Rupture des accords bilatéraux de collaboration policière France-Chili
Serait-ce le précédent tunisien Allio-Marie, ex-ministre de
l’Intérieur en 2011. Toujours est-il que Christophe Castaner a dénoncé ou
plutôt suspendu les accords de coopération entre polices française et chilienne.
La contamination des méthodes chiliennes serait-elle allée trop loin.
En matière de coopération, les accords sont le plus souvent
bilatéraux. Ce que les uns enseignent aux autres prend en compte les retours d’expérience
des uns aux autres. Il semble que Michel Castener ait redouté que l’application
des méthodes policières chiliennes dans le maintien de l’ordre et la répression
des mouvements sociaux français nuise à son image de marque.
Bien sûr, ce n’est pas présenté ainsi. Et mes propos sont
sans doute outranciers, abusivement polémiques… Après tout, la population
chilienne n’est que d’à-peu près 20 millions, la française d’environ 67, et
proportionnellement, en nombre de borgnes et d’aveugles à la suite d’actes
policiers, la France reste très petite joueuse. Et puis, même si les suicides
des manifestants français handicapés ne sont pas recensés, nous n’en sommes pas
déjà, comme au Chili, à 23 morts…
Cessons là ces persiflages, regrettons simplement que nos
formateurs des forces de l’ordre ne puissent faire du tourisme au Chili et
surtout le manque à gagner de nos hôteliers privés des nuitées des officiers de
police chiliens (et d’accortes et avenantes policières chiliennes, dont l’enthousiasme
à réprimer les manifestantes fait l’admiration de toutes et tous leurs collègues).
C’est un peu dommage. Le président chilien Sebastian Piñera
se consolera. Les accords avec les polices anglaise et espagnole n’ont pas
encore été dénoncés.
Une source policière française a donc confirmé au Figaro
que « les projets éventuels qui devaient être menés sont ajournés »
et que la coopération entre les deux entités était suspendue. Sauf qu’on ne
sait d’où provient en fait cette rupture : les policiers français
auraient-ils été estimés trop mous par leurs homologues, notamment en matière d’obtention
d’éléments incriminants lors des gardes à vue ?
Bien, admettons plutôt que Christophe Castaner se soit
souvenu du précédent Michèle Alliot-Marie. Et n’en rajoutons pas. En fait, le
gouvernement chilien s’était alarmé de son image de marque internationale et
souhaitait cette coopération aurait pu contribuer à la faveur d’un « transfert
des expériences », comme l’a annoncé Rodrigo Ubilla, l’homologue du
second de Castaner, à réduire l’engorgement des hôpitaux chiliens. Et « afin
d’adapter les procédures de contrôle efficace, comme le demandent les citoyens ».
Soit aussi les « Gilets jaunes » chiliens.
Pas vraiment en fait, car le président chilien lie « crime
organisé » et « violence criminelle ». Cela va un peu
plus loin que la dénonciation de la convergence entre black blocks et Gilets
jaunes radicalisés français. Et Piñara de dénoncer « la violence extrême
avec laquelle nos carabiniers et policiers ont été attaqués ». Air connu.
La Concertation (l’opposition) abonde : il y a eu de graves violations des
droits des manifestant·e·s mais piller, incendier ambulances et hôpitaux,
églises, boutiques, n’est pas tolérable. Que carabiniers et policiers s’en
prennent en priorité « aux criminels qui pillent et brûlent ».
Comme en France, quoi ?
En fait, il faut voir la manière avec laquelle de jeunes Chiliennes,
chantant et dansant en cadence, sont dispersées. De quoi les inciter à former l’arrière-rang
des casseurs et incendiaires. Sans doute pas au point de concourir à incendier
un hôtel (de La Serena), le siège du journal El Lider (de San Antonio),
&c. Le maire de Valparaiso a fait état d’actions criminelles n’ayant « aucun
lien avec des manifestations sociales ». Découlant quand même de la
précarité de la plupart de ses administrés ?
Mais n’est-ce pas ce (la radicalisation de Giliets jaunes) qui
fut — minoritairement mais significativement – constaté en France ?
N’exagérons rien : je me trouvais, samedi 16 dernier, à
proximité d’un blocage pacifique d’un rond-point axonais. Les gendarmes sont restés
à distance, non du fait de leur infériorité numérique, d’un manque d’équipement,
mais parce que le préfet de l’Aisne avait sans doute reçu des consignes :
pas de bavure.
Pour conclure, la décision du ministère français n’est
guère critiquable. D’autant que le ministre de l’Intérieur chilien, Alberto
Espina, n’a pu que constater que la police chilienne était « absolument
débordée et submergée » (donc pas en état de suivre des exposés au
tableau noir ou des présentations des formateurs français, encore moins de les
régaler midi et soir de spécialités culinaires chiliennes). Sage décision, qui
s’imposait d’évidence.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire