Roger Vailland sur Belle-Île-en-mer pour la « chasse aux enfants » (1934).
À l'été 1934, une soixantaine de pupilles de la maison de correction de Belle-Île-en-mer s'évadent. Par enfant retrouvé, les pékins (insulaires et touristes) touchent 20 francs par tête (ramenée vivante). Prévert en fera un poème. Vailland (signant Robert François pour Paris-Soir) livre un reportage remarqué par Frédéric Pottecher.
Évidemment, il faudrait retrouver la plupart des papiers des confrères (en 1934, on ne compte que quatre femmes grandes « reporteuses » en vue) pour estimer si Frédéric Pottecher; le neveu de l'autre (Bussang), loua le reportage de Vailland/Robert François à bon escient. Il le trouve supérieur à d'autres car Vailland laisse filtrer que la maison de correction est un bagne, que certains gardiens ne se comportent pas très bien avec les gamins. En fait, Vailland est largement en deçà de la réalité, de la brutalité du régime pénitentiaire infligé, des brimades, &c. Il se concilie même le directeur de la « maison ». Mais bon, expédié à plus de 450 km de Paris, devant embarquer pour traverser sur ce qui n'est pas un Hoovercraft™®, téléphoner son papier pour la première édition de Paris-Soir (article sans doute annoncé par Paris-Midi), eh...
En 1972, je m'intéressais aux « Filles du Bon-Pasteur ». Des « difficiles », selon leurs parents, et les juges pour mineures, parfois. Les religieuses de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur les « tenaient » un peu trop sévèrement pour les « civiles » (monitrices, éducatrices laïques). Mais par rapport aux bagnes d'enfants (mâles) de 1934, cela n'avait plus rien à voir (ni sans doute avec ce que les « bonnes » sœurs irlandaises de l'époque faisaient subir à leurs pensionnaires). Mais je pouvais prendre mon temps (pour un hebdomadaire d'expression locale, Uss'm Follik). Pas la même tombée de copie qu'un Vailland. Donc sur Belle-Île, il ne téléphone pas son meilleur papier (mais peut-être le meilleur d'entre tant d'autres). Mais c'est un bon conteur. Au style, à mon sens, relâché (pour mon compte, à présent bénévole, j'opte pour la facilité maximale, le foutraque assumé, le relu mode survol : donc, rassurez-vous, il resta très loin de ce que je peux commettre).
N'empêche, il aurait pu davantage enfoncer le clou. Oui, mais lui n'est pas Pottecher. Un reporteur n'est pas un éditorialiste. Pas un « Premier Paris » aurait écrit Balzac. Beaucoup de lectrices, encore plus de lecteurs, se prononcent sur les journaleuses et journaleux sans trop saisir les contraintes, les statuts, &c. Dont j'ignore d'ailleurs l'essentiel pour les années 1930. Mais en lecteur lambda, je me crois assez malin pour glisser mon grain de sel (ce qui me rappelle la célèbre blague : « et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti »).
Ce qui me semble pertinent : Pottecher bosse pour un hebdo, Vailland pour un quotidien (à quatre ou cinq éditions/jour). C'est ce qu'il faut saisir en prenant connaissance du PDF (Vailland_Belle_Ile ; reportage sur une maison de correction). Et puis, Pottecher, lui (tiens, on dirait du Isabelle Horlans, le « lui » en incise était l'un de ses tics ; d'ac, là, j'écris pour Google, dropping names), ne doit pas se retrouver devant un sbire lui interdisant l'accès à je ne sais quel supérieur parce que son dernier reportage n'a pas été tendre pour les autorités. Il ne risque pas ce que j'ai pu vivre (« Ah, journaliste ? Eh bien, vous l'avez bien arrangé, le commissaire Untel. Allez hop ! Monte dans le panier, garde à vue... » ; ou encore, six semaines tricard de main-courante, interdit de commissariat ; ce fut plus tard, ailleurs). Pottecher tutoie un ministre (ou un autre), et peut lui dire : « c'est comme cela ou je t'étrille ». Pas Vailland. Dessous des cartes...
Bon, je lasse, je sais... Le prochain, le reportage de Vailland sur la marquise de *** sera plus divertissant... Moins verbeux (sauf si... car tel est mon bon plaisir).
Un dernier mot sur le visuel : la colonie de Mettray n'avait rien à envier à celle du Morbihan. Le type en casquette n'est pas un gardien, mais un chef d'atelier, et le personnage en noir est peut-être un curé (peu de femmes dans ces colonies). Bon, les « assistés » n'ont pas l'air d'être trop mal nutris. Car il fallait qu'ils puissent assurer du rendement...
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