NordVPN ne traque pas ses clients, mais les ornithorynques
Tout ce qui suit n’étant qu’un bavardage inconséquent et ô
combien dispensable (sens deux, encore en gestation). Vous m’accorderez que je
ne vous prends pas en traître. Cela étant, si vous vous êtes déjà infligé la
lecture d’un Jean d’Ormesson, vous êtes parés pour ingurgiter tout le
salmigondis qui suit…
Prétexte : un communiqué de presse de Skylie Akers,
chargée des relations publiques de l’opérateur NordVPN. Il existe aussi un SudVPN
(si, si… ce serait même « le VPN qui sent bon le sud » depuis
les quartiers nord de Marseille, je n’invente rien, ah l’odeur du VPN remontant
le Rhône au-dessus des jonques, avec serveur nu à Babylone, parmi les
bananiers, merci, René Ehni, le Sundgauvien, pour ce titre mémorable).
Or donc, lors d’une dispensable (idem supra) prise de
bec avec une bignole — concierge, et non de l’angevin pour louchon — de ma rue, je
la vois soudain porter ses doigts à ses oreilles et les replier pour
accompagner un « il paraît que vous seriez “journaliste” ». Vu
le contexte, ces guilles gestuelles ne pouvaient être que de distanciation.
Mais oui, ma bonne commère, et même honoraire (retraité), on reste consigné
dans des bases de données de chargé·e·s de relations de presse. C’est fou comme
une gestuelle peut quitter les cercles universitaires, passer à la télévision
et finir d’aventure, au coin de la rue (merci Finkielkraut et Bruckner, pour ce
titre devenu cliché à l’instar du fameux tzigane heureux de Petrovic et de l’anonyme
adaptant en français le titre duveteux de son film oscarisé).
Or donc, après avoir expédié l’ultime dépêche de l’Agence
centrale de presse, j’en coupais (ce qui consiste à disjoncter en quelque
sorte), tous les fils. Plus d’ACP, L’AFP souveraine (laquelle fut l’un de mes
autres râteliers, mais en piges seulement). Or donc, le matin même, averti de l’issue
fatale, je recevais un fax et un coup de fil d’une attachée de presse vantant
je ne sais plus quelle société. Je rédigeais illico une dépêche (j’avais cru
comprendre que l’attachée était rétribuée en fonction d’une obligation de
résultat : je lui faxais donc la dépêche en retour, laquelle à ma
connaissance ne fut même pas reprise en bouche-trou).
Une vaste étude sur les bouche-trous manque à l’histoire de
la presse. Du temps des mettages, nous disposions de multiples vignettes aux
libellés passe-partout (n. m. invar.) destinées à s’éviter des prises de tête de
mises en pages. Exemple authentique : « Abonnez-vous dès aujourd’hui à Paris-Soir et Paris-Soir-Dimanche ». Ou « Pour vos
offres d’emploi, utilisez nos petites annonces couplées ». De minuscules
publicités qui ne seraient pas refacturées pouvaient aussi en faire office.
Style : « La Jouvence de l’abbé Soury se trouve dans toutes les
pharmacies ».
Et d’Ormesson dans tout cela ? Eh bien, m’ennuyant
ferme en allant visiter feu ma mère en maison de retraite, je tombais sur un « Poche »
de l’académicien. Rarement lu en si peu de temps autant de choses insipides.
Là, je m’avale les deux tomes (1874-1914) du Churchill de Randolph Spencer
Churchill, le fils de Winston. Souvent fastidieux, très rarement palpitant,
mais, en regard, cela donnerait presque l’envie de s’envoyer le Twenty-One
Year, du même Randolph S. Churchill. Tandis qu’un d’Ormesson peut vous
dégoûter à vie de lire quoi que ce soit d’autre du même.
De même, trop d’informatique peut tuer l’appétence pour l’informatique.
J’avais débuté en 1980 avec l’un des premiers modèles « ultra-portables » dira-t-on un temps du marché. Un Epson à 8 ko de mémoire,
programmes sur eproms, affichant six lignes sur un écran repliable sur le
lecteur de bandes magnétiques. Puis, réduit au chômage, conscient de mes
manques, j’achetais d’occasion à un technicien de maintenance une tour dont les
trois disques durs contenaient tous les logiciels de sa clientèle. Tout exploré
jusqu’à point d’heure. Enfin, Pixel, Création numérique, Créanum,
trois irrégulo-mensuels destinés aux graphistes. J’explorai tout, le jour, la
nuit jusqu’à l’aube. À l’affût de toute nouveauté, de toute astuce contournant « l’écran
bleu de la mort-qui-tue », soit l’ultra-récurrent affichage d’après
réinitialisation.
Eh bien, figurez-vous qu’à présent je n’ai qu’une confuse
idée de ce que peut-être un VPN (réseau privé virtuel) et que je suis fort ravi
de m’en contrebalancer. Toujours est-il que NordVPN va refacturer un jour à ses
clients une expertise de PwC (Price non pas water-closet) leur assurant que
leurs données ne sont pas conservées, que rien n’en subsiste dans les x tuyaux
reliant ses 5 100 serveurs répartis mondialement. Alors, Skylie (l’attachée
de presse), heureuse ?
