Le
site du « Grand débat national » (granddebat.fr) permettra
« à compter du
21 janvier » de recueillir « les contributions des Françaises et des
Français »… Contributions individuelles, donc, peut-on espérer, et au traitement conforme
au règles de la Cnil. En voici une : sanctionner lourdement tout détenteur
d’une autorité ou d’un mandat électif public pris en flagrant délit de mensonge
délibéré…
Quelle est la différence entre l’eurodéputé Bernard Monot
ayant engagé la crédibilité du chef de file de sa formation, Nicolas
Dupont-Aignan (Debout la France), et un Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur,
risquant une affirmation contestable ? Rappel des faits…
Bernard Monot (ex-Front national, DLF), eurodéputé, affirme
qu’Emmanuel Macron fera « repasser l’Alsace
sous gestion allemande : la langue administrative sera l’allemand. ».
Bien sûr, Bernard Monot sait fort bien qu’à la suite de l’adoption du traité d’Aix-la-Chapelle
(Aachen), le hochdeustch ne sera pas
imposé aux Alsaciens, pas davantage que le luxembourgeois aux Lorrains.
Il
saisit tout aussi bien que les destinataires de son mensonge en surajouteront :
pour les uns, Macron aura vendu l’Alsace-Lorraine aux Rothschild, pour d’autres
à George Soros, si ce n’est aux Martiens. Monot se fait ensuite oublier (retire
sa vidéo délirante) dès qu’elle est largement répercutée ; car il est conscient
que la rumeur qu’il a lancée perdurera.
Christophe Castaner affirme ne connaître « aucun policier qui ait attaqué un “gilet
jaune” ». C’est beaucoup plus subtil… Il pourra toujours affirmer qu’il
était clairement sous-entendu qu’il ne connaissait « personnellement »
aucun individu de cet acabit… Pourtant, depuis l’affaire Benalla, on sait que
le ministre de l’Intérieur visionne les opérations de maintien de l’ordre, au
moins dans la capitale. Bien évidemment, il connaît, car il en a le devoir, les
noms et grades de chacun de ces malfrats en uniforme enfreignant sciemment des
ordres présumés stricts…
Il a peut-être aussi remarqué que les personnes gravement
mutilées ne sont généralement pas des casseurs ou des agresseurs de policiers…
Enfin, certes, il ne s’agit là que d’une déduction hasardeuse qu’il conviendrait
d’étayer en examinant toutes les affaires de ce type traitées par la justice et
surtout, surtout, celles qui ne feront jamais l’objet de poursuites judiciaires.
Simplement, comme l’Ifop – et non une quelconque officine complotiste – a pu l’établir,
il peut être déduit que près de six policiers sur dix ont voté Front national
(peut-être faute de pouvoir opter pour une organisation plus extrémisme à
visées dictatoriales). Par conséquent, n’ignorant pas que des « camarades »
civils sont mêlés aux « gilets jaunes » les plus violents, 60 %
des policiers (peut-être un pourcentage moindre de gendarmes mobiles)
viseraient, pour mutiler, en priorité des retraités, des femmes, des enfants… D’une
part, cette phrase est au conditionnel qui s’impose, d’autre part ce
raisonnement est infondé, abusif (même s’il ne peut être exclu que l’un ou l’autre
agisse de la sorte, reste impuni ou plaide l’incident involontaire), et enfin,
je ne suis investi d’aucune autorité publique… Ce qui ne m’empêche pas de m’efforcer
de respecter une déontologie journalistique, et par conséquent, énoncer que ce
qui est exposé ainsi n’est que supputation déplacée.
Violences populaires, violences
policières
En revanche, en divers entretiens (Le Monde, France Info…),
le journaliste David Dufresne, qui recense les violences policières, est formel.
Il est fait abondamment usage des grenades GLI-F4 et des munitions LDB 40,
en tout connaissance de cause pour certains éléments policiers. Car des
journalistes, conspués et violentés par des – et non tous les – « Gilets
jaunes » (souvent des faux-nez, des nervis du totalitarisme), le sont
aussi par des membres des forces de l’ordre. Collusion ? Complicité active
entre certains policiers et certains manifestants ? Christophe Castaner peut-il
formellement l’exclure, et exposer dans le détail ce qui l’amène à nier cette
éventualité ?
