Céline-1 ; Vailland-double zéro dans la presse italienne
Billet d'humeur, coup de sang... Une partie de la presse italienne, rendant compte du livre d'Andrea Lombardi, Céline contro Vailland, laisse penser que ce dernier n'existe plus dans les mémoires qu'en raison du premier. Il faudrait lire l'ouvrage pour estimer si c'est l'opinion de son auteur. Mais quand même...
Ai-je lu un, des, du Céline ? Probablement… Du,
assurément. Je ne m’en souviens guère. Des Vailland ? Indubitablement.
Lesquels ? peu de souvenirs. Ou alors, très fumeux. Des articles, des
feuilletons de Vailland, eh, c’est mon dada du moment. Ce qui fait que, de la
polémique entre Céline et Vailland, je croyais tout savoir. Moins qu’Andrea
Lombardi, qui consacre tout un ouvrage, Céline
contro Vailland (Due scrittori, una
querelle, un palazza di una via di Montmartre sotto l’Occupazione tedesca),
aux joutes entre les deux hommes…
Je vais bien sûr relire, lire, « tout » Vailland.
Cela ou autre chose… Blair (à moins qu’un ouvrage oublié resurgisse, c’est
fait), Tom Coraghessan Boyle, je suis à peu près à jour. Céline, peut-être
(quoique, pour les dîners en terrasses printanières, si le feu de la
conversation vient à vaciller, un coup de Céline, et cela repart ; du
moins entre vieilles et vieux schnocks). Ce qui me gave grave, c’est que,
encore à présent, l’équipe du Clairon de Céline l’emporte quasi toujours sur
celle de l’Espoir de Vailland. Les deux clubs voudraient s’ignorer, mais voilà
que, récurremment, la clique Céline claironne qu’elle a infligé la pâtée aux
majorettes de Vailland. D’accord, cette contre-publicité remémore Vailland,
mais en faire-valoir de Céline. En utilité, le Vailland.
Les faits ont été ressassés. Les Champfleury (eux-mêmes, la
belle-mère, la veuve du galonné ?) logent à la villa Machin, à Montmêrtre
(le Ménilmuche occidental). Selon les sources, c’est au troisième ou quatrième
étage du 4, rue Girardon. J’évoque de mémoire, sans consulter mes archives. Ce
qui est constant (non contesté par les parties), c’est que Céline loge
dans la maisonnette. Que Vailland envisageât soit de faire la peau à ses invités (ceux de
Céline), mais en l’épargnant, soit…. Où cela ? Pas à la Bastille, mais
plutôt dans les parages. Si ce ne fut à l’étage… sur le seuil.
Bref, des années plus tard, Céline étant du côté d’Elseneur,
où je ne sais plus où (j’avais trouvé, vous retrouverez), Vailland écrit
qu’il regrettait de ne point l’avoir homicidé, comme dirait l’ami Hugues Pagan.
Céline réplique par voie de presse sur le mode « cé cuikildi kyé ».
En fait, Robert Champfleury (Eugène Gohin, non point comme
les poêles, avec une h et non une d), savait bien que Céline savait que…
Et qu’il la ferma sur les accointances résistantes du dit Champfleury/Gohin.
Mieux, ou pire, Jacques-François Rolland, acolyte de Vailland dans la
Résistance, traite ce dernier de hâbleur, galéjeur, et corrobore la version de
Céline (qui pouvait faire envoyer tout le monde de l’étage supérieur au poteau
d’exécution et s’abstint).
Je n’ai plus guère d’illusion (subsistante, car je le pris
longuement pour argent comptant ; eh, grand reporter, Résistant…) sur Vailland.
Mais Céline… Rapiat, prêt à tout pour se placer en écrasant la concurrence,
obtenir un poste de chef-toubib, et cultivant tout autant que Vailland sa
légende. J’en connais d’autres à présent, des gendelettres tirant la couverture
(des noms ? non, à quoi bon ?). Ce qui m’étonne, alors même que
j’abonde, renforce, consolide, blatère sur ces plumes (et entretient le plumeau
du paon Vailland), c’est… Je vous ai compris, vous m’avez compris… Nous
devrions avoir (aussi) d’autres préoccupations. Get a life !
Oui, mais… Qu’auraient été nos vies sans des existences antérieures
dont nous eûmes quelques connaissances ? Modèles et contre-modèles ?