Sans doute peu durablement car le navigateur Opera m’incite
à activer son VPN « pour une confidentialité accrue ». Ouf, je
peux cliquer sur « ne plus afficher ».
L’ai-je bien « ormessonisé » ? Ou convient-il
de tirer davantage à la ligne?
Au fait, ai-je bien désactivé Google Analytics pour m’éviter
d’ingurgiter les multiples biscuits-témoins du site NordVPN ? Je n’en
compte pas moins d’une soixantaine.
J’avoue rester dubitatif, si ce réseau ne conserve pas de
données personnelles, pourquoi indiquer qu’il peut être demandé de supprimer
ces mêmes données ? Bah, c’est sans doute une obligation légale de le
faire figurer. Si je me gourais, merci de ne pas relever : j’en m’en
balance sans doute tout autant que vous-mêmes.
Figurez-vous que je n’ai même plus la curiosité de savoir
interpréter « VPN à double saut » ou “Onion over VPN”.
L’Oignon serait un routeur. Quel drôle de nom pour un routeur, pourquoi pas
Libellule ou Papillon, qui serait plus mignon ?
En tout cas, cet oignon peut disparaître ou réapparaître,
mais sans vous faire du Tor. Encore heureux, non, que cela reste inoffensif. Un
VPN prestidigitateur, je ne l’aurais même pas imaginé, un coup l’oignon est à
Panama, à un autre ailleurs, vers Madras ou Tirana. Pour vérifier, vous pouvez
même sortir des bitcoins de la doublure de votre chapeau. Si, après tout ce qui
précède, vous avez encore du temps à perdre, vous aurez droit à un essai
gratuit de trois jours.
Vous n’aurez pas, paraît-il, à redouter des « attaques
par la force brute » (en français dans le texte) surgies « d’une
méga-brèche ». La force brute descendrait-elle des Croisées par des
géofenêtres ? En s’accrochant aux rideaux ?
Si on vous avait dit que la poésie régresse de nos jours,
sachez bien qu’on vous aura menti.
L’informatique mène à tout à condition d’y entrer… J’imagine
déjà l’attaque brutale de noctambules ornithorynques venimeux électropercepteurs
(leurs dards ou éperons sont situés aux chevilles, soit au-dessus des palmes). On
ne sait jamais où un ornithorynque peut vous mener : à Kant (Umberto Eco),
à Platon (Thomas Cathcart et son Platon et son ornithorynque entrent dans un
bar). Contrairement au cochon, tout n’est pas bon dans l’ornithorynque,
mais ses usages sont multiples, en dépit d’une versatilité (ou
adaptabilité) limitée pour les cruciverbistes (fréquence inversement
proportionnelle à son emploi dans les dictées de Pivot). C’est d’ailleurs pourquoi
je fonde de formidables espoirs sur son utilité future dans le domaine de l’informatique
à faible bruit (sous-domaine promis lui aussi à un grand avenir).
«
Pourquoi bavarder plus ? ». Cette
citation
exacte est d’Henri Van Lier et dans le texte de sa conférence sur l’
Anthropologie
de la Publicité (1982), elle se situe vers le premier tiers de sa — longue
– intervention. Comme quoi on finit par trouver plus verbeux (mais moins
cuistre, heureusement) que soi.
L’ornithoryndique conduit fort loin. Ainsi, il(s) fourni(ren)t
le titre d’un tome de Didier de Robillard, auteur du fameux chapitre « Revendiquer
une lexicographie francophone altéritaire constructiviste pour ne plus saler
avec du sucre ». Lequel ne traite pas du fameux dilemme de l’œuf et de l’ornithorynque,
lequel ou laquelle, d’ailleurs ne chante pas. Mais le suggère (enfin, je l’imagine).
Mais pour continuer à faire mon d’Ormesson (je-moi ;
moi-je… mon premier nougat, pour ne pas plagier trop flagrant la madeleine de
Proust), je reviens à ce communiqué (en anglais : NordVPN’s no log
policy confirmed). Traducteur de manuels de jeux informatiques un temps
(dont l’un sur le baseball, l’horreur), de textes sur la typographie, titulaire
d’un DÉSS de traduction spécialisée, j’avoue être devenu total incapable de
vous en entretenir. Obfuscated (X0R) VPN ? Koikès ? P2P servers ?
Paires de mes duos et bene pendentes ? Le little digital foontprint ?
L’aube d’été au pied le plus léger possible ? Le minimal log ?
La bûche de Noël étique ? Bon, Chère Skylie, je case ici le nom de Laura
Tyrell, votre supérieure semble-t-il (efficace pour revendiquer une augmentation ?).
Ce n’est pas tout à fait de la Newspeak (Novlangue d’Océania), ce
communiqué, mais je mets les bouts. Enfin ! Vous entends-je vous exclamer.
Eh oui, ma commisération finit par tempérer ma verbosité. Et puis, c’est le
moment de l’apéro. Pastis Bayanis, l’un des rares produits d’excellent rapport
qualité-prix chez Carrefour Bio. Enfin une info, à vérifier par vous-mêmes si l’anisé
vous en dit.