ne sais si Vailland mourut désespéré ou non. Pour moi, j'ai des doutes. C'est une chute comme une autre. Pas si profonde : l'ironie, c'est de l'espoir... mais tout dépend de la température. Tant qu'on a le sang chaud... Merci, Roger Vailland, pour cette imparfaite chronique de Neiges sanglantes.

P.-S. — L'ami Denis Robert interpelle : « où est Steve ? ». J'ai envie d'interpeller: où est le papier de Vailland sur la police qui tire sur les manifestants dans le programme des écoles de journalisme ? J'y reviendrai. Ce n'était guère mieux avant... C'est plutôt mieux à présent : moins de morts. Moins de Papon. Mais oserai-je écrire que la sanction visant Alexandre Langlois fait le jeu des black blocs si utiles ? Euh, non, je n'aimerais pas qu'une garde à vue (si utile pour l'avancement) se prolonge pour un motif futile. Nous en sommes là... On vous place à présent en garde à vue pour un rien. Pour les statistiques. Cela étant, merci aux gardiennes et gardiens de la paix qui font leur travail en conscience, comme aux consœurs et confrères qui en prennent plein la figure (dans les côtes aussi) de tous côtés. Et ce n'est pas, heureusement, pour me prémunir, que je l'indique.

Médialogie : Affaire DGPN contre Alexandre Langlois (Vigi Police)

Alexandre Langlois : tiens, pour le moment, rien dans L’Humanité ou Le Média

Ce qui va suivre est sans doute à prendre avec plus de recul que celui qui l’exprime… Cette affaire de sanction contre le secrétaire général, Alexandre Langlois, du syndicat Vigi-Ministère de l’Intérieur (et non « Vigi Police ») mérite peut-être plus d’attention…
Qui est Alexandre Langlois ? Franchement, je n’en sais rien. Quelqu’un « en recherche d’opportunités pour valoriser [ses] compétences acquises dans le milieu du renseignement, des ressources humaines… » (source : l’intéressé sur LinkedIN) et si j’en crois la presse dite prédominante (mainstream), un policier syndicaliste privé de toute ressource pour six mois (douze d’exclusion de la police, dont six assortis de sursis).
Ce pour des propos outranciers, injurieux, infamants visant la hiérarchie policière…
Je ne vais pas trop revenir sur le fond de l’affaire sinon pour estimer qu’effectivement, Alexandre Langlois n’avait pas trop mâché ses mots mais qu’à mes yeux, la sanction est lourde, si ce n'est non conforme à la loi. Ce d’autant que le conseil de discipline ne s’était pas clairement prononcé et que la sanction vient de la Direction générale de la police nationale (sans doute en toute indépendance par rapport au ministre Christophe Castaner). Opinion fondée sur les apparences et la lecture, voici quelques petites heures (deux, trois ?) du site du Figaro.
En bonne place, on trouvait ce titre « Un syndicaliste policier suspendu pour ses “critiques outrancières” contre l’institution ».
Ce midi, pour retrouver cet article, il fallait effectuer une recherche interne au site du Figaro.
Mais quand même, première remarque : comme très souvent, c’est bien la presse prédominante (et crois-je pouvoir présumer, le site de L’Express avant quelques autres), qui fournit les informations avant que les réseaux sociaux les relayent…
Cela étant, il est possible que des réseaux sociaux aient, avant les sites de presse, répercuté les informations présentées sur le site du syndicat (vigimi.fr).
Donc, ayant lu l’article d’Alexandre Loch (Le Figaro), je tente de trouver d’autres sources. Et quels sites remontent en premier (circa 10:00) ? Boulevard Voltaire et SputnikNews. Avec d’assez longs entretiens avec l’intéressé et rien d’autre.
Que le site du Fig’ ait relégué son article en archives n’ai rien de choquant : RTFrance (aussi proche du Kremlin que SputnikNews) a fait de même (mais l’affichait encore en pied de page d’accueil vers 12:30).
Soutiens divers
Pour le reste, je ne vais pas vérifier toutes les 30 minutes si le site de L’Humanité a été actualisé, si MediaPresse (salutations amicales au passage à Denis Robert), vont ou non faire état de cette affaire Alexandre Langlois. Il convient aussi de signaler que le député Ugo Benalicis (FI-dpt. du Nord) avait lanterné alors que le policier passait en conseil de discipline : La France insoumise n’a pas tout à fait lâché son ex-consultant.
Pourtant, pourtant, quand Vigi-Ministère de l’Intérieur restait affilié à la CGT, son secrétaire général était fort bien accueilli dans les colonnes de L’Humanité. Et côté Mélenchon, quand Alexandre Langlois servait de consultant police à la France insoumise, ses quarts d’heure de notoriété ne lui étaient pas trop comptés sur les sites proches de FI…
Qu’est-ce que Vigi-MI ? À première vue et au conditionnel, sous toutes réserves, un syndicat ultra-minoritaire. 0,4 % aux élections de 2018, aucun siège dans les instances trustées par les trois formations majoritaires. Ce en raison d’un tripatouillage des suffrages, comme le dénonce Vigi-MI ? Peut-être, mais de cette ampleur, qu’on me permette d’imaginer que le phénomène soit resté marginal et que Vigi-MI n’était pas en passe d’égaler les scores d’Alliance (17 sièges) ou d’Unité(idem), voire de l’Unsa (six sur un total de 41 ; source : le site d’Alliance, créditant la CFDT d’un siège). Je ne sais s’il reste des syndicats policiers affiliés étroitement à l’une des deux grandes centrales que sont FO et la CGT (le site CGT-Police est inactif depuis 2017, celui la CGT-Police Île-de-France reste actif, mais a soigneusement effacé toute référence au camarade Alexandre Langlois ; en tout cas, « Désolé, mais rien ne correspond… » à une recherche interne portant sur lui). Unité SGP, selon Vigi, resterait affilié à FO.
