Tout opposant à Trump classé anarcho-communiste
Michael Goodwin, du New York Post (groupe
Murdoch) vient de décréter que le New York Times était devenu un repaire
d’ultra-gauchistes… Il s’agit en fait de conforter la stratégie électorale de
Trump : Obama, les Clinton, les Bush même, et bien sûr Joe Biden ne sont
plus des socialo-communistes mais des terroristes ultra-gauchistes.
Le
prétexte n’est pas mauvais. Certes, le New York Times a publié une tribune
libre du sénateur (républicain, Arkansas) Tom Cotton approuvant Donald Trump
voulant envoyer l’armée disperser les manifestants mobilisés par la mort de
George Floyd. Mais la rédaction du NYT, le 5 juin, avec un éditorial du
redchef, Dan Baquet, a présenté ses excuses au lectorat : la publication
fut trop hâtive, des propos du sénateur auraient dus être assortis de mises au
point rectificatives.
C’est
un peu comme si Le Monde avait offert une tribune à Christan Jacob
déclarant que qui proteste contre les violences policières en France est soit
un malfrat, soit un anarcho-bolchévique, et qu’il faut tirer dans le tas. Puis
qu’un éditorial précisait que, non, tout manifestant n’est pas « un
prétendu manifestant », que oui, une fraction des forces de l’ordre
est manifestement raciste. Que non, les chars et autres blindés, les
hélicoptères de la gendarmerie mobile ne doivent pas disperser les manifs à
coups d’obus et de bombes.
Pour
Mitterrand, de son temps, Le Monde était un repère de « cathos
de gauche » (rapporté par Jacques Attali dans son Verbatim, t. 3). Pas tout à fait des terroristes léninistes, donc, mettons, pour adapter au
goût du jour, des droitsdelhommistes un peu niais. Pas vraiment des journalopes
à la solde du Kremlin ou de Pékin, ou des séides de Pol Pot, le Kim Jong-un
cambodgien.
Mais,
comme on dit, padamalgame, pas de parallèle abusif… Du moins quant aux propos
de Christian Jacob qui n’a pas plagié les propos du sénateur trumpiste Tom
Cotton dénonçant des élites excusant « une orgie de violence »
histoire de faire preuve de radical chic.
Pour
le reste, oui, tout opposant à Trump est devenu à ses yeux un traître à la
solde de la dictature communiste chinoise qui a sciemment propagé le covid et
sabote à coups d’attaques informatiques toute recherche occidentale visant à
mettre au point un vaccin. Un traître, donc, un criminel relevant du poteau
d’exécution.
La
presse Murdoch, qui a tout fait pour accréditer l’hypothèse que la Chine ait
intentionnellement créé le virus va sans doute embrayer.
Titrer,
comme l’a fait le New York Post (NYP), « les gauchistes contrôlent
étroitement le New York Times », n’est sans doute qu’un premier
ballon d’essai. Pour le moment, ces gauchistes ne sont pas déjà rémunérés en
sous-main par Pékin. Mais les fomenteurs des manifestations rassemblant des
« masses orgiaques » (autre édito du NYP) qui répandent
le virus que combat si efficacement Donald Trump, ne vont pas tarder à être
qualifiés de complices de Pékin.
J’exagère ?
À peine. Ils n’en sont pas loin.
Pas
d’importance, les États-Unis, c’est loin. Pas tant que cela, et si cette
stratégie aboutissait à la réélection de Trump, croit-on vraiment qu’un
Christian Jacob, un Éric Ciotti se dispenseront d’en tirer des enseignements
féconds ?
Là,
oui, j’exagère. Mais on peut se demander si les initiatives de Jacob et Ciotti
ne sont pas des « ballons d’essai », histoire de tâter le terrain.
D’aller demain un peu plus loin.
Il
serait outrancier d’avancer qu’après avoir demandé que tout visuel de policier
ou gendarme soit flouté avant diffusion « dans l’espace médiatique »,
Ciotti recommanderait que de tels visuels ne puissent jamais être transmis, non
floutés, aux autorités ou, le cas échéant, aux jurés. Ciotti n'a pas déjà réclamé l'impunité automatique. Ni ne l'a même sous-entendu.
Ce
qui m’avait choqué dans le visuel du policier Chauvin humiliant Floyd, c’était
son sourire de profonde satisfaction qui pouvait être interprété comme une
manifestation d’extase sadique.
L’outrance
inverse serait de faire du groupe Facebook TN Rabiot Police
Officiel (3 %
des effectifs) le reflet de l’ensemble des forces de l’ordre. Ou même de
présupposer que des membres de ce groupe, y compris ceux tenant des propos
« discutables », voire enfreignant lois et règlements, se livreraient
systématiquement à des « dérapages » (doux euphémisme employé par
Christian Jacob pour qualifier des actes que d’autres définissent violences
policières).
Comme
la plupart de la population française — dont j’estime être partie prenante — je
me sens comme ce commerçant auquel George Floyd avait refilé une billet de 20 USD contrefait :
très content de voir arriver la police, atterré de voir un Chauvin humilier le
délinquant de la sorte.
