Sur les traces de Roger Vailland à… Azunamento
C’est une chose de lire des articles de presse d’un grand
reporter (et par la suite écrivain) dans un recueil les réunissant, une autre
de les consulter tels quels… Ceux de Vailland à Lisbonne pour Paris-Soir, en novembre 1932, réservent
quelques surprises…
En novembre 1932, venant d’Espagne, Roger Vailland dicte ou
envoie depuis Lisbonne quatre articles à Paris-Soir… J’ai pris plaisir à les retranscrire et en monter les visuels dans
un fichier PDF que vous trouverez en ligne… Mais ils m’ont ménagé des
interrogations…
Je suis
quasiment certain de pouvoir retrouver le terme technique désignant le pataques
produit sur Linotype de la ligne qui suit :
« je me suis
aperçu qu’on est davantage au courant, à Lisbonne, des mouvements littéraires
ou artistiques français les p_sulerdcésdréd_nééyssrn_j_sdrétu_sdr (sic)
plus récents qu’on ne
l’est à Lille ou à Bordeaux. » (voir le commentaire ci-dessous).
J’ai eu beau
me creuser la cervelle, imaginer qu’il s’agissait des plus… je ne saurais dire
(marquants ?), mais ce n’est pas si important. Glissons, comme les doigts
sur un clavier de Linotype qu’il suffit d’effleurer pour composer.
En revanche, la
mention de la localité d’Azunamento, cité andalouse, m’a causé quelques soucis –
qui perdurent – et remémoré un épisode des plus ardus.
La
translittération, dont Serge Aslanoff est l’un des plus éminents spécialistes
pour la langue russe, peut dérouter les traducteurs. J’avais dû traduire vers
le français, pour Patek Philippe Magazine,
un article de je ne sais plus quel auteur levantin, transcrit en anglais par
une ou un collègue… Il traitait de la ligne de chemin de fer – confiée aux
soins d’ingénieurs allemands – partant de la Turquie pour rejoindre Bagdad en
Irak (la Bagdadbahn de 1903 et années
suivantes) puis le Koweït. Je butais sur la mention d’une gare dans une
localité d’Anatolie dont le nom me laissa perplexe… La littérature sur le sujet
(thèses de géopolitique, de polémologie, &c., documents sur le génocide
arménien, guides touristiques d’époque impossibles à retrouver) est abondante
mais nulle carte du tracé exact de la ligne, rien permettant de retrouver le
toponyme actuel… Finalement, depuis son université de Tel-Aviv, le fils de
Serge Aslanoff me confirma mon hasardeuse intuition… Il s’agissait de l’ancienne
appellation arménienne, fort mal translittérée (voire affublée d’une coquille).
La, j’ai bien
cherché, je n’ai pas retrouvé Azunamento (si ce n’est, en tant que nom commun,
dans un document officiel brésilien mal numérisé). Aucune ville frontalière du Portugal,
aucune ciudad comportant des minaretes et mezquitas et desservie par un bac dans la provincia de Huelva (qui compte, de Aroche à San Silvestre de
Guzman, 11 localités frontalières, dont aucune n’aurait eu pour nom antérieur
quelque chose d’approchant).
En revanche l’avocat
Manuel Paula Ventura a bel et bien existé ; il avait porté secours à des
personnes ayant (mal) fabriqué des bombes, et il fut contraint de fuir en Espagne – avec son épouse, Francisca Alves – où il mourut, à Huelva, comme le rapporta ABC dans son édition du dimanche 4 août
1935, soit moins de trois ans après sa rencontre avec Roger Vailland. Une rue d’Olhão (Portugal) porte son nom. Mais Huelva est assez
distante d’Ayamonte, ville frontalière…
J’en suis à me demander si
Vailland, ayant vu une large inscription
Ayutamiento au fronton de la mairie de la ville en question, ne se serait
pas mélangé les pinceaux, comme on dit… Il se peut que Vailland ait emprunté la
partie andalouse de la ruta de al-Mutamid,
mais Huelva (qui ne compta qu’une mosquée transformée en église) ne peut être
cette Azunamento (« ville blanche et
hérissée de minarets comme une cité maure »). Jusqu’à mieux informé
(et toute suggestion est bienvenue), le mystère reste entier…