Alexandre Langlois a reçu le soutien d’une pétition et de divers Gilets jaunes. Peut-être parce que, soucieux de voir des collègues se faire taper par des autonomes, et d’autres électrons libres dits d’ultra-gauche, il avait réclamé une meilleure gestion des manifestations. Et puis un temps proche de la mouvance Mélenchon et consorts, il avait critiqué non pas trop fort l’action des policiers de la Bac en civil, mais le fait qu’ils auraient pu (en gros, et au conditionnel) avoir reçu « des consignes pour laisser faire des dégâts matériels, mais surtout pas de blessés » (fausse citation que je lui prête, non verbatim, donc pas d’italique). De fait, depuis la fin des années 1990, il est très difficile, voire impossible, d’établir la présence de policiers-casseurs dans les manifestations en France. Cela étant, sur Sud-Radio, il avait utilisé « chiens fous » pour désigner de jeunes policiers n’ayant pas été suffisamment formés (c’est du moins ce que je retrouve mentionné). Et il s’était alarmé des « images catastrophiques d’un McDonald’s qui brûle avec nos collègues qui le regardent brûler ».
Deux poids, démesure ?
Ce qui est patent : un autre Alexandre (Benalla) avait écopé le 2 mai 2018 d’une mise à pied de deux semaines (avec « solde », sans traitement ?), très inférieure aux six mois de celui-ci qui lance une cagnotte sur le site Le Pot commun (1 036 participants ce jour à 13:30, 1 046 à 14:00). Bizarre : à ce moment T, tous les participants sont des anonymes. Mais la plupart des gens (163) ayant laissé des messages ont usé de leur patronyme (au pif : moins de la moitié). Pas le moindre signataire se déclarant policier, ou syndicaliste, et un seul pseudonyme (« un petit fonctionnaire » ; non policier) fait état d’une… fonction.  Peur du « gendarme » ?
Et cela me… quoi ? Interpelle ? Désole ? Inquiète ? Le pire, excusez que je ne me contente pas de m’en tenir aux faits, c’est que cela ne me surprend guère.
Sur le fond, il y a défaut d’information de la part d’un peu tout le monde… Il est clair qu’Alexandre Langlois, ayant usé de termes comme « criminels » (délictueux, contrevenants aurait sans doute suffi), évoqué une « complicité de meurtre de fonctionnaires » (visant la DGPN au sujet de suicides de policiers ; ce qu’il aurait fallu peut-être mieux démontrer, ou employer d’autres qualifications), syndicaliste ou pas, y est allé fort, même si des points d’interrogation atténuaient ses écrits. Ce qu’on aimerait savoir, c’est pourquoi ce n’est que récemment qu’un conseil de discipline a été réuni, et quels autres moyens graduels (genre blâme, avertissement…) furent ou non employés.
L’intéressé (ou Vigi en tant que personne morale ?) fait aussi l’objet d’une plainte en diffamation de la part d’un médecin inspecteur de la région Grand Est, sanctionné lui aussi hiérarchiquement et par le tribunal de Reims, après avoir fait l’objet de dix plaintes « de jeunes recrues de la police nationale » (de l’école de Reims ou déjà en poste, signalait Catherine Daudenhan, de L’Est Républicain). Cette affaire en diffamation sera débattue devant le tribunal de Metz (audience prévue le 10 juillet prochain).
En fait, Alexandre Langlois affirmait à Boulevard Voltaire : « ils ont fait ce conseil de discipline parce qu’à chaque fois qu’ils nous ont envoyé devant un juge, ils ont perdu. » (« ils » étant sans doute la DGPN). Il serait souhaitable d’en savoir plus…
Enfin, plus de clarté sur les suites des enquêtes menées par l’IGPN serait souhaitable. Il semble que la sanction infligée soit le double de celle dont écopa « un cuisinier CRS » ayant prélevé « trois steaks périmés pour son chien ». Gourmand, le mâtin !
Je ne saurais vraiment (car non assez documenté) me prononcer sur cette sanction ni sur son traitement… Ce que je remarque, c’est que le site Profession Gendarme la relate en reprenant deux pages, l’une de SputnikNews, l’autre du site LGS (Le Grand Soir, pas vraiment droitier). Et met en bonne place « L’Appel à l’aide d’Alexandre Langlois ». Je serais ministre de l’Intérieur ou patron de presse vendant encore du papier, cela me donnerait du grain à moudre (et food for thought). Non ?
Frédéric Carteron, magistrat honoraire, ancien policier, enseignant en droit, se déclarant « gaulliste social » a confié une tribune à Profession Gendarme. « Je n’en salue pas moins le courage et les convictions de Monsieur Langlois. ».
Comme des fuites...
Rien à voir ? Il y avait une page Facebook, « Citoyen solidaire », qui, semble-t-il, publiait un compteur des suicides de policiers ou gendarmes. Certaines familles l’ayant mal pris, ce compteur a été arrêté (vers 56 décomptés). On en trouvera trace sur la page FB (@collectifpoliciersidf). Un collectif sans doute pas trop proche de Vigi… Si ce n’est dans la critique des syndicats majoritaires. Son porte-parole, Jean-Pierre Colombies, se déclare à présent « comédien et auteur ». J’en ai connu d’autres, des policiers qui ont rangé la casquette ou rendu l’écusson. Loin d’être les moins compétents, les moins humains, les moins intelligents (au contraire, même). Certains ont pu atteindre 57 ans (retraite décotée, sauf pour les « actifs » avec 25 ans de service), d’autres pas. Eh oui, dans la police, ce sont rarement les pires qui s’en vont…
Ce qui serait vraiment attristant… Ce policier syndicaliste est diplômé bac+5 (master de droit), et gardien de la paix… Comme nombre de bac+x (le concours est ouvert aux titulaires du baccalauréat ou équivalent, aux sportifs de haut niveau, aux parents d’au moins trois enfants, aux pompiers, militaires, &c.). Le filtrage à l’oral l’aurait-il laissé passer par erreur ? Bon, je retire : bien sûr que les plus diplômés ne sont pas systématiquement recalés lors de l’entretien mené avec le jury (quoique j’ai connu un docteur l’ayant été, reçu à un autre concours de la fonction publique, il finira peut-être sous-préfet, comme un certain ex-inspecteur des impôts devenu secrétaire d’État à l’Intérieur). Et puis, je digresse… Mais imaginez le pauvre capitaine, la pauvre commissaire, devant s’adresser à un gardien de la paix lui répliquant par une citation d’Euripide… Pitié pour la hiérarchie policière  !

