Vailland, critique cinématographique... au pied levé
Affirmer que Roger Vailland fut un critique de cinéma, autre que d'occasion, serait exagéré. Mais il fut, dans le rôle, parfois bon, parfois moins. Avec ce film, Neiges sanglantes, on pourrait l'estimer médiocre. Mais non pas mauvais journaliste, car son compte-rendu tient du prétexte pour aborder un tout autre sujet.
Je ne vais pas vous résumer, ici, la critique du film Neiges sanglantes, paru dans L'Européen (trente-septième numéro). Elle est reproduite dans un document PDF, lequel donne d'autres points de vue sur ce film soviétique. Ni vous indiquer que, ça et là, sur ce même blogue-notes, vous trouverez d'autres articles de Vailland en rapport avec le cinéma (le sujet du rapport de Vailland, scénariste et en d'autres rôles, avec le cinéma, est notamment traité sur le site qui lui est spécifiquement consacré, roger-vailland.com). Sa critique du film ne vise pas à mettre en valeur telle ou telle comédienne qu'il aurait courtisée ou séduite (on aurait sans doute maints autres noms à évoquer), ni à faire étalage d'une réelle connaissance du septième art. Pour cela, voyez Scarpetta, et d'autres éminents critiques lui ayant succédé dans les colonnes des journaux, revues, et magazines (l'ami Baudou, autre Rémois, n'est pas mal non plus...).
Certaines et certains que je ne nommerai pas ramènent beaucoup de ce que put écrire Vailland à la brouille avec Aragon et Breton... À tort ou à raison. C'est un angle qui se conçoit. Mais si j'y fais allusion, c'est furtivement. Parce que, cette présentation d'un, et de « mauvais » films en général, y incite.Cela étant, je suis peut-être à côté de la plaque, de l'arrêt sur image, ou plutôt du plan. Vailland a d'ailleurs tapé latéralement à propos du traitement de ce film historique (il s'agit de la révolte des décabristes, qui n'est, pour les réalisateurs, peut-être qu'un prétexte pour... comme Vailland avec son article).
Il n'empêche, pour le jeune Vailland, qui n'a pas encore professé que l'ironie, c'est de l'espoir qui... (vous trouverez), le sujet ne prête pas à ironiser, mais à se proclamer... Insurgé, insoumis, réfractaire, français, mutin, anarco-éthylique, conforme, iconoclaste, insermenté (rayer la ou les mentions inutiles, chasser le ou les intrus). Voire apyre à l'attraction des trop bons films ? Justement, c'est là que réside l'énigme.
Ce n'était pas trop boute-feu ou risqué (par rapport à ses employeurs plus réguliers) que de s'exprimer ainsi dans L'Européen. Ce titre s'inscrit vaguement dans la mouvance que, plus tard, développera la revue Esprit. Marqué plutôt pacifiste, progressiste, mais point trop n'en fallait. Bref, il — Vailland –ne risque pas d'être relégué aux archives de Paris-Midi ou France-Soir (euh, lapsus de saisie, surtout si tant était que les titres, dont Paris-Soir, s'étaient déjà dotés ou d'un service de documentation).
Je me souviens d'un temps doublement révolu où les « journalistes » (encartés par ailleurs – par la Commission, dans un parti — ou non) d'Uss'm Follik bénéficiaient d'entrées gratuites illimitées au cinéma d'art & d'essai de Strasbourg, situé en face de la librairie-dépôt de presse où parvenait Le Monde fort tard le soir (je l'avais gratis quand je le vendais à la criée, il m'arrivait de sortir de l'une des salles pour aller l'acheter « en face » avant la fermeture). Puis la carte de presse suffisait en province (Belfort, Niort... pour mon compte). C'était donnant-donnant puisque nous parlions à l'occasion des films et que, surtout, un journaliste qui ne lirait pas des romans, ne verrait pas des films, exercerait autrement son métier.
