Roger Vailland, libertin, libre-penseur militant
Que Roger Vailland se soit affirmé libertin et libre penseur
ne fait pas le moindre doute. Sa défense et illustration de la laïcité
correspond aussi à la position du Parti communiste sur l’église catholique.
Mais il fut sans doute aussi assez penseur libre pour ne systématiquement « bouffer
du curé ».
Libre penseur, Vailland, assurément… Ses prises de position
ne laissent aucune place au doute. Toutefois, dans ses romans, nul Ludovic comme
dans La Ceinture du ciel, de Roger
Ikor (ce Ludovic nomme L’Athée son
bateau de plaisance… mais cependant il ne rompt pas avec le père Jean, abbé
fort tolérant à l’égard des mécréants). Et si Philippe Roth pu dire à Rita
Braver, de CBS, « je trouve les religieux immondes »,
Vailland s’abstint, semble-t-il, de tous les mettre dans le même sac lesté de
parpaings.
En revanche,
même si je n’ai pas demandé à la Libre-Pensée s’il en fut ou non adhérent, son
appartenance à des mouvements laïcards n’est pas si évidente, ni revendiquée.
Mais j’ai pu mal chercher. Certes, André Thérive, dans La Revue des Deux Mondes (novembre 1964), remarque « En somme, le romancier de La Truite est une
réincarnation de Mirbeau (…) le dessein
satirique de M. Roger Vaillant (sic) entraîne
bien plus de grossièretés et d’obscénités qu’on n’en voyait dans Le Journal
d’une femme de chambre ou dans
Sébastien Roch. ». Mais dans ce même roman, David Nott (« La Truite ou la symphonie des aveux »), relève
que dans une note, Vailland avait songé à convertir son personnage, Rambert.
Mais ce Rambert n’est pas l’auteur…
Le seul élément
qui m’a fait me questionner est rapporté par Jacques Chessex dans L’Éternel
sentit une odeur agréable (voir, sur le sujet, « Roger Vailland
personnage de roman », de Jean Sénégas). L’épisode est connu :
Vailland consent à ce qu’une « équipe paroissiale » interprète sa
pièce, Héloïse et Abélard. Ce,
semble-t-il, avec l’assentiment aussi d’un évêque qu’il aurait fréquenté aux
temps de la Résistance. C’est fort peu.
Cette fort
légère interrogation m’a au moins porté à retrouver quelques textes auxquels je
ne pouvais que m’attendre, et à en trouver d’autres, inattendus, comme cet entretien
entre Christian Cottet-Emard et Jean Tardieu, à Meillonnas, chez Michel
Cornaton (Le Croquant, nº 57-58,
juin 2008). Étaient présents aussi Fabienne et Michel Cornation, Renée et Paul
Gravillon, Sylvette Germain et la chatte Crapouille. C’était en 1991. Michel
Cornaton « habitait la maison où
vécut Roger Vailland ». Aussi ce passage de La Crosse en l’air de Jacques Prévert (« pas libre penseur, athée, il y a une nuance », dit Le
Veilleur). Nuance non dirimante, à mon humble avis. Et quelques à-côtés (il
semble que Robert Guédiguian et Frank Le Wita présentèrent un scénario adapté « d’un récit de Roger Vailland », qui
fut refusé et n’obtint pas l’avance sur recettes). Baguenauder « avec »
Vailland (comme Toulouse-la-Rose en finit « avec » Debord – Pour en finir avec Guy Debord livre
épuisé – et non contre), réserve toujours de multiples surprises. Parfois,
on emprunte de nouveau les mêmes sentes, cheminant diversement, cette fois plus
attentif à un détail qui vous avait auparavant échappé. Et cela incite à faire
des pas de côté (vers celui du chansonnier belge Léo Campion et de l’écrivain
Marcel Sel dont je ne sais si l’indice de Jaccard détermine s’ils ont la
moindre chose en commun avec Roger Vailland, mais peu importe : Marcel
Sel, qui fut aussi Marcel Quaybir… Merpin/Vailland apprécierait sans doute :
un tel écrivain ne peut être totalement mauvais).
On croise des
inconnus (de soi-même, pas forcément anonymes pour toutes et tous), comme José
Pierre, qui qualifie Le Surréalisme
contre la Révolution de « fielleuse
brochure ». D’une hauteur, on embrasse d’un même regard, au loin, la
place Roger-Vailland d’Aulnay-sous-Bois et la rue de la Libre-Pensée de
Romainville (bon, là, légère exagération…).
La
moisson d’indices ne recèle le plus souvent aucune pépite. Toutefois, cela peut
survenir. Ainsi de
ce texte de Gilbert Mury, spécialiste des questions religieuses au PCF, subtil
« casuiste » marxiste (l’oxymore n’est pas si fort ; là, c’est
pour le plaisir de l’allitération), revisitant autrement qu’Alain (Georges)
Leduc la querelle entre Vailland et Martin-Chauffier. Cela peut suffire à se
féliciter de la randonnée… Et console de n’avoir, passant par le site de la
Fédération nationale de la Libre-Pensée, sous la mention « Résultats pour la recherche “Vailland” »
que ce piteux résultat « Aucun
résultat trouvé ! ».
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