Un virus éternel, un purgatoire abrégé
Chaînes et stations de radio n’arrêtent pas de reposer les
mêmes questions du public aux experts qui fournissent les mêmes réponses. L’une,
récurrente, se rapporte à la durée du confinement. Qui sera sans doute moins longue
que la longévité (pouvant tendre vers l’infini) du covid-19.
Au lieu, comme certains confrères de la presse
audio-visuelle, de poser la même question à un expert, puis à un autre faisant
oublier la réponse du précédent, Sophie Gallagher, du site du quotidien
britannique The Independent, en a interrogé une bonne douzaine. Douze analyses,
une synthèse pour répondre à la question « quand le coronavirus finira-t-il ? ».
Attention, ne pas confondre fin du virus et fin du
confinement. On se souvient du sketch de Fernand Raynaud. Le virus est l’objet
de soins constants et pour se refroidir, le fût du canon met « un certain temps ».
Quant à la longévité du covid-19, un expert microbiologiste propose
de s’en remettre à la consultation d’une boule de cristal. Ce qui n’est pas à
la portée de tout un chacun. Mais même un manchot ambidextre (cas rarissime que
ni le chamanisme, ni la médecine allopathique, fusse-t-elle exotique onc ne
cessera de laisser pantois) peut actionner une toupie, successivement deux
toupies.
Pendant le confinement, devenez expert à domicile, c’est à
la portée du plus grand nombre. Confectionnez deux toupies à facettes. Portez
sur chaque divers chiffres, et sur celle vouée à déterminer la date d’extinction
du virus, le signe de l’infini.
Tant qu’un vaccin efficace ne sera pas trouvé, ce qui peut
prendre un certain nombre de décennies, l’éradication totale du covid-19
restera une gageure. Son recul partiel est en revanche prévisible. Lorsque l’immunité
collective (herd immunity) à temporalité variable sera suffisante, les résurgences
épidémiques —éparses géographiquement — se raréfieront. Cela étant, cette immunité
protège une majorité du collectif et non chacun de ses membres
individuellement. De plus, pour ce covid-19, on ne sait pour combien de temps l’immunité
est garantie.
La durée du confinement est un autre problème. Quand on voit
qu’il est question de faire démarrrer, fin juin, le Tour de France sans spectateur,
sans jolie jeune fille pour remettre des bouquets (les féministes survivantes
applaudiront), et que Ryanair n’envisage pas de reprendre ses activités avant
juin, nous disposons de quelques indices peu fiables.
En réalité, les cas de passages au cannibalisme sont mal documentés.
Au bout de combien de temps constate-t-on des cas d’anthropophagie alimentaire
dit conspécifique (par opposition à hétérospécifique) ? Mais ce n’est qu’un
marqueur et les pouvoirs publics du Roi Soleil, lors des disettes de son règne,
ne s’en sont guère émus.
Ce qui me, et leur, semble à peu près clair, c’est qu’en
arriver au stade de l’immunité collective pendra des mois. Combien de mois ?
Peut-être 13 à la douzaine, semble indiquer les interlocuteurs de Sophie
Galagher.
Un peu trop pour ne pas mettre en danger les plus grosses
fortunes. Par conséquent, le scénario qui se dessine : dès qu’un test
permettra de sélectionner celles et ceux qui seront estimés pouvoir rependre
des activités productives normales, que leur non-contagiosité soit irréfutablement
ou non établie, et que leur nombre sera estimé suffisant, le confinement sera
progressivement assoupli.
Auparavant, le secteur de la mode aura lancé des lignes de
combinaisons intégrales seyantes.
De quoi s’inquiète-ton à présent en France ? Du manque
de stades prévu pour les Jeux olympiques où auraient pu être isolés celles et
ceux qui ne passeront pas les tests ? Il ne s’agit pas de déverser la
sinistrose à pleins baquets (ce qui aurait valu, en Chine, la vindicte
populaire et des descentes de police).Seule certitude : le pire n’est
jamais sûr.
Et puis, quand on entend et lit tant d’imbécilités
complotistes sur le virus, lire que des gens crédibles ne se prononcent pas, c’est
déjà cela de rassurant. Et puis, dans l’incertitude et la vanité des
prévisions, autant s’intéresser à tout autre chose. Jusqu’au 28 avril (et sans
doute après, si ce n’est dans toute la France, du moins dans certaines régions).
Des suggestions : le répertoire de Fernand Raynaud,
celui de Boby La pointe, de Jamil (le
chanteur québécois), de Ricet Barrier… Retrouvez les paroles du succès des
Parisiennes : « il fait trop beau pour télétravailler’ ». Ou créer
une piste miniature de boule de fort (un jeu qui se joue avec des boules
méplates et lestées d’un fort latéral, et qui, en dimensions réelles en peignoir,
pyjama et pantoufles).