Je me souviens d'un temps doublement révolu où les « journalistes » (encartés par ailleurs – par la Commission, dans un parti — ou non) d'Uss'm Follik bénéficiaient d'entrées gratuites illimitées au cinéma d'art & d'essai de Strasbourg, situé en face de la librairie-dépôt de presse où parvenait Le Monde fort tard le soir (je l'avais gratis quand je le vendais à la criée, il m'arrivait de sortir de l'une des salles pour aller l'acheter « en face » avant la fermeture). Puis la carte de presse suffisait en province (Belfort, Niort... pour mon compte). C'était donnant-donnant puisque nous parlions à l'occasion des films et que, surtout, un journaliste qui ne lirait pas des romans, ne verrait pas des films, exercerait autrement son métier.
Du temps de Vailland pigiste à L'Européen, c'était surtout des films muets. Quant aux romans, hélas, ils en lisaient trop et y faisaient trop fréquemment référence à l'intention d'un lectorat qui ne les avait pas lus. Mais il était de bon ton ton de s'adresser au lectorat « éclairé », en cuistre. Celui qui n'irait pas forcément voir Neiges sanglantes, mais plutôt (certains articles assez peu féministes de Vailland le laissent fortement penser) de certes belles réalisations, propres à faire sortir le mouchoir (larmes de rires, d'émotion). Comme quoi, il n'est pas sûr que ce fut mieux avant, ni pire.
Où voudrais-je en venir ? À une chute journaliste qui « pète ». Que je ne trouve pas. Zut. Alors, en attendant que cela vienne (ou hélas pas), je digresse. Sur la curiosité journalistique... Vous retrouverez dans ce document une évocation d'un recalé d'une école de journalisme parisienne qui fut l'une des premières en France à pouvoir doter ses stagiaires d'une carte de... journaliste stagiaire. Un pote de piste (L'Échiquier, Le Mouton blanc, ce dernier étant l'un des derniers bars kabyles de Paris à n'avoir pas vendu de fonds à un, une patronne chinoise ou assimilée), de rencontre fortuite. Moi, je suis quasiment sûr que je l'aurais admis... Transition à propos d'Alexandre Langlois (précédente entrée de ce blogue-notes). Je lis, sur l'un des « réseaux sociaux », une déploration : les jeunes journalistes seraient trop formatés par les écoles. C'est plutôt vrai, et j'ai vu d'ex-jeunes, devenus syndicalistes tout comme ceux (majoritaires) de la police, se faire remarquer pour obtenir des postes et devenir des chiens de garde du service des ventes, de celui de la publicité, et de la haute-direction issue du monde bancaire...
Vailland fut formaté sur le tas par Lazareff et autres. Formé aussi à Louis-le-Grand. Je subodore que cet article sur Neiges sanglantes est révélateur de tas de choses caractérisant la presse de l'époque. Que je retrouve trop peu dans la presse actuelle, si ce n'est sous la plume de quasi-éditorialistes qui ont quitté le terrain depuis belle lurette (si tant était qu'ils, qu'elles, ne l'aient jamais pratiqué).
Alexandre Langlois, flic réfractaire, Vailland, journaliste complaisant ET réfractaire. L'un cite Euripide, l'autre citait Suétone. Peu importe lequel. Vous voyez mieux ou je veux en venir ? Moi pas. Je ne sais si Vailland mourut désespéré ou non. Pour moi, j'ai des doutes. C'est une chute comme une autre. Pas si profonde : l'ironie, c'est de l'espoir... mais tout dépend de la température. Tant qu'on a le sang chaud... Merci, Roger Vailland, pour cette imparfaite chronique de Neiges sanglantes.
P.-S. — L'ami Denis Robert interpelle : « où est Steve ? ». J'ai envie d'interpeller: où est le papier de Vailland sur la police qui tire sur les manifestants dans le programme des écoles de journalisme ? J'y reviendrai. Ce n'était guère mieux avant... C'est plutôt mieux à présent : moins de morts. Moins de Papon. Mais oserai-je écrire que la sanction visant Alexandre Langlois fait le jeu des black blocs si utiles ? Euh, non, je n'aimerais pas qu'une garde à vue (si utile pour l'avancement) se prolonge pour un motif futile. Nous en sommes là... On vous place à présent en garde à vue pour un rien. Pour les statistiques. Cela étant, merci aux gardiennes et gardiens de la paix qui font leur travail en conscience, comme aux consœurs et confrères qui en prennent plein la figure (dans les côtes aussi) de tous côtés. Et ce n'est pas, heureusement, pour me prémunir, que je l'indique.