Corbyn dévoile les tractations de Theresa May avec Trump
Lors d’une allocution, le travailliste Jeremy Corbyn a rendu
public des documents sensibles datant de l’époque du gouvernement May, en
mettant l’accent sur le fait que les conservateurs allaient brader la sécurité
sociale aux firmes étasuniennes.
Bien joué, mais non sans risque de voir l’affaire virer au coup d’épée
dans l’eau. Jeremy Corbyn a accusé son adversaire, Boris Johnson, de vouloir
secrètement démanteler le National Health Service (NHS, en gros : les
hôpitaux, la Sécurité sociale), au profit des firmes pharmaceutiques
étasuniennes.
Le problème, c’est que ces tractations confidentielles,
ayant fuité sur un compte Reddit, portent sur une période s’étendant jusqu’au
19 juillet dernier. D’une, Theresa May était encore aux commandes, de deux,
Boris Johnson a catégoriquement refusé de négocier avec les États-Unis en
incluant la question du NHS dans les discussions.
Et rien n’indique que les propositions américaines aient été
acceptées par le gouvernement May.
Il serait trop fastidieux d’examiner les quelque 451 pages
mises en ligne le mois dernier par « gregoration » sur Reddit, encore
moins les 500 de l’UK-US Trade and Investment Working Group ajoutées voici 16 jours. Les services de la Task Force de l’Union européenne chargée du Brexit et
ceux de la commissaire européenne au commerce les connaissaient peut-être de
plus longue date, et ils sauront en tenir compte lors de la période transitoire
de négociations avec le Royaume-Uni. Celle-ci, alors que Boris Johnson se
promet de la clore fin 2020 s’étendra peut-être au-delà de 2022. De plus, redevenu
Premier ministre, Boris Johnson se targue de pouvoir négocier parallèlement
avec les États-Unis, le Japon et l’Australie principalement. Sauf qu’il est impossible
de conclure un accord avec un pays sans que cela implique des répercussions sur
les négociations avec un autre. Le Bojo promet, déclare, assure, puis voit
comment les choses évoluent.
Ce qui n’était qu’un secret de polichinelle trouve une confirmation :
les États-Unis de Donald Trump poussaient le Royaume-Uni de Theresa May à une
sortie de l’Union européenne sans accord (no deal). Car tout maintien du
Royaume-Uni dans le marché unique rendrait caduque toute possibilité d’accord
avec les États-Unis (“would make a UK-U.S. FTA a non-starter” :
FTA, Free Trade Agreement).
Certes, Jeremy Corbyn peut toujours soutenir que Boris
Johnson est un hâbleur, Jo Swinson (Lib-Dem) insister que cela montre à quel
point il faut révoquer l’article 50, Nicola Sturgeon redire ce qui attend
l’Écosse en cas de Brexit, et Nigel Farage affirmer que seul le Brexit Party
pourra contraindre les conservateurs à ne pas fléchir, &c.
La dernière du Bojo : dans dix ans, le Royaume-Uni deviendra
un superpower en matière de satellites et de technologie spatiale. En
partenaire de l’Esa européenne ou de la Nasa ? On l’avait vu, maire de Londres,
glissant le long du câble d’une tyrolienne, le verra-t-on en scaphandre sortir
de la future station orbitale britannique ?
En tout cas, il est confirmé que les US veulent pouvoir
continuer à exporter des poulets plongés dans du chlore pour en éliminer les bactéries…
Ne veulent pas voir leurs médicaments concurrencés par des génériques. Et
persistent à ne pas s’engager sur des objectifs écologiques liés au changement
climatique.
Pour The Sun, Corbyn fait du réchauffé afin de se dépêtrer
des accusations de judéophobie portées contre lui et le Labour. Le quotidien n’en
diffuse pas moins les cinq documents brandis par Corbyn mais en insistant que c’est
de l’histoire ancienne, que c’est une faible diversion. On pourrait le voir ainsi,
mais les répercussions sur l’opinion et l’électorat britannique seront
peut-être assez fortes pour que le doute s’instille quant aux réelles
intentions des conservateurs. Au point de ne pas leur faire retrouver une nette
majorité au Parlement ? Peut-être. D’arriver seconds derrière les travaillistes ? Sans doute pas.
Selon des analystes, si l’électorat ne vote pas tactiquement,
soit pour le candidat le mieux placé pouvant battre celui des conservateurs, le
Labour et les autres partis ne remporteraient que 265 sièges (les conservateurs
en obtenant 366 sur 650). Dans le cas contraire, la perspective d’un
gouvernement de transition (les conservateurs restant le premier groupe
parlementaire, mais minoritaire) ne serait pas à exclure. Car selon les circonscriptions
sensibles (57), entre 2 000 et 4 000 « suffrages tactiques »
suffiraient pour barrer la route au candidat conservateur.
L’une des circonscriptions à surveiller est celle d’Uxbridge
où Alexander Boris de Pfeffel Johnson (le Bojo) se représente. Son adversaire,
Ali Milani, travailliste et musulman chiite, gagnerait, semble-t-il, du
terrain.
Les questions ethnoreligieuses (le Labour judéophobe rampant,
les Tories islamophes présumés) joueront un rôle dans ces élections. À quel
point ? Tout dépend où… Ce qui semble se dessiner c’est que, en
Angleterre, le problème du Brexit ne sera pas tout à fait le facteur le plus déterminant.
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