jeudi 4 juillet 2019

Roger Vailland journaliste... Oui, mais lequel ?

L'ubiquité de Roger Vailland, journaliste de « Midi » au « Soir »

Roger Vailland ne se coupa pas en quatre, mais se dédoubla deux fois pour livrer sa copie à Paris-Midi et Paris-Soir.
Ces titre et châpo fumeux, voire fumistes, ne visent qu'à vous inciter à lire le document « Miscellanée » réunissant divers articles mineurs de Georges Omer. Miscellanée (car resurgissant au singulier d'outre-tombe, cherchez « gondolier », et souvenez-vous de Dalida... d'Aristide, d'un château ; ceci  étant un aparté pour répondre à qui me posa la colle : « Quel Goncourt mentionna abondamment Angers ? ». Bonne vanne du pré près de la rivière, ou meersch, pour assécher le sujet). Lequel journaliste n'est autre qu'un certain Merpin, un François, et un Roger Vailland. Le compte est bon, quatre. Mais après une suite de Merpin, ou d'Omer, ou de Robert François, s'intercalait parfois un article signé Roger Vailland. Je ne reviens pas sur la décision de Vailland, conspué par Aragon et Breton, d'user de pseudonymes. Vous trouverez (ici-même). 
Vailland ne fut pas tout à fait un « journaliste complet » : les collaborations aux titres du SPQR, rien à voir avec le Senatus Populus, lui furent épargnées. Donc, pas de formation aux « chiens écrasés », aux « auto contre vélo », qui font qu'un journaleux se bonifie durablement. Anecdote. Je traite un fait-divers et emploie le vocable « poulet ». Droit de réponse glissé sous la porte de la rédaction : « vous me traitez de flic ». Ce monsieur avait usé de son droit de réplique de manière identique précédemment (d'où l'emploi de « poulet ») pour signaler je ne sais plus quoi (qu'il avait heurté le vélo dans telle ou telle circonstance, que cela pouvait importer à son agent général d'assurances ?). Eh bien, ce type de rodage manqua à Vailland (et je pourrais l'établir, mais vous comme moi avez d'autres chiens éclopés, ou des chats patraques, pour priorités). Et cela parfois se ressent.
Mais il fut chargé de traiter des sujets de « petite locale » (ce dont se chargent les correspondants d'arrondissement du Parisien, ex-Libéré). Et j'estime que leur traitement est tout aussi significatif du style et de l'évolution de Vailland que ce sur quoi s'appesantissent d'autres universitaires (j'en fus, mais aussi praticien). Sauf que... Remarquer que « le regard froid » de Vailland fut tiède un temps, voire chaleureux, ne vous mène pas loin et peut vous disqualifier aux yeux de la gentdelettre (surtout si un doctorat de complaisance... mais je n'insiste pas... car nul déni, nul ressentiment ne s'est tapi, rouge ou gris, sous cette remarque qui tient de la compote de pommes de reinette et d'api).
Bref, quatre-cinq-six petits articles de Vailland en révèlent parfois davantage que de longs discours et je vous invite à les consulter. En plus, c'est souvent cocasse, et quant à perdre son temps, autant le faire agréablement.
En retrouvant par exemple Piolan, comédien transformiste. Raymon Duncan et sa tunique apollinienne. Et puis divers mots que les candidats au « bac à l'oréat » (authentique : enfin, selon René Chiche, professeur, se confiant au Figaro : « Baccalauréat : quand l’illettrisme s'invite dans les copies », édition de ce quatre juillet). Rigolo, Étienne Campion emploie « calamiteux » dans son entretien avec ce distingué membre du Conseil supérieur de l'Éducation... Exagéré, une calamité est un désastre, et mais nous n'en sommes pas moins navrés (au sens de blessé, transpercé, et au figuré).
Bon, ce n'est pas tout ça, mais, coïncidence, une chaîne de l'étrange lucarne diffuse ce soir La Soupe aux choux, celle dont se régale le de Rastignac de la pension de rue Tournefort et dont Vailland-Omer relève que cette « odeur bien familiale (...) emplit le couloir et la cage d'escalier jusqu'au quatrième étage. ». Et ce soir, c'est truites-patates au menu avant de se caler devant « le poste » (et j'ai des pluches qui me réclament).  


lundi 1 juillet 2019

Référendum d’initiative partagée (ADP) : l’arnaque (bis)

Se prononcer sur la privatisation des Aéroports de Paris ? Impossible ! (bis)

Enfin, bis, bis… Non, mea maxima culpa… La première fois, j’avais manqué d’objectivité en employant « se prononcer contre… ». Pour un journaliste retraité, ce n’était pas fameux. Mais sur le fond, je récidive : tenter d’utiliser le site dédié à ce RIP (in pace ; in bello [ou bellum ? Jacques Brel, réponds d’où que tu sois !] ) tient de la gageure…

Or donc, jeudi 13 juin, je plaçais en ligne, ici-même (promptement, et non à la Tardi, comprendra qui voudra), un billet aux titre et sous-titre (à peu près) identiques. Depuis, je lis dans la presse que les ergonomes du site en question ont pris en compte les innombrables (ô combien) réclamations similaires à la mienne : à tous les coups l’on perd (exagération : selon Le Monde daté de ce jour, hier, 30 juin, 466 900 et quelque soutiens avaient été exprimés, dont ceux des vainqueurs du parcours du combattant de la ligne de front du site).
Or donc, le 13 juin, première tentative… Je me répète (persevere placent angelicum disait mon vieux recteur bas-breton) : « Tenter avec le numéro de carte d"identité, de passeport... Rien à faire... C'est comme sur le site de Carrefour : il vous faut rentrer un numéro où les 0 et les O sont énigmatiques. Vous pouvez tenter tout ce que vous voulez, varier, &c., vous ne pourrez pas valider. ». Soit vous pouvez toujours vous brosser et brandir votre rosalie, vous resterez au fond de la tranchée sans pouvoir vous élancer vers le glacis suivant et sa frise de barbelés… La date de délivrance de mon titre d’identité me fut fatale…
Ce jour, 1er juillet 2019, remonté sur le front en première ligne, blessures pansées par le médecin-major, nouvelle tentative. Hélas, hélas… Je n’ai plus pu dépasser la ligne du premier tir de barrage… Blessé une première fois par des shrapnels (and other shell-bursts) je parvins nonobstant à consigner le nom de la commune où je vote : la troisième tentative fut fructueuse alors que précédemment, j’avais franchi l’obstacle au pas de charge…
Stupeur, tremblements, sidération : j’ai pris en pleine gueule ce « nous ne sommes pas parvenus à vous retrouver » : Nous ne sommes pas parvenus à vous retrouver sur la liste électorale de (…). Vous ne pouvez donc pas soutenir cette initiative référendaire. Vérifiez que les données que vous avez saisies correspondent bien à l’état civil avec lequel vous êtes inscrits sur les listes électorales. Vous pouvez aussi solliciter votre inscription sur les listes électorales en utilisant la téléprocédure disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R16396. ».
Donc, le 13 juin, on me localise mais me rate ; le 1er juillet, le scharfschütze d’en face fait mouche. Retour à l’arrière sur civière…
Comme l’aurait relevé le Conseil constitutionnel, rapporte Le Monde, « la démarche nécessite, en outre, une très grande minutie dans les informations à fournir pour s’identifier ». Litote, euphémisme ou understatement ?
C’est pire que Candy Crush (je bute sur le niveau 4 153, mais j’ai encore de l’espoir).
Combien de niveaux (ou étapes ?) sur referendum.interieur.gouv.fr/soutien/ ?
Parviendrai-je à ne pas capituler avant le 12 mars prochain ?
La page « initiatives clôturées » restera-t-elle inchangée au xxiie siècle et au-delà ?
Je prends les paris… Un paquet de cousues (de tiges d’officiers) en jeu (si possible des Craven A en boîte ronde de 50 des Canaiens ou des Tommys ou une can de bully beef à la rigueur). Je remonterai vers les lignes, et il ne manquera pas un seul bouton à mes guêtres… Et je finirai bien par pendre mon linge sur le Westwall avant de reprendre Roissy-Charles-de-Gaulles et Orly après être ressorti de l’hôpital de campagne de Paris-Mauvais (Tillé pour les pékins).
N'en déplaise aux planqués de l'arrière qui, défaitistes, me serinent : « c'est fait exprès, t'arrivera pas... », j'y parviendrai, en taxi s'il le faut (« Taxi ! à la Marne », Savary, Jérôme)... Ou à pied, à cheval, ou en voiture (jusqu'au Bourget et au-delà, Debré, Michel). 

dimanche 30 juin 2019

Quand Vailland imaginait les Chleuhs menaçant d'envahir Paris

Roger Vailland et l'Islam de France... en 1930


On ne peut pas dire que le jeune journaliste Vailland se soit fort intéressé à l’immigration maghrébine… Il faudra attendre son voyage en Égypte puis sa collaboration avec le photographe Marc Garanger (son album, Femmes algériennes 1960, attendra les années 2000 pour paraître aux éds Atlantica), en 1962, pour qu’il marque un très net intérêt.
Certes, lors de sa période militante communiste, soit bien après les années 1930, il se peut — c’est fort probable, je n’ai pas recherché soigneusement (pour l'instant) —, qu’il ait évoqué la décolonisation de l’Afrique du Nord, le traitement des « rebelles » maghrébins.
Ce n’est pas que l’immigration ne devint pas un sujet pour lui. En témoigne Beau Masque (pseudonyme de son personnage principal, Belmaschio), roman de 1954, porté à l’écran par Bernard Paul en 1972. Et on retrouverait certainement, en se souvenant bien, des personnages secondaires d’immigrés, ça et là dans son œuvre. Voire principaux, dans ses articles : mais il en publia près de 3 000 jusqu’à l’ultime (« Éloge de la politique »), et retrouver des desoccupati (désoccupés, en italien, soit chômeurs et autres, vocable employé dans La Loi) maghrébins, ou africains, dans ses écrits, tiendrait de la gageure… L’immigration, il l’évoqua certes à propos de La Réunion, mais en termes généraux. En revanche, dans ses Chroniques (rassemblées aux éds Éditeurs français réunis, en 1983), on trouvera des références aux conditions de logement des ouvriers immigrés des usines Renault. Ce n’est pas qu’il se soit désintéressé des immigrés en général, mais, il reste surtout marqué par l’immigration européenne (de nombreux immigrés polonais et italiens participèrent à la reconstruction de Reims et dans Un jeune homme seul, il évoquera notamment un ouvrier Polonais ; il s’intéressa aussi aux mineurs de fond en comptant de nombreux, &c.). En fait, ce n’est que plus tard (1952), en Égypte, qu’il s’intéresse au prolétariat musulman (ou copte), démontrant une réelle empathie.
Mais bref, aux débuts et au cours des années 1930, sauf erreur de ma part due à une insuffisance de recherches, le jeune Vailland voit la question de l’immigration maghrébine de manière fort détachée. Je n’ai retrouvé que deux courts articles qui ne semblent pas l’avoir incité à se lancer dans un reportage quelque peu plus approfondi (qu’il aurait pu suggérer, mener de sa propre initiative, en marge des sujets assignés). Il s’agit d’ailleurs davantage de billets que d’articles développés. Qui s’insèrent dans une suite d’autres billets, de courtes chroniques, sur des sujets à mille lieues des questions sociales (échos mondains, de la vie artistique, des lieux fréquentés par les noceuses et noceurs, &c.).
Pour négligeables (et fortement superficiels) qu’ils puissent paraître, ces deux articles m’ont semblé valoir d’être réunis, ne serait-ce que dans l’espoir qu’une recherche universitaire portant sur la figure de l’immigré maghrébin dans la presse française des années 1930 puisse les replacer dans leur contexte. Vaste entreprise que je ne saurais (ni pourrai) mener à bien. Une porte sur « La construction de l’islam en France : du côté de la presse » (Constant Hamès) à partir des années 1980. Ne serait-ce aussi que pour remémorer l’appellation sidi (dans Beau Masque, compagne de Belmaschio, Pierrette lancera : « Vous êtes les macas et les bicots… »). Ce sidi ne semblait pas avoir la portée péjorative (voire haineuse) de celles qui suivront dans les années 1950-1960, en dépit du fait que dans les années 1930, les « dissidents » maghrébins faisaient déjà fréquemment parler d’eux. Sur eux, Vailland porte déjà « un regard froid », distancié : il a aussi d’autres préoccupations, drogues et pistes dans les bars (en vogue ou plus intimistes, comme celui de l’Américain Shoecraft, faubourg Saint-Germain, précurseur du Nuage de la rue Palissy en 1970).
Et puis, on ne lui demande pas d’analyser l’étude de Louis Massignon (« Répartition des Kabyles dans la région parisienne », Revue des Études islamiques, n° 1-1930) ou l’enquête de d’Adolphe Gérolami, directeur de l’Office des affaires indigènes nord-africaines, qui vient de paraître. Massignon fait allusion au « scandale du sous-sol Vinel aux Grésillons » (à Gennevilliers). Mais aussi à « l’européanisation du costume (casquette) ». Vailland ignore ce scandale, mais s’intéresse aux casquettes… Il insiste sur les Chleuhs (Berbères marocains) car, semble-t-il, son informateur en est spécialiste (certaines usines remplaceront les Kabyles par des Chleuhs, d’immigration plus récente, sans doute plus « malléable »). Cet informateur, le lieutenant-colonel Justinard, avait élaboré, en 1928, deux cartes sur « Les Chleuhs de la banlieue de Paris  » (R.E.I., op. cit., 4-1928). Il semble que Vailland ait survolé cette étude dans la réédition des éditions Geuthner de 1930 et soit resté sur la mention « de cette région à peine soumise du Sud-Ouest marocain » et l’ait considérée encore d’actualité. À moins qu’il ne se soit inspiré que des articles de ses confrères en ayant rendu compte (ainsi celui de Robert Garric, « Esprit colonial », paru dans La Nouvelle Revue des Jeunes, en juillet 1930).
Certes, dans le courant des années 1920, des Chleuhs procédaient encore à des enlèvements de touristes, demandant des rançons (ou ravissant des femmes « indigènes » à leurs parents ou époux). Mais si Abd el-Krim, chef de la révolte du Rif, au nord, avait tenté de faire alliance avec les Chleuhs, ces derniers avaient décliné la proposition (« La montagne n’eut pas confiance dans le Rifain et demeura paisible », Henriette Célarié, Le Temps, 26 oct. 1927). Mais Vailland « tympanise » (comme on disait encore… pour « enfler ») la « menace » latente des Chleuhs aux portes de Paris tels des « loups » de la chanson de Reggiani en 1967. Ces Chleuhs banlieusards ou des quartiers est de Paris n’étaient nullement des membres de tribus encore « dissidentes ». Mais il reste que, oui, en 1930-1931, les Marocains étaient assez fortement implantés à Gennevilliers, les Kabyles algériens s’étant précédemment établis à Asnières, Clichy et Levallois, plus proches de Paris. Cela étant, il ne faut pas lire le Vailland de 1930 au travers du prisme actuel : ce qui peut paraître limite xénophobe à présent ne caractérise pas du tout ses écrits de l'époque (ou de celle du Grand Jeu).
P.-S. – la photo illustrant cette contribution est largement postérieure aux articles de Vailland... D'ailleurs, pas de casquette sur la tête des résidents.

