Consoeurs, confrères, ne publions plus les tronches des officiers de police
Bien Chère Consoeurs, Bien Chers Confrères, ne publions plus les tronches des
officiers de police (bis, et reprenez avec moi en chœur). Non, non, non aux deux poids, deux mesures. Les maires et leurs
adjoints sont officiers de police, les préfets ont policiers et gendarmes sous
leurs ordres. Si, comme le propose le sénateur de l’Hérault, nous devons
risquer un an de prison et 45 000 € d’amende, ne prenons aucun risque.
Le sénateur (ex-UMP-LR) de l’Hérault n’est plus maire de
Castelnau-le-Lez. Dommage. Cela donnait l’occasion de ne pas le photographier
en compagnie de Mohed Altrad, candidat à la mairie de Montpellier. Or donc,
X veut réprimer toute diffusion de photo ou vidéo des forces de
l’ordre ou de sécurité (genre Alexandre Benalla ?).
Pourquoi pas ? Nous savons faire, et nous saurions, par
exemple après avoir pris la photo ou la vidéo de CRS ou autres policiers
frappant à terre un·e manifestant·e (après avoir, à l’occasion, renversé son
fauteuil roulant), remplacer leurs silhouettes par celles de soldats de plomb.
Je n’ai pas écrit de… ou de… (où … pourrait être des gremlins, des paillasses
ou clowns blancs, ou ce qu’il vous plait d’imaginer, ecclésiastiques
goupillonnant, personnages de BD)
Les amendements, qui devraient être examinés le 17 décembre
(voir, le lendemain, sur le site du Sénat, le compte-rendu des débats,
certainement instructifs : retenons ces dates), prévoient de lourdes
peines. Dont la plus faible, en cas de diffusion d’images de fonctionnaires de
la police, des armées (gendarmerie, donc), ou d’agents des douanes, serait une
amende de 15 000 euros. Cela vise tout un·e chacun·e, pas uniquement des
directrices ou directeurs de publication.
Cela viserait à protéger, et cela, on le conçoit fort bien,
des fonctionnaires qui pourraient subir des conséquences. Mais la raison
invoquée, c’est qu’il n’est pas possible d’obtenir le floutage des éléments
permettant de les identifier. Donc, interdiction totale et non obligation de
floutage (laquelle permettrait pourtant, en cas d’enquête administrative ou
judiciaire, de produire l’original). Là, en fait, c’est entraver le travail des
magistrats et des autorités de contrôle. Bravo, X. Interdisez
aussi les écoutes téléphoniques. Et comme au volant, nous ne donnons pas notre
consentement pour être flashés par un radar, soyez logiques.
Les deux poids, deux mesures, c’est aussi la fin des régimes
spéciaux, sauf pour les membres des forces de l’ordre, mais, là, d’ac’, je
digresse. M'enfin, quid de la réciprocité ?
Ce qui est beaucoup, beaucoup plus inquiétant, c’est que s’il
est interdit de diffuser, pourquoi ne serait-il pas interdit de prendre des
photos ou tourner des vidéos ? On s’approche d’un fonctionnaire muni d’un
appareil, hop, confisqué, voire détruit. Allez ensuite contester.
Ce dépôt d’amendements fait suite à un communiqué du
syndicat des commissaires de police citant nommément des journalistes qui ne lui
convient pas. Incitation à se rendre à leur domicile, à inspecter leurs
véhicules ?
Le second amendement est analogue au premier mais durcit la
sanction à un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Pas de quoi
couler un titre pipeule, mais toute petite publication, tout site d’information
pas trop solide financièrement. De mieux en mieux.
Quant au troisième, il est farce. Interdiction à tous les
corps de révéler l’identité de fonctionnaires. Donc, ces fonctionnaires ne
devront plus révéler leur propre identité ? Le ou la préfète de police de Paris ?
Ms X. La ou le porte-parole des douanes sera anonymisé·e ? En voilà,
une idée qu’elle serait bonne…
Mais pourquoi ne pas l’étendre aux parlementaires. Plus de
photos, de vidéo, de passage à la télévision, de noms donnés aux radios,
&c. Cela nous fera des vacances.
Ah oui, j’avais mal lu : si telle ou tel voulait
librement se laisser taper le portrait, il lui serait possible de l’autoriser ; mais non de révéler son identité : l’interdiction doit s’appliquer à tout
le monde, non ? Aux syndicalistes des douanes, de la police, &c., et à
leurs supérieur·e·s qui ne vont quand même pas enfreindre les consignes pour se
faire de la publicité, quand même !
Il se trouve qu’après tout, s’ils ne peuvent s’exprimer, sauf
sous couvert d’anonymat, pourquoi les solliciterions-nous ? Quand on
mentionne « une source autorisée », c’est parce que nous connaissons
son identité. Là, on ne pourra plus. Alors, pourquoi perdre du temps ?
Des cabinets d’avocats ont évoqué l’état de droit. Le
SNJ-CGT a été l’un des premiers syndicats de la profession à réagir. « Amendement
(…) indigne d’une République démocratique » allant « à
l’encontre des standards mondiaux et européens », « alarmant
et honteux pour la France ».
J’en viens à me demander si, en fait, le sénateur X n’aurait
pas eu une grosse contredanse à se faire sauter : à moins que Castaner (zut, Y, cela m'a échappé) l’ait
sollicité en sous-main pour introduire ces amendements et que la discipline de
votre du groupe LERM soit invoquée, je n’imagine même pas qu’ils soient
longuement discutés et encore moins adoptés. La meilleure attitude serait de
refuser de commenter et passer directement au vote, histoire de ne pas donner
plus de publicité à cet individu.
Soit, bien intentionné, il est inapte à siéger au Sénat,
soit il cherche juste à se faire mousser.
Que des dispositions soient prise pour protéger des fonctionnaires,
non pas de la vindicte du peuple courroucé unanime, mais de personnes en ayant
gros sur le cœur ou animées d’autres intentions, cela peut se justifier.
Mais légiférer de la sorte ?
Quand je vois la presse étaler largement le portrait de ce
sénateur, je me pose des questions ; c’était un panorama de multiples vues
de fonctionnaires en action susceptible de leur valoir des poursuites auquel il
aura fallu avoir recours.
Enfin, vous l’aurez sans doute remarqué, j’écris sous le
coup d’un énervement confinant à l’indignation. Bientôt, aussi, des jugements systématiquement
à huis-clos de fonctionnaires ? De tout fonctionnaire désigné par ces
amendements ? Donc du sieur Balkany (mince, Y, mais où ai-je la tête ?), officier de police judiciaire.
Je m’emporte, je m’emporte, sans oublier que j’ai même
rencontré des policiers (CRS inclus), des gendarmes affables, compétents,
&c.
Il ne s’agit nullement ici de laisser entendre que les abus
de certains soient généralisés (bon, quelques commissaires syndicalistes
pourraient le laisser abusivement penser).
Et je ne doute pas que, dans les couloirs du Sénat, nombre
de ses collègues sauront lui expliquer les choses qu’il serait bon ne pas
exprimer lors de son monologue en séance. Sa proposition est tellement
excessive qu’elle en devient insignifiante.
Conclusion : passer vite à autre chose.
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