dimanche 17 mars 2019

Roger Vailland, laïcard intransigeant ?


Roger Vailland, libertin, libre-penseur militant


Que Roger Vailland se soit affirmé libertin et libre penseur ne fait pas le moindre doute. Sa défense et illustration de la laïcité correspond aussi à la position du Parti communiste sur l’église catholique. Mais il fut sans doute aussi assez penseur libre pour ne systématiquement « bouffer du curé ».
Libre penseur, Vailland, assurément… Ses prises de position ne laissent aucune place au doute. Toutefois, dans ses romans, nul Ludovic comme dans La Ceinture du ciel, de Roger Ikor (ce Ludovic nomme L’Athée son bateau de plaisance… mais cependant il ne rompt pas avec le père Jean, abbé fort tolérant à l’égard des mécréants). Et si Philippe Roth pu dire à Rita Braver, de CBS, « je trouve les religieux immondes », Vailland s’abstint, semble-t-il, de tous les mettre dans le même sac lesté de parpaings.
En revanche, même si je n’ai pas demandé à la Libre-Pensée s’il en fut ou non adhérent, son appartenance à des mouvements laïcards n’est pas si évidente, ni revendiquée. Mais j’ai pu mal chercher. Certes, André Thérive, dans La Revue des Deux Mondes (novembre 1964), remarque « En somme, le romancier de La Truite est une réincarnation de Mirbeau (…) le dessein satirique de M. Roger Vaillant (sic) entraîne bien plus de grossièretés et d’obscénités qu’on n’en voyait dans Le Journal d’une femme de chambre ou dans Sébastien Roch. ». Mais dans ce même roman, David Nott (« La Truite ou la symphonie des aveux»), relève que dans une note, Vailland avait songé à convertir son personnage, Rambert. Mais ce Rambert n’est pas l’auteur…
         Le seul élément qui m’a fait me questionner est rapporté par Jacques Chessex dans L’Éternel sentit une odeur agréable (voir, sur le sujet, « Roger Vailland personnage de roman », de Jean Sénégas). L’épisode est connu : Vailland consent à ce qu’une « équipe paroissiale » interprète sa pièce, Héloïse et Abélard. Ce, semble-t-il, avec l’assentiment aussi d’un évêque qu’il aurait fréquenté aux temps de la Résistance. C’est fort peu.
         Cette fort légère interrogation m’a au moins porté à retrouver quelques textes auxquels je ne pouvais que m’attendre, et à en trouver d’autres, inattendus, comme cet entretien entre Christian Cottet-Emard et Jean Tardieu, à Meillonnas, chez Michel Cornaton (Le Croquant, nº 57-58, juin 2008). Étaient présents aussi Fabienne et Michel Cornation, Renée et Paul Gravillon, Sylvette Germain et la chatte Crapouille. C’était en 1991. Michel Cornaton « habitait la maison où vécut Roger Vailland ». Aussi ce passage de La Crosse en l’air de Jacques Prévert (« pas libre penseur, athée, il y a une nuance », dit Le Veilleur). Nuance non dirimante, à mon humble avis. Et quelques à-côtés (il semble que Robert Guédiguian et Frank Le Wita présentèrent un scénario adapté « d’un récit de Roger Vailland », qui fut refusé et n’obtint pas l’avance sur recettes). Baguenauder « avec » Vailland (comme Toulouse-la-Rose en finit « avec » Debord – Pour en finir avec Guy Debord livre épuisé – et non contre), réserve toujours de multiples surprises. Parfois, on emprunte de nouveau les mêmes sentes, cheminant diversement, cette fois plus attentif à un détail qui vous avait auparavant échappé. Et cela incite à faire des pas de côté (vers celui du chansonnier belge Léo Campion et de l’écrivain Marcel Sel dont je ne sais si l’indice de Jaccard détermine s’ils ont la moindre chose en commun avec Roger Vailland, mais peu importe : Marcel Sel, qui fut aussi Marcel Quaybir… Merpin/Vailland apprécierait sans doute : un tel écrivain ne peut être totalement mauvais).
         On croise des inconnus (de soi-même, pas forcément anonymes pour toutes et tous), comme José Pierre, qui qualifie Le Surréalisme contre la Révolution de « fielleuse brochure ». D’une hauteur, on embrasse d’un même regard, au loin, la place Roger-Vailland d’Aulnay-sous-Bois et la rue de la Libre-Pensée de Romainville (bon, là, légère exagération…).
         La moisson d’indices ne recèle le plus souvent aucune pépite. Toutefois, cela peut survenir. Ainsi de ce texte de Gilbert Mury, spécialiste des questions religieuses au PCF, subtil « casuiste » marxiste (l’oxymore n’est pas si fort ; là, c’est pour le plaisir de l’allitération), revisitant autrement qu’Alain (Georges) Leduc la querelle entre Vailland et Martin-Chauffier. Cela peut suffire à se féliciter de la randonnée… Et console de n’avoir, passant par le site de la Fédération nationale de la Libre-Pensée, sous la mention « Résultats pour la recherche “Vailland” » que ce piteux résultat « Aucun résultat trouvé ! ».

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