samedi 29 juin 2019

Roger Vailland-Robert François au chevet de la chanteuse Eva Busch


Quand Vailland — une fois de plus — rajeunit une belle étrangère…

De Tania Visirova, Roger Vailland fit une éternelle « écolière », voire une « fillette ». Avec Eva Senta Elizabeth Zimmermann (Berlin - 22 mai 1909 ; Munich - juillet 2001), épouse Busch, son nom de scène, il se contente de la rajeunir de cinq ans. Ce à l’occasion d’une évocation de son escapade Outre-Atlantique en compagnie de l’escroc international Siegfried Wreszinsky (diverses orthographes dans la presse française).
La plupart des entrées ou contributions de ce blogue-notes relatives à Roger Vailland incluent des liens vers des documents PDF rédigés d’une manière un peu plus « sérieuse » ou s’efforçant de le paraître en regard de ce que que je consigne ici. Au passage, je ne serais pas fâché (je ne haïrais pas, litote, euphémisme, understatement, au choix…) que les chercheuses et chercheurs indépendants, voire des universitaires, s’intéressant à Roger Vailland, rapatrient ces documents dans leurs archives. Google ne renvoie plus « qu’environ 3 500 résultats » pour mon patronyme en cet été 2019. Ayant pratiqué l’Internet depuis 1992, puis sa version graphique (ouaibe-ouone-ziro, then two zero), c’est un millier de moins que circa… 2000 ? C’est dire que, même si l’étiage des mers et océans restait constant, je crains fort que tout cela parte en brumes (mes écrits de fumiste peuvent partir en fumée) et vapeurs évanescentes.
Mais revenons à notre Eva Busch voguant au-dessus des « blancs moutons » de l’Atlantique et de Charles Trenet. Elle fut autant, sinon davantage, célébrissime que Tania Visirova, et le resta surtout — largement— plus durablement. Vailland, en 1939, ne pouvait l’ignorer : elle avait été chanteuse récurrente pour Radio 37, avait déjà enregistré pour Columbia, &c. Bien sûr, il ne pouvait prévoir la suite, notamment qu’en 1947, elle sera la cible d’une manifestation d’épurateurs (elle vit déjà avec la consœur de Vailland, George — comme Sand — Sinclair, qui forma la Françoise Giroud et d’autres). Et il était où, le Vailland, qui avait siégé au comité d’épuration des intellos ? En 1947, peut-être prit-il fait et cause pour l’apatride Eva Busch, farouchement antinazie, ex-pensionnaire du camp de Gurs et de Ravensbrück, qui avait été forcée, après une libération obtenue à la (très) longue, de se produire devant les troupes de la Wehrmacht. Ce parce que Goebbels, alors qu’elle était internée, faisait diffuser ses chansons (en omettant de faire signaler que ses paroliers ou compositeurs étaient des Juifs). Son répertoire d’avant était d’inspiration plus libertaire que communiste, alors que son mari, communiste notoire, interprétait des chants révolutionnaires (il prit part aux Brigades internationales en Espagne). Il se peut que Vailland protesta en coulisses (ou par voie de presse, je chercherai ultérieurement).
Quant à Wreszinsky, c’était un anti-Maurice Joffo. Maurice faisait passer des gens en loucedé en zone libre, prenant de terribles risques. Wreszinsky, ashkénaze, promettait de faire sortir d’Allemagne des coreligionnaires contre de très fortes sommes, puis prenait la poudre d’escampette. J'ai un peu connu Maurice, vaguement aigrefin à la petite semaine à ses heures (encore que... c'était la thèse d'un certain jeune magistrat, Jean-Louis Debré, qui voulait se faire un nom : il y parvint très bien). Mais, s’il fut jamais indélicat, ce fut à mille lieues d’un Wreszinsky et la seule similitude les réunissant reste que Maurice Joffo fit dans la ferraille, comme peut-être Siegfried à Dantzig. Autre histoire (celle de Maurice, nègre de son cadet Joseph, pour le Sac de billes) que j’ai consignée et que les moteurs du Ouaibe ont peut-être fait s’évaporer. Siegfried mérite des diminutifs, Maurice, tout merlan qu'il fut, des superlatifs.
Je m’intéresse à Vailland, journaleux, en journaliste « honoraire » (totalement dédaigné de faire passer mon matricule, 47640, de mémoire, au stade de l’honorariat). Nous en sommes quelques « autres » : Lacoche, Rondeau… Mais ceux-ci (amicales salutations au passage), écrivains par ailleurs (et des meilleurs) ont parfois tendance à magnifier le défunt confrère (comme le regretté René Ballet). Mesquinement, je le replace dans un contexte. Je puise à sa gamelle en écornifleur indélicat. Pas au point de cracher dans ses gaspachos (voyez, sur ce blogue, ses reportages en Espagne républicaine), mais remettant diverses choses en place. Comparant à l’occasion les conceptions d’un Kessel avec ce que les écrits journalistiques de Vailland révèlent. Confronté à Kessel, Vailland-journaliste fut un temps plus faible (Prouvost et Lazareff trouvèrent en lui un plumitif plus docile, car davantage désinvolte, détaché, distancié, à mon humble avis).Cela évolua.
Mais cela, c’est de l’écume, bave de batracien n’atteignant pas les rémiges du falconidé aux mues multiples. Cependant, Vailland bidonna (moi pas, sauf une fois, à l’insu de mon plein gré, aiguillonné par des inspecteurs de police voulant la peau d’une connaissance d’Aïcha Lacheb, devenu écrivain reconnu à la suite de son abusivement longue détention).
Eh, je n’ai pas eu l’opportunité d’être embauché par un Lazareff… Je n’aurais peut-être pas tourné syndicaliste comme chez un Hersant... J’évoquais par ailleurs Morvan Lebesque passant de Je suis partout au Canard enchaîné (avec étapes intermédiaires). Vailland eut quelques faiblesses (à l’égard de « Jean-Fesse », le préfet Chiappe, peut-être aussi pour faciliter aux consœurs et confrères l’accès aux mains courantes de l’époque).
Bon, brisons-là. Goûtez plutôt la prose de Vailland traitant d’Eva Busch ; lisez « En marge des crédits gelés (…) Eva Bush a juré de mourir
». Promis, proféré, c’est beaucoup plus drôle que ce qui, ci-dessus, précède…

mercredi 26 juin 2019

La Loi de Roger Vailland, roman d’un « écrivain libre »


Avec La Loi, prix Goncourt 1957, Vailland a-t-il rompu avec Vailland ?