J’ai
même savouré le cinglant billet
de Nathalie Bianco dans
Marianne défrisant Camélia Jordana qualifiée de « nouvelle égérie de
la France “anti-flics” ». Titré « Camilia Jordana : ras-le-brushing de
la posture victimaire ». Lequel billet est peut-être d’ailleurs excessif. Mais fort bien enlevé.
En
très clair : je suis bien content de voir passer dans ma rue une voiture
de police, surtout lorsque je constate que toutes les petites vitres des
portières de l’avant d’une quinzaine de voitures ont été brisées pour faucher
tout ce qui pouvait l’être à l’intérieur.
Il
ne s’agit pas non plus de renvoyer dos à dos « anti-flics » et la plupart des
syndicats de police toujours prêts à soutenir tout policier, quoi qu’il ait
fait, pour obtenir des votes et des permanents supplémentaires.
Ce
que reproche aussi Michael Goodwin (NYP) à l’ensemble de la rédaction du NYT, c’est
de mélanger factuel, reportage, et expression d’une opinion. Soit d’enfreindre « l’une
des traditions fondamentales du journalisme ». Soit : le terrain s’en
tient aux faits, les éditorialistes commentent. Ou l’étanchéité entre la newsroom
et “the editorial and op-ed pages” (les éditos et les tribunes libres).
Or,
que lis-je dans Le Figaro de ce jour ? « La police des polices
chargées d’un nombre inédit d’enquêtes en 2019 ». Soit un papier reprenant
une enquête de l’AFP : +41 % de saisines de l’IGPN sur un an. Une
IGPN chargée de faire le tri entre « allégations » et saisines
pouvant conduire ou non à sanctions (une douzaine de policiers susceptibles de
faire l’objet de poursuites judiciaires, selon la directrice de l’IGPN). Je ne
commente pas, je répercute.
Mais
cela mérite cependant commentaire. La rédaction « avec AFP »,
emploie les termes de « violences illégitimes », et « violences
policières ».
Or,
selon Christian Jacob, « les violences policières en France n’existent
pas ».
Par
conséquent, le Figaro véhicule des intox, des fake news ? Et
lorsque Marianne rapporte « Échanges racistes : six policiers
de Rouen renvoyés en conseil de discipline », à la suite de Mediapart et
d’Arte Radio ou Paris-Normandie, s’agit-il de manœuvres d’une lame
press ? Le risque d’un « amalgame invraisembable »
(Christian Jacob à propos des polices française et étasunienne) commence-t-il à
poindre ?
Verra-t-on
bientôt les rédactions françaises intimées de qualifier de « masses
orgiaques » tout rassemblement déplaisant aux sieurs Jacob et Ciotti ?
Je
ne saurais reprocher au Figaro d’avoir répercuté les propos de Christian
Jacob tenus lors de l’émission « Le Grand Rendez-vous ». Mais cela
remémore un peu trop la fameuse boutade de Woody Allen sur la presse : « un
quart d’heure pour Hitler, un quart d’heure pour les déportés ». Le
Fig’ fit suivre cet article d’une accroche « Mélenchon juge les syndicats
de police “indignes” ». Damien Abad (LR lui aussi) avait estimé qu’il n’y
a pas « de racisme instutionnalisé et organisé » par la police
ou la gendarmerie, mais sans réfuter que puissent être observés « des
excès » et « des dérives indidividuelles », sans exclure
qu’ils puissent être sanctionnés. Dont acte.
La
Dame grise (du fait de la façade de son immeuble, le NYT est surnommé The
Gray Lady) se voit donc reprochée d’avoir viré au radicalisme le plus
virulent, de publier « une brochure de propagande » (sous-entendu :
anti-Trump). Depuis, le rechef des pages des tribunes et son adjoint ont
accepté une mutation.
Ce qui me semble sûr, c’est de n’avoir jamais
vu, lu ou entendu que des journalistes se soient groupés pour tabasser un ou des
policiers, mais que l’inverse s’est vérifié. Je me souviens aussi que lors des
septennats Mitterrand, il était reproché à la presse de monter en épingle la
grogne des gendarmes revendiquant de meilleures conditions de travail. La
profession est à présent accusée par certains de servir la soupe aux syndicats
de la police. De temps à autres, pour paraphraser Nathalie Bianco, on en a
ras-la-coupe en brosse, le carré, ou autrement.
P;-S. — j'ai bien noté, dans Le Figaro, la tribune de Fabien Vanhemelrych, SG du syndicat policier Alliance « Ne faisons pas croire que la police est raciste ». Je ne vais pas supputer qu'il s'agit de ne pas désavouer frontalement le ministre de tutelle et de « coller » à son discours. Il s'agit bien d'un rappel à la responsabilité des ttroupes. Dont acte. Mieux vaut tard que jamais. Ces propos mesurés tranchent avec le ton antérieur, le déni quasi systématique. Tant mieux.
P;-S. — j'ai bien noté, dans Le Figaro, la tribune de Fabien Vanhemelrych, SG du syndicat policier Alliance « Ne faisons pas croire que la police est raciste ». Je ne vais pas supputer qu'il s'agit de ne pas désavouer frontalement le ministre de tutelle et de « coller » à son discours. Il s'agit bien d'un rappel à la responsabilité des ttroupes. Dont acte. Mieux vaut tard que jamais. Ces propos mesurés tranchent avec le ton antérieur, le déni quasi systématique. Tant mieux.
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