1ère Université
du féminisme : un programme « chamboulé »
Bizarre, bizarre : le programme provisoire et le
définitif de la Première Université du féminisme (ou plutôt « des » féminismes),
organisé par le secrétariat d’État à l’égalité H/F, ont quelque peu divergé. L’intervention
en coulisses du Strass (Syndicat du travail sexuel) et de sa
secrétaire-générale, Mylène Juste, ne fut donc pas qu’accessoire. Explications…
Ces 13 et 14 septembre 2018 s’est tenue la Première Université
du féminisme sous l’égide de Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Sur le fond,
inutile de s’appesantir longuement… Les propos recueillis par Anthony Cortes,
de Marianne (sur marianne.net),
publiés sous le titre « Militante ou secrétaire d’État :mais à quoi
sert vraiment Marlène Schiappa ? » résument fort bien ce qu’est en
fait cet événement. Mais il convient aussi de mettre l’accent sur l’intervention
de Mylène Juste, organisatrice du Collectif des Femmes de
Strasbourg-Saint-Denis (pour situer, des travailleuses du sexe du haut de la
rue Saint-Denis, bien connue des agriculteurs en goguette du Salon de l’Agriculture)
et secrétaire générale du Syndicat du travail sexuel sur Mediapart. Elle est intitulée « Université d’été du féminisme, le
règne de l’entre-soi ». Cette contribution, qui devait initialement être
une tribune libre publiée sur le site de Mediapart,
a été reléguée par la rédaction dans l’espace des blogues-notes, mais mise en valeur
en page d’accueil.
Par exemple, et cela n’a rien d’anodin,
l’après-midi du 13 septembre devait donner lieu à une prise de parole sur le
thème « Féminisme et prostitution ». Sous la forme d’une «
carte blanche à Yaëll Mellul, avocate
féministe ». Or, entre les 9 et 13 septembre a circulé un communiqué
suivi d’un post-scriptum s’étonnant : «
cette dame (…)
se présente
plus fréquemment en tant qu’ex-avocate démissionnaire du barreau de Paris ».
Signalant aussi qu’elle fut associée de fait avec François Pinada, un
consultant un temps interdit d’exercice de direction-gérance de sociétés, «
se proclamant comportementaliste ou
profiler ». Il était fait aussi état du fait que Yaëll Mellul aurait – le
conditionnel s’impose – interjeté appel d’une condamnation en correctionnelle.
Exit Yaëll Mellul, «
avocate »,
devenue «
féministe, ex-avocate »
peut-être à la suite d’une prise de contact avec le Conseil de l’Ordre et le
bâtonnat. Mais ces qualités énoncées restent quelque peu réductrices… Pourquoi
donc avoir maintenu la présence de cette personne ?
Yaëll
Mellul a été secondée en quelque sorte par Grégoire Théry, du Mouvement du Nid
et de la Coalition pour « l’abolition » (entendez : éradication
progressive) de la prostitution, soit du groupe de pression ayant conduit à l’adoption
de la loi sur la pénalisation des clients du sexe tarifé… Inutile de s’étendre
sur les polémiques tenant à la présence d’Élisabeth Lévy, de Causeur, ou de Raphaël Enthoven :
quelques personnalités en peine de notoriété (ou à renforcer) ont réussi à
alimenter les rubriques « pipeule » de magazines et de quotidiens, cela
n’apprendra plus rien à personne…
Une université=mille
mensualités
En
revanche, il faut relever, au nombre des intervenantes, Ovidie, de « retour ».
Cette ancienne auteure de la maison d’édition La Musardine (collection « Osez »,
les sextoys, tourner votre film X, &c.), est une réalisatrice,
documentariste, et une intellectuelle, courant féminisme hédoniste, qui avait
été – dans un premier temps – conviée, mais déclinât l’invitation. Son
revirement doit sans doute beaucoup à la présence de Grégoire Théry, histoire
de réinstaurer un peu de débat contradictoire dans ce forum. Pipeulisée,
certes, à présent, mais au moins sachant un peu, comme Virginie Despentes et quelques
autres, de quoi « elle cause » (des femmes en général, de pornographie
et de prostitution, entre autres). Certes, une dénonciation rance d’un pseudo-intellectualisme
(ce dont Mylène Juste s’est préservée), sur le mode du « d’où tu parles ? »,
ne sert en rien à faire avancer la Cause. Mais pointer « l’entre-soi »
marquant cette réunion a été quelque peu affaibli par la présence d’Ovidie (d’autres…
je considère Peggy Sastre du nombre), et d’autres intervenantes non prévues au
programme initial. Comme, par exemple, Marie Cervetti, directrice d’un centre d’hébergement,
au contact avec celles dont d’autres « causent » ou plutôt « papotent
sur ». Que Stréphane Chevet, présenté tel un secrétaire national de la
CFDT, mais surtout conseiller municipal du Mans (et avec Marlène Schiappa, candidat
malheureux aux cantonales dans la Sarthe), ait été maintenu au programme n’a
rien de choquant. Il anime Alter Cité (promouvant la laïcité), il est membre du
réseau Maman travaille. Que cette université ait aussi servi à mettre en valeur
quelques personnes proches de La République en marche, ou de possibles relais d’opinion
lui étant favorables, ne doit pas disqualifier l’initiative…
Subsistent
les constats du Canard enchaîné (un budget
prévisionnel de 300 000 euros pour ce raout quasi-mondain en grande
partie), et celui de Mylène Juste : les personnes voulant quitter le
travail du sexe se voient allouer 330 euros mensuels. Soit « juste au-dessus du budget des Français
consacré à un animal de compagnie » et souvent moins que celui d’un
automobiliste consacre à son véhicule… Une université, combien de mensualités ?
Pour les « bénéficiaires » de ces parcours de « réinsertion »
ou tant d’autres (femmes violentées, en extrême précarité...) ?
Je ne sais
si les humoristes ou saltimbanques (Tristan Lopin, Julia Palombe, Rachel Khan,
Noémie de Lattre, Blandine Metayer & consœurs, Titou Lecoq, dans l’ordre d’entrée
en scène ; c’est là un peu « écrire pour Google » mais elles et
ils le valent bien : mes applaudissements), furent ou non cachetonnés
– et zut pour l’écriture inclusive – ou simplement défrayés, mais ce n’est pas
cela qui alimentera fort leurs cotisations de retraite (amputée par la CSG et l’inflation
non compensée). Ce colloque aura été finalement moins simple pince-fesse
qu’initialement envisagé. C’est à minima cela de moins pire…