Vaste question, à laquelle de multiples réponses ont déjà été apportées… Elle sera donc ci-dessous esquivée… Mais la critique d’Émile Biollay dans Le Nouvelliste valaisan du 13 janvier 1958 me l’a remémorée et il m’a semblé, par ce temps de canicule, judicieux de tenter de m’en entretenir.
Autant l’avouer : ce qui suit doit tout à ma paresse aggravée par la température quasi sub-saharienne qui engloutit Paris. Je me devais (ainsi qu’à d’autres…) de reprendre le document « Les lieux de Vailland » – enfin, celui portant sur les principaux que fréquenta Roger Vailland – mais la tâche m’a semblé trop fastidieuse. D'où cet énième écart qui fait qu’au lieu de chercher à préciser où fut écrit La Loi (certainement près de Gargano, dans les Pouilles, ce qu’Élisabeth Vailland indiqua à Daniel Rondeau), je remonte à la relative fraîcheur de Sion et de son Nouvelliste (1903-1960, depuis 1968 Le Nouvelliste & Feuille d’avis du Vailais).
Cela parce que je venais de redécouvrir un avis de Morvan Lebesque portant sur Un jeune homme seul, dans Climats (« hebdomadaire de la communauté française » ; « grand hebdomadaire colonial », créé par Maurice Chevance, dit « Bertin » en 1945) : « Quel écrivain pourrait être M. Roger Vailland si seulement il était un écrivain libre… Je sais bien que ce livre est destiné à me convaincre, à me démontrer la supériorité d’une idéologie sur les autres… Mais, enfin, je voudrais bien qu’un jour M. Vailland écrivît selon son cœur, et rien de plus. ». C’est l’époque à laquelle Vailland recommence à faire de l’entrisme pour adhérer au PCF (ce qu’il obtient l’année suivante).
Survient le rapport Khrouchtchev puis l’écriture de La Loi, roman qui fut dit formaté pour remporter un prix littéraire. Le vœu de Lebesque est partiellement exaucé comme en témoigne cet article d’Émile Biollay : Vailland « s’est refusé à l’engagement ». D’autres, qui ne s’y étaient pas refusés, suivront, comme Lenù Greco, l’héroïne d’Helena Ferrante (la saga napolitaine L’Amie prodigieuse). Or Vailland n’a jamais cessé d’être engagé et l’année – 1964 – où Vailland publie son « Éloge de la politique » dans Le Nouvel Observateur, il promet à Lucien Bodard son soutien alors que ce dernier est vivement critiqué en raison de son livre La Chine du cauchemar (1961) et des articles qu’il publie sur Mao et le maoïsme… Bodard et lui se retrouvent au bar du Port-Royal et… Zut, encore un lieu revenant à la surface.
Le lieu de La Loi, c’est Porto-Manacore… Proche du golfe de Manfredonia… Et peut-être, mentalement, ce Gargano isolé, inspire cette appellation qui évoque, à une voyelle près, le monachorum (des moines et moniales) : exposant l’élaboration de La Loi avec Madeleine Chapsal, de L’Express (12 juillet 1957), Vailland insiste sur l’ascèse du temps de l’écriture ; pas d’alcool, juste du café, pas de distractions, et retour à la fréquentation des autres « quand le roman est fini ». En fait, j’extrapole car un lieu-dit Baia di Mancore se situe à proximité de Peschici (et est devenu Manacore del Gargano).
Émile Biollay (qui signait parfois Paul Herbriggen) est un ancien professeur d’université au Caire devenu enseignant au lycée cantonal de Sion, historien et chroniqueur. C’est un écrivain « progressiste », proche d’Albert Béguin (des Cahiers du Rhône puis successeur d’Emmanuel Mounier à la tête de la revue Esprit en 1950) et de son épouse, Raymonde Vincent.
La Loi (et sa traduction La Legge, sa transposition à l’écran, qui irrita les censeurs italiens) a suscité d’innombrables commentaires. Je tiens celui d’Émile Biollay pour l’un des meilleurs, en dépit d’une conclusion sévère et que j’estime erronée. Peut-être parce que divers personnages féminins me font penser à Lina Cerullo, l’alter ego de la Lenü Greco de Ferrante : ces femmes se mobilisent dans leur village comme elle, Lila, pour son quartier, pour les siennes et les siens.
Vailland ne cotisa plus au PCF mais il resta proche des militantes et militants de son entourage. Et puis, j’en viens à me demander si, sans La Legge, les Lenù-Lila de Ferrante seraient devenues ce qu’elle en fit. Et quand je lis dans la presse italienne que Vailland et ses œuvres seraient à présent “quasi dimenticati” (oubliés, délaissés), je me dis que c’est fallacieux mais aussi que cette approximation outrancière est toute provisoire. Le temps est propice à lire ou relire La Loi dans la fraîcheur d’un trullo de l’Aia Piccolla d’Alberobello. En attendant de vous y rendre, consultez peut-être l’article d’Émile Biollay dans Le Nouvelliste valaisan

dimanche 16 juin 2019

La controverse Céline-Vailland, au « format à l'italienne »