Ce qui est certain, établi, attesté, vérifié, c’est que nos
distingué·e·s parlementaires, lors des auditions de l’affaire Benalla, se sont très
majoritairement peu penché·e·s sur les violences policières, et beaucoup sur
les dysfonctionnements du dispositif de sécurité présidentiel… Bref, c’est ce qu’on
nomme mentir par omission…
Il faut donc faire la part des choses : mensonge éhonté,
mensonge subtil, mensonge par omission, et mensonge involontaire… (et mensonge à
destination de l’étranger justifié par les intérêts supérieurs de la Nation). Ma
contribution au « Grand Débat » n’ira pas jusqu’à proposer une
graduation des peines (du simple rappel à la loi jusqu’à la réclusion avec
peine de sûreté incompressible, lourde amende, privation à vie des droits
civiques et pourquoi pas relégation à Cayenne ou, mieux, sur un îlot au large
de Petite Miquelon). Mais si tout détenteur d’une autorité élective publique
(élu municipal, cantonal, régional, national), tout membre du gouvernement,
secrétaire d’État ou ministre, se livrant sciemment à de l’infox (néologisme fondé
sur information et intoxication), était immédiatement démis de ses fonctions
(et bien sûr privé d’émoluments, d’avantages de fonction), je crois que cela
illustrerait bien la nécessaire exemplarité de la sanction qui s’impose. Pour
le président, c’est sûr, juré-craché, il ne ment que pour désarçonner et duper
l’ennemi, donc la question ne saurait se poser.
Cela éviterait peut-être que j’avance sans l’avoir
profondément vérifié que Nicolas Dupont-Aignan s’est bien gardé de désavouer
Bernard Monot. Tout ce que j’ai pu constater, c’est que la page Facebook du dit
eurodéputé ne fait pas été de son limogeage de DLF et que celle de N. D.-A., ce
jeudi 17 janvier 2019 à midi (heure de Paris), ne comporte pas de désaveu des propos
du sieur Monot. Dans ce cas, comment le simple adhérent de base ne se sentirait-il
pas incité à diffuser de fausses nouvelles ?
Cela vaut aussi pour Emmanuel Macron dont il ne m’est pas
apparu qu’il ait déploré publiquement qu’Alexandre Benalla (qu’il connaissait
finalement assez mal, admettons) ait frappé des manifestants. L’exprimer ainsi
ne présuppose pas qu’il ait apprécié ou approuvé en son for intérieur les
agissements du sieur Benalla. J’ajoute qu’on ne l’a pas encore vu, à ce jour,
molester lui-même un journaliste ou indiquer à d’autres sbires de le faire.
Délit de « bonne
bouille »
En revanche, peut-il vraiment ignorer tout des quelque
deux-mille blessés du fait des réactions des forces de l’ordre depuis l’acte 1
des « Gilets jaunes » ? S’est-il inquiété de la centaine de blessés
graves, estropiés, handicapés à vie (mains arrachées, yeux explosés,
traumatismes irréversibles) ? Pour David Dufresne, « on est dans le mensonge d’État » et
il estime qu’il faut remonter à 1961 « pour
arriver à un tel déchaînement — sans comparer la situation actuelle avec les
morts de la répression au métro Charonne et les Algériens jetés dans la Seine. ».
En fait, la comparaison avec les grandes grèves dans les mines, la sidérurgie
et la métallurgie de fin septembre à début décembre 1948 serait presque judicieuse
(mais il y eut plusieurs morts côté manifestants ouvriers ou porions et contremaîtres
, puis, dans Action et L’Humanité Dimanche, l’écrivain Roger Vailland
faisait état du slogan CRS-SS lors des grèves de 1954). Admettons que la
volonté d’estropier en visant plein front ou pleine mâchoire ne soit pas
formellement établie (en cas de poursuites judiciaires, tout policier pourra
plaider qu’il visait ailleurs, qu’il fut bousculé, et il ne sera pas ici
supputé que les enregistrements vidéo disparaîtront avant de parvenir aux
greffes).
Ah, je démens formellement avoir eu l’intention d’insinuer
que des policiers aux opinions d’extrême-droite ont soigneusement sélectionné
leurs victimes en s’abstenant de viser les casseurs. Simplement, je viens de
visionner le compte Twitter de David Dufresne intitulé « allo @Place_Beauvau
– c’est pour un signalement ». Quelques images de lycéennes, de jeunes
gens blessés font fortement songer au « délit de bonne bouille ». Bref,
du tir « au faciès » ? Cela étant, d’autres images pourraient
aussi laisser supputer que des policiers d’opinions très à gauche aient pu
faire de même, et tirer des « gueules de faf ». Ambiance dans les
casernes et les buvettes ou salles de repos…
Impossible « part des
choses »
Cela étant, je conçois qu’il y ait des bavures
involontaires de la part de policiers et de gendarmes. Je veux simplement
espérer que ce ne seront pas ceux-là qui seront les plus lourdement sanctionnés
(si sanctions il y avait). Histoire de fournir quelques exemples, et faire
oublier le comportement du commandant Didier Andrieux à Toulon (dont il est
peut-être, non pas admissible, mais explicable, que, roué de coups par des
« Gilets jaunes » auparavant, il ait perdu son sang-froid). Sa
défense est du même ordre que celle de l’ex-boxeur Christophe Dettinger (qui,
lui, reste en détention provisoire jusqu’au 22 janvier prochain, voire au-delà…).