Et qu’aurait été notre vie si nous n’avions lu ni Céline, ni Vailland, ou
Kessel, ou Cendrars, ou Darien, ou Maurras, ou… ou… ou… La « Génération
Petit Prince » (de Saint-Exupéry) aurait-elle été ce qu’elle fut, ou reste
pour ses survivants ?
Tiens, au fait, Céline a-t-il bavé sur Saint-Ex ? Il
faudrait vérifier dans sa correspondance… Le postulant interne d’opérette-comique
troupier de l’Occupant (il chercha à se faire nommer auprès des pompiers de
service de l’Opéra-comique) rêvait aussi de se réincarner « à quatre
pattes ». En chien hargneux ? En mâtin malfaisant ?
Moins subjugué par Vailland que le passé, devenu limite
irrévérencieux (mais je plains qui n’aurait jamais admiré quiconque…), j’admets
qu’on puisse, comme Philippe Djian, préférer des (non tous les...) livres de
Céline à ceux de Vailland, ou Bukowski à Ignace de Loyola, Bouvard à Pécuchet,
&c. Mais là, Vailland-Céline, c’est une histoire d’hommes plus que de littérature…
Thèse, antithèse… Synthèse : comment revoir nos passés
et préfigurer l’avenir qui nous reste sans repères ? Littéraires. Dérisoire, cet énième
essai sur le sujet d’Andrea Lombardi ? Retour sur le futur de Cesare Battisti… Qui n’a
« même pas eu besoin de mentir à
certains » (dont moi-même, qui resta nonobstant circonspect, me
prononçant non sur l’individu, mais sur l’amnistie dont il bénéficia en France,
l’approuvant). Nous serions-nous couchés comme Céline, levés comme Vailland ?
Céline (ou Brasillach, Drieu…) et Vailland. Qui, peut-être,
dut aux circonstances et fréquentations de se retrouver « du bon
côté ». Mais qui opta, s’engagea… Risqua. Tandis que… Ne pas diaboliser
« tout » Céline, soit. Ne faire de Vailland que ce qu’il fut parfois
pour chanter les laudes de Céline, c’est petit. Pas superflu nonobstant, et (je
vérifierais peut-être en lisant Lombardi), ni anodin, ni totalement
dispensable… Mais quand même…
Quand je lis, dans Pangea (“Rivista avventuriera
di cultura & idee”), au-dessus de la signature de Martino Cappai, une
présentation du livre d’Andrea Lombardi — illustrée de pas moins de quatre
photos de Céline, d’aucune de Vailland — un « qui se souvient
aujourd’hui de ses [Vailland] écrits ? », je m’interroge…
Pourquoi se souvenir davantage de ceux de l’aventurier en chambre (ou contraint
de fuir pour s’aventurer…) que de cet autre, combattant, correspondant de
guerre, &c. ? Dura lex, sed legge… Qui se souvient en Italie de
La Loi ? Ah oui, le film… Martino Cappai se le remémore vaguement peut-être…
Je lis ailleurs : “suoi romanzi, ora quasi
dimenticati” (article non signé sur le site Barbadillo, “Laboratorio di
idee nel mare del web”). Cela va plus loin : selon Il Primato
Nazionale (“quotidiano sovranista”), Vailland aurait été « un
résistant mythomane » (propos d’un certain Giampiero Mughini, repris à
son compte par le signataire, Adriano Scianca. D’accord, l’idée de liquider
Céline est peut-être venue après coup à Vailland ; mais en faire un
Résistant d’auto-appellation, affabulateur invétéré, c’est un peu fort… La NRS
(Nuova rivista storica, « revisionista » aussi ?), évoque « l’écrivain
Roger Vailland, aujourd’hui inconnu », stipendié par « les
services secrets soviétiques ». Mais au moins, la NRS et Allensandro
Gnocchi, du Giornale, évoquent Hermann Bicker, colonel SS, qui réfuta
très nettement ce que Céline dicta à son avocat, soit qu’il se couchait à sept
heures du soir, ne recevait jamais personne rue Girardon, &c. C'est déjà cela. Vailland-Céline, un partout (sur ce point de savoir si, oui ou non, Vailland tenta de l'exécuter). Mais ailleurs, il n'y a pas photo : Vailland l'emporte.