Céline-1 ; Vailland-double zéro dans la presse italienne

Billet d'humeur, coup de sang... Une partie de la presse italienne, rendant compte du livre d'Andrea Lombardi, Céline contro Vailland, laisse penser que ce dernier n'existe plus dans les mémoires qu'en raison du premier. Il faudrait lire l'ouvrage pour estimer si c'est l'opinion de son auteur. Mais quand même...
Ai-je lu un, des, du Céline ? Probablement… Du, assurément. Je ne m’en souviens guère. Des Vailland ? Indubitablement. Lesquels ? peu de souvenirs. Ou alors, très fumeux. Des articles, des feuilletons de Vailland, eh, c’est mon dada du moment. Ce qui fait que, de la polémique entre Céline et Vailland, je croyais tout savoir. Moins qu’Andrea Lombardi, qui consacre tout un ouvrage, Céline contro Vailland (Due scrittori, una querelle, un palazza di una via di Montmartre sotto l’Occupazione tedesca), aux joutes entre les deux hommes…
Je vais bien sûr relire, lire, « tout » Vailland. Cela ou autre chose… Blair (à moins qu’un ouvrage oublié resurgisse, c’est fait), Tom Coraghessan Boyle, je suis à peu près à jour. Céline, peut-être (quoique, pour les dîners en terrasses printanières, si le feu de la conversation vient à vaciller, un coup de Céline, et cela repart ; du moins entre vieilles et vieux schnocks). Ce qui me gave grave, c’est que, encore à présent, l’équipe du Clairon de Céline l’emporte quasi toujours sur celle de l’Espoir de Vailland. Les deux clubs voudraient s’ignorer, mais voilà que, récurremment, la clique Céline claironne qu’elle a infligé la pâtée aux majorettes de Vailland. D’accord, cette contre-publicité remémore Vailland, mais en faire-valoir de Céline. En utilité, le Vailland.
Les faits ont été ressassés. Les Champfleury (eux-mêmes, la belle-mère, la veuve du galonné ?) logent à la villa Machin, à Montmêrtre (le Ménilmuche occidental). Selon les sources, c’est au troisième ou quatrième étage du 4, rue Girardon. J’évoque de mémoire, sans consulter mes archives. Ce qui est constant (non contesté par les parties), c’est que Céline loge dans la maisonnette. Que Vailland envisageât soit de faire la peau à ses invités (ceux de Céline), mais en l’épargnant, soit…. Où cela ? Pas à la Bastille, mais plutôt dans les parages. Si ce ne fut à l’étage… sur le seuil.
Bref, des années plus tard, Céline étant du côté d’Elseneur, où je ne sais plus où (j’avais trouvé, vous retrouverez), Vailland écrit qu’il regrettait de ne point l’avoir homicidé, comme dirait l’ami Hugues Pagan. Céline réplique par voie de presse sur le mode « cé cuikildi kyé ».
En fait, Robert Champfleury (Eugène Gohin, non point comme les poêles, avec une h et non une d), savait bien que Céline savait que… Et qu’il la ferma sur les accointances résistantes du dit Champfleury/Gohin. Mieux, ou pire, Jacques-François Rolland, acolyte de Vailland dans la Résistance, traite ce dernier de hâbleur, galéjeur, et corrobore la version de Céline (qui pouvait faire envoyer tout le monde de l’étage supérieur au poteau d’exécution et s’abstint).
Je n’ai plus guère d’illusion (subsistante, car je le pris longuement pour argent comptant ; eh, grand reporter, Résistant…) sur Vailland. Mais Céline… Rapiat, prêt à tout pour se placer en écrasant la concurrence, obtenir un poste de chef-toubib, et cultivant tout autant que Vailland sa légende. J’en connais d’autres à présent, des gendelettres tirant la couverture (des noms ? non, à quoi bon ?). Ce qui m’étonne, alors même que j’abonde, renforce, consolide, blatère sur ces plumes (et entretient le plumeau du paon Vailland), c’est… Je vous ai compris, vous m’avez compris… Nous devrions avoir (aussi) d’autres préoccupations. Get a life !
Oui, mais… Qu’auraient été nos vies sans des existences antérieures dont nous eûmes quelques connaissances ? Modèles et contre-modèles ? Et qu’aurait été notre vie si nous n’avions lu ni Céline, ni Vailland, ou Kessel, ou Cendrars, ou Darien, ou Maurras, ou… ou… ou… La « Génération Petit Prince » (de Saint-Exupéry) aurait-elle été ce qu’elle fut, ou reste pour ses survivants ?
Tiens, au fait, Céline a-t-il bavé sur Saint-Ex ? Il faudrait vérifier dans sa correspondance… Le postulant interne d’opérette-comique troupier de l’Occupant (il chercha à se faire nommer auprès des pompiers de service de l’Opéra-comique) rêvait aussi de se réincarner « à quatre pattes ». En chien hargneux ? En mâtin malfaisant ?
Moins subjugué par Vailland que le passé, devenu limite irrévérencieux (mais je plains qui n’aurait jamais admiré quiconque…), j’admets qu’on puisse, comme Philippe Djian, préférer des (non tous les...) livres de Céline à ceux de Vailland, ou Bukowski à Ignace de Loyola, Bouvard à Pécuchet, &c. Mais là, Vailland-Céline, c’est une histoire d’hommes plus que de littérature…
Thèse, antithèse… Synthèse : comment revoir nos passés et préfigurer l’avenir qui nous reste sans repères ? Littéraires. Dérisoire, cet énième essai sur le sujet d’Andrea Lombardi ? Retour sur le futur de Cesare Battisti… Qui n’a « même pas eu besoin de mentir à certains » (dont moi-même, qui resta nonobstant circonspect, me prononçant non sur l’individu, mais sur l’amnistie dont il bénéficia en France, l’approuvant). Nous serions-nous couchés comme Céline, levés comme Vailland ?
Céline (ou Brasillach, Drieu…) et Vailland. Qui, peut-être, dut aux circonstances et fréquentations de se retrouver « du bon côté ». Mais qui opta, s’engagea… Risqua. Tandis que… Ne pas diaboliser « tout » Céline, soit. Ne faire de Vailland que ce qu’il fut parfois pour chanter les laudes de Céline, c’est petit. Pas superflu nonobstant, et (je vérifierais peut-être en lisant Lombardi), ni anodin, ni totalement dispensable… Mais quand même…
Quand je lis, dans Pangea (“Rivista avventuriera di cultura & idee”), au-dessus de la signature de Martino Cappai, une présentation du livre d’Andrea Lombardi — illustrée de pas moins de quatre photos de Céline, d’aucune de Vailland — un « qui se souvient aujourd’hui de ses [Vailland] écrits ? », je m’interroge… Pourquoi se souvenir davantage de ceux de l’aventurier en chambre (ou contraint de fuir pour s’aventurer…) que de cet autre, combattant, correspondant de guerre, &c. ? Dura lex, sed legge… Qui se souvient en Italie de La Loi ? Ah oui, le film… Martino Cappai se le remémore vaguement peut-être…
Je lis ailleurs : “suoi romanzi, ora quasi dimenticati” (article non signé sur le site Barbadillo, “Laboratorio di idee nel mare del web”). Cela va plus loin : selon Il Primato Nazionale (“quotidiano sovranista”), Vailland aurait été « un résistant mythomane » (propos d’un certain Giampiero Mughini, repris à son compte par le signataire, Adriano Scianca. D’accord, l’idée de liquider Céline est peut-être venue après coup à Vailland ; mais en faire un Résistant d’auto-appellation, affabulateur invétéré, c’est un peu fort… La NRS (Nuova rivista storica, « revisionista » aussi ?), évoque « l’écrivain Roger Vailland, aujourd’hui inconnu », stipendié par « les services secrets soviétiques ». Mais au moins, la NRS et Allensandro Gnocchi, du Giornale, évoquent Hermann Bicker, colonel SS, qui réfuta très nettement ce que Céline dicta à son avocat, soit qu’il se couchait à sept heures du soir, ne recevait jamais personne rue Girardon, &c. C'est déjà cela. Vailland-Céline, un partout (sur ce point de savoir si, oui ou non, Vailland tenta de l'exécuter). Mais ailleurs, il n'y a pas photo : Vailland l'emporte.

Leïla et La Visirova, deux feuilletons de Roger Vailland


« Femmes » de Vailland : Leïla la vorace, Tania la « favorite »

Roger Vailland compta à son actif trois feuilletons dans Paris-Soir : Leïla, ou les ingénues voraces ; La Visirova, ou des Folies-Bergères jusqu’au trône ; plus tard (1941), Cortès, le conquérant de l’Eldorado… En attendant de transcrire ce dernier, j’ai choisi de réunir les deux premiers…