Bien, pensez ce qui vous voulez de ce qui précède… Simplement,
n’espérez pas, que vous soyez de la police, de la gendarmerie, ou de ces
prétendus « Gilets jaunes », me coincer lors d’une manifestation ou d’un
nième « acte » : désormais, mais ce n’est pas tout à fait nouveau
ou inédit, les journalistes sont pris entre deux feux. Trop risqué à mon âge. Et
tiens donc, je n’ai pas entendu non plus Jean-Luc Mélenchon le déplorer…
Menteur par omission ?
Non pas pour faire « la part des choses », mais
simplement saluer au passage Bruno Vincendon, responsable syndical Alternative
Police CFDT, je conclus ce paragraphe par sa déclaration : « Nous, forces de l’ordre, nous déplorons
toutes les victimes ». De toute façon, les seules manifestations qui
ne suscitent pas d’hostilité de part et d’autre envers la presse sont celles où
il ne fut pas constaté de violence, ni d’un côté, ni d’un autre…
94 contre 6
Jean-Luc Mélenchon, Bernard Monot, tant d’autres, et la
plupart des complotistes, ne sont pas tendres à l’égard de « la presse »
(sans trop faire la distinction entre journalistes de terrain, éditorialistes,
patrons de presse, &c. ; mais si aucun « Gilet jaune » ne s’en
est pris à Bernard Tapie, patron de presse, d’autres ont agressé des
journalistes à Marseille). C’est pourtant dans le fort peu gauchiste hebdomadaire
Valeurs actuelles que je trouve ce
bilan : 94 manifestants gravement blessés selon Libération, six cas d’infirmités permanentes côté policiers, selon RTL. Et cela sous le titre « Il
dénonce des violences policières et meurt en prison le lendemain »
(affaire signalée à Angers par Ouest-France
et Le Courrier de l’Ouest sur laquelle
je ne saurais me prononcer, ni en un sens, ni dans l’autre*).
Mais, comme chacun sait, on peut faire dire diverses choses aux chiffres…
De même, s’il serait plus que souhaitable, soit nécessaire,
que des élus et membres du gouvernement ne puissent rester en place après avoir
proféré des mensonges en toute mauvaise foi, on peut se demander si les
autorités ayant pris la responsabilité de confier des armes telles les GLI-F4
et LDB 40×46 à des personnels non-formés à leur usage jouiront ou non de l’impunité.
J’éprouvais, à juste titre, de la sympathie pour le maire de Forcalquier, je ne
veux pas lui imputer la décision déterminée d’avoir fait fournir ces armes à
des policiers non aguerris au maintien de l’ordre, tout en mesurant les
conséquences prévisibles. Je veux imaginer qu’il soit resté dans l’ignorance de
l’avis d’un ancien ministre de l’Intérieur, Jacques Toubon, qui devenu défenseur
des droits, considère qu’un tir de LBD est « susceptible de blesser grièvement un manifestant. ». Mais à
présent, il ne peut plus faire semblant de ne pas savoir…
Réglera-t-il vraiment proportionnellement autant que nous,
simples contribuables ou cotisant à des mutuelles, le coût, pour les hôpitaux,
la Sécurité sociale, et la caisse d’allocation aux adultes handicapés, d’au
moins une centaine de blessés très grièvement (et de beaucoup davantage de
traumatisés parmi les policiers, manifestants et passantes ou badauds,
nécessitant des traitements de longue durée). Coût auquel s’ajoutera celui des
frais et indemnités judiciaires.
Au-delà, la question est tout simplement : a-t-il été
décidé de dissuader de manifester, non pas seulement en interpellant en amont
des lieux de rassemblement, mais en prenant le risque d’autant de blessés ?
Question à laquelle Christian Castener devrait répondre… en tentant de…
paraître sincère.
* faute de recul, de vérification scrupuleuse,
documentée ; mais on en arrive au point où ne pas se prononcer est bien la
preuve de sa duplicité, d’une volonté de masquer, pour les uns, et se prononcer
l’évidence patente d’une autre forme de malignité pour les autres… Ce n’est pas
nouveau… En revanche, quand la police fait bien son travail, à présent, on l’applaudit,
et c’est nouveau ; quand on est satisfait de la couverture de presse, c’est
bien le moindre qu’on puisse en attendre.
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