Les récits de Vailland sur Leïla, jeune Turque et Parisienne, et Tania, jeune « Russe » ont été présentés en tant que reportages, en 1932 et 1933. Reportages, certes, mais‌‌‌ romancés.
Qu’il fallait, pour qui les lit aujourd’hui, contextualiser. Ne serait-ce que parce des toponymes mentionnés ont changé, ou que certains épisodes historiques de l’époque de la Turquie de Mustafa Kemal ou de l’Albanie du roi Zog se sont estompés ou effacés des mémoires contemporaines.
Leïla, jeune Turque ayant vécu à Paris et y revenant pour s’y fixer et vivre le plus intensément possible est, à mon humble avis, un personnage composite : soit inspiré d’une héroïne réelle dont certains traits, faits, gestes ont pu être empruntés à d’autres. Mais Tania, fille d’Helena et d’un certain Fomov-Stronovskiy (ou Stronovskii), fut bien réelle et « entière », comme son caractère, encore plus trempé par l'adversité que celui de Leïla.
Leïla était impossible à retrouver, tracer, mais Tania Visirova (pseudonyme qui fit oublier son patronyme) avait confié ses mémoires, en 1980, à une journaliste, Maria Craipeau... Il était donc tentant de confronter les deux versions, celle de Tania-Roger, celle de Tania-Maria…
Ce que je me suis préservé le plus possible de faire… Ce afin de tenter de démêler le vrai du « faux », ou plutôt du minoré et de l’exagéré, non pas tel véritablement qu’un lecteur de l’époque (totale gageure), mais d’à présent. Soit qui « connaît » Vailland « mieux que lui-même » (puisque, en 1933, peu lui faisait présager ce qu’il allait devenir, un Résistant, un écrivain de premier plan marqué par son adhésion au Parti communiste et à la ligne de ses dirigeants). Et redécouvre des époques troublées qu’une historiographie mouvante fait percevoir différemment.
Par conséquent, l’approche est faussée et les commentaires induisent des pistes erronées, comportent de flagrantes erreurs… Que je ne vais pas rectifier ici. D’une part pour vous inciter à l’entreprendre en lisant le remarquable Tania Visirova, du Caucase aux Folies-Bergères, de Maria Craipeau ; d’autre part parce que la Tania de 1933 se racontant à Vailland et celle de 1980 se confiant plus sereinement à Maria Craipeau sont à la fois une et dissemblables…
De plus, le « Vailland » rédacteur du feuilleton, et le Roger Vailland, l’homme, le journaliste, qui se met en scène dans les pages de Paris-Soir, interagit avec Tania Visirova, ne sont pas identiques. Pour diverses raisons dont la subsidiaire est qu’en cours de rédaction, il fallut transposer l’Albanie en une (peu) énigmatique Thrasubie ; et peut-être la primordiale, soit que Vailland (selon Tania Visirova) se vit sans doute contraint par Jean Prouvost, patron du quotidien, de forcer certains traits et d’en passer d’autres sous silence (dont, par exemple, l’ascendance juive de Tania, des épisodes de sa vie liés à divers israélites).
Sans (trop) dévoiler la teneur des propos de Tania dans ses mémoires, je vais aborder un exemple qui a suscité maints commentaires de spécialistes de Roger Vailland. Quand Tania rencontre Vailland, fit-elle allusion à l’effroi que lui procura la vision de son père transfiguré par la passion que lui inspirait sa maîtresse ou trouva-t-elle ce prétexte pour expliquer ses rapports distants avec les hommes ? Vailland insiste, revient à plusieurs reprises dans le feuilleton sur cet instant « crucial ». Qu’elle n’évoque pas du tout en 1980, en exposant un autre, bien plus primordial, dont elle ne pouvait sans doute, en 1933, et ne voulait assurément pas faire état.
Tania Visirova protesta auprès de Jean Prouvost à propos de divers passages, lequel lui fit valoir un argument similaire à celui que Fréjol, le directeur artistique des Folies-Bergère, lui avança lorsqu’elle refusa, dans un premier temps, de paraître nue sur scène. Les music-halls parisiens avaient oublié La Visirova lorsqu’elle revint d’Albanie après trois années vécues auprès du roi Zog. Elle voulait remonter sur les planches, toute publicité était bonne à prendre…
Voici donc ces deux feuilletons au format PDF (le document comptant près d’une centaine de pages A4, et des illustrations, est d’un poids dépassant 1,5 Mo, et donc nécessite une connexion de bonne qualité).

samedi 15 juin 2019

Brouille littéraire entre Roger Vailland et Robert Brasillach : irréconciliables ?

Anciens de la veille et post-modernes du lendemain : Brasillach et Vailland

Parfois, les pires titres vous viennent d'un coup. Comme celui qui précède. Mais bon... la fatigue. De quoi est-il question ? D'un article de Roger Vailland s'en prenant vertement à Robert Brasillach...

Nous sommes en 1931. La littérature ayant marqué les « Années folles » n'a plus tout à fait l'heur de plaire à l'heure des lendemains de la crise économique de 1929 et de la montée des menaces de guerre. Du passé littéraire récent, Robert Brasillach veut faire table rase. Mais voilà que Vailland, pourtant en froid avec nombre de surréalistes (on l'aurait été à moins) fustige son ex-ami...
C'est presque un procès en « révisionnisme » qu'il lui intente. Vailland aurait-il pressenti les autodafés nazis de 1933, ceux des franquistes d'avril 1939 (et pourquoi pas celui d'Histoire d'O par des étudiantes féministes américaines en 1980, pendant que j'y suis ! ou celle de tomes d'Harry Potter par des prêtres polonais fin mars 2019) ? L'éradication d'une littérature « malsaine », immoraliste ? Sans doute pas. Vailland a rompu avec les disciples de Georges Gurdjieff, avec Daumal et Gilbert-Lecomte (au fait, saviez-vous que Tania Visirova rencontra Gurdjieff ? Ce que je n'indique pas dans le document sur Leïla et La Visirova que vous retrouverez peut-être ?).
La prescience, ce n'est plus sa tasse de thé.
En revanche, et c'est mon hasardeuse hypothèse, il voit en Brasillach un « traître » et emploie à son endroit, sans le moindre égard pour l'amitié qui les liait, les procédés que lui firent subir, à lui, Vailland, Aragon et Breton. J'exagère ? Je suis à bonne école avec cet article de Vailland de 1931.
Bon, allons-y d'une analogie douteuse... Je pourrais prendre au hasard, yeux bandés, un mot au hasard dans chacun de mes volumes d'une de mes éditions imprimées du Grand Robert, et vous les caser ici (ce que je fis autrement, demandant à mes confrères de m'imposer des mots farfelus pour un article politique, et j'y parvins). En dadaïste ou surréaliste à la petite semaine (ou plutôt minute). Brasillach considère que ce genre de divertissement n'est plus d'actualité, qu'il faut faire place à une littérature sérieuse, blindée d'idéaux musclés (en chemises noires ou brunes ? Non, pas déjà). L'encore jeune Vailland, déjà vieux car nostalgique de Gide et des surréalistes, du Grand Jeu, prend le contre-pied. Aussi parce qu'il se souvient que Brasillach, quand il lui apportait des écrits de la sorte à Louis-le-Grand, s'extasiait, se montrait enthousiaste, voire dévot vis-à-vis de lui.
Mais qu'est-ce que la littérature (le bac de français est passé ? dans l'incertitude, je me garde de répondre, ne voulant pas influencer les candidats), s'interrogent l'un et l'autre... Ce qui est pissotant (je ne sais si Maxence Van der Meersch employa ce vocable — que je considère angevin typique — dans Corps et âmes), c'est que Vailland, par la suite, en certains de ses romans militants, prônant l'engagement, les luttes sociales, se rallia quelque peu aux vues de Brasillach (sur le sérieux en littérature, n'extrapolons pas au-delà). Pour l'édification des masses... Transposez. À l'époque des « Grands » (Réchauffement, Remplacement...), il n'y aurait que littérature nombriliste (Breton, Nadja) ou loufoque, déjantée, érotico-fantastique (ou de vieux hommes blancs vous bassinant avec La Virisova et les Folies-Bergère ? Sauf que Tania Visirova, ce n'était pas que cela, ce n'était pas que Lido, Radio, Casinos, mais les pavés de Chisinau, l'Ukraine de la guerre, et des « universités  » à la Philippe Clay). Un peu d'indulgence pour Brasillach, s'il vous plait (ou non)... 
Mais j'exagère et le confesse. Que voulez-vous, formaté par un journalisme des années 1980, bien loin de celui des années 1930, je reste émasculé, incapable d'écrire à la manière d'un sicaire Vailland lardant d'ironie un Brasillach. Je ménage chèvre-chou Vailland et chou-chèvre Brasillanch. C'est beaucoup moins rigolo que ce « Une enquête "objective", la "fin de l'après-guerre" » de Vailland dans Paris-Soir du 16 septembre 1931.