jeudi 26 novembre 2020

Thanksgiving, commémoration d’un massacre ?

 Banquet ou sanguinaire action de grâce

Angliciste (enfin, ancien…) et non américaniste, je me garderais bien de me prononcer sur les réelles origines de la fête de Thanksgiving. Si la question vous intéresse, je vous laisse poursuivre vos propres investigations.


Bien, Donald Trump, président en exercice, a accordé deux grâces présidentielles en quelques jours. Celle de la traditionnelle dinde (en fait des dindes) de Thanksgiving, et celle d’un condamné le général Michael Flynn, celle de Steve Bannon pourrait suivre. Je ne sais plus qui (Nancy Pelosi ?) a considéré que gracier le général équivalait à attester qu’il avait été coupable. De fil en aiguille, je me suis demandé de quoi la, les dindes de Trump (Carrots, précédemment, et là, Corn et Cob) étaient au juste coupables. De là, j’ai voulu me rafraîchir la mémoire à propos de la fête. J’en étais resté à la vulgate historiographique courante voulant que les Pères pèlerins, aidés par un Indien anglophone, avaient pu survivre grâce à la tribu indigène voisine, leur ayant enseigné la culture du maïs, et rendaient grâce à leur dieu (et non à ceux des Indiens). Me vint alors l’idée de comparer les versions francophone et anglophone de la page Thanksgiving. Sur la page anglophone, je vois bien que les Nations indigènes considèrent cette fête comme un jour de deuil, mais rien sur le romancier Benjamin Whitmer, crédité par la version francophone pour avoir fait remontér la fête à une vengeance ou vendetta entraînant l’extermination d’une tribu voisine, celle des Pequots (ou Mohegans-Pequots) de Plymouth et alentours. Bref, bien avant Custer, les pieux pères fondateurs ne se contentaient pas d’évangéliser. Ils réduisirent les survivant·e·s en esclavage (les enfants étant exterminés car inutiles) ou les vendirent. La page anglophone sur les Pequots ne fait pas non plus état du meurtre du colporteur John Oldham ayant entraîné l’élimination des Pequots. De même, l’entrée William Bradford (en ang.) ne mentionne pas ce que rapporte la page (en fr.) selon laquelle il aurait décrété une journée d’action de grâce pour célébrer la victoire sur les Pequots.

Les deux versions sont conciliables parce que les Pequots ne s’étaient pas fait que des amis parmi les tribus amérindiennes concurrentes alliées des pères fondateurs.

J’ai voulu comprendre d’où ce récit de massacre rapporté par wikipedia.fr provenait. Je suppute que la source en est un article du magazine Géo qui fait état de l’article de Whitmer dans America. L’américaniste Virgine Adane convient que « le fait de savoir si Thanksgiving commémore le banquet de 1621 ou le massacre de 1637 ne fait pas concensus. ». La vérité tient-elle un peu des deux en ce sens qu’elle aurait amalgamé les deux événements ? Je ne me prononce pas.

Ce qui fait concensus, c’est qu’au fil des années, la très pieuse nation des États-Unis a imposé une perception univoque de la fête, il s’agit de rendre grâce au dieu des chrétiens qui a donné (Colomb ou autres n’étant que des mortels) le territoire aux Étasuniens, lesquels sauvent le monde entier (du nazisme, du communisme, et à présent, avec Trump, des démocrates) de tous les périls, par la foi et les armes.

Pour la Trumpland, Donald Trump est l’élu de ce dieu, et il sauvera les États-Unis et l’univers connu (autres planètes incluses) des terrifiants dangers que constituent l’athéisme et ses dérivés économiques et sociétaux. Trump incarne l’éconationalisme, seule réponse aux dérives délétères.

Il subsiste pourtant, dans l’électorat républicain ou s’y assimilant, la faible possibilité que d’autres prophètes puissent remplir son rôle.

En témoignerait un sondage d’Echelon Insights, repris par Breitbart, selon lequel quand même, ils seraient 16 % à vouloir se distancer de Trump et même un tiers à souhaiter que d’autres que lui défendent les thèses de l’éconationalisme. Mais attention, pas question de le marginaliser trop vite, pour 53 %, il doit rester le porte-voix de cette bonne parole. Il s’agit de moyennes et sans surprise, l’électorat n’ayant suivi qu’une formation secondaire est plus trumpiste que celui ayant accédé (peu ou prou) à l’université. On pourra donc toujours compter sur lui pour éliminer ses concurrents et agonir ses détracteurs.

Je n’ai retrouvé qu’une source primaire sur ce sondage, qui ne porte pas sur la pratique religieuse des répondants, lequel laisse aussi penser que la Trumpland doute que le parti républicain reste sous l’emprise de Trump et affidés (ils ne seraient que 13 % à l’estimer). Le devenir du parti ne serait donc pas forcément lié à la devise Trump et son droit. C’est un peu rassurant. Mais le même institut considère par ailleurs que Trump a 52 % de chances d’emporter la primaire républicaine de 2024 (devant Mike Pence ? Ted Cruz et le Donald junior).

Dans son discours accordant son pardon aux deux dindes, Trump a fait diverses fois référence au divin, à la foi, aux prières. En fait, il a davantage fait référence aux Pères fondateurs, ne mentionnant qu’incidemment la tribu amérindienne Wanpanoag. Son discours marque une inflexion de la signification de cette fête. La phrase initiale laisse penser que ce serait dieu qui aurait conféré « les principes de liberté et démocratie » qui rendent ce pays « exceptionnel dans l’histoire du monde ». La fête commémorerait davantage la première moisson qu’autre chose. J’ai bien sûr la flemme de comparer les allocutions présidentielles depuis celle de George Washington d’octobre 1789 (celle de Trump ou de ses ghost writers semble quelque peu pompée sur la lettre de Washington).

Alors que la France véhicule un discours universaliste laïque, les États-Unis en cautionnent certains principes mais les déclarent dons de dieu, donc ne devant pas s’imposer par la raison, mais de par la volonté divine à toutes les nations. Toutefois, Thanksgiving est aussi devenue une fête commerciale. Elle est devenue aussi une fête de la récolte comme une autre (bien qu’un peu plus tardive par rapports aux contrées européennes). Ou une occasion, comme les réveillons, de se réunir en famille ou entre amis. Et puis, la Trumpland ne recouvre pas tous les États-Unis

mercredi 25 novembre 2020

Trump ne désavoue pas Sidney Powell

 Mieux que Qanon, le poulpe.

Le kraken, c’est une pieuvre géante (entre autres significations). C’est aussi une métaphore employée par la juriste Sidney Powell pour désigner l’État profond et une machination internationale pour voler la réélection de Donald Trump. Lequel semble accréditer cette hasardeuse hypothèse.


Reste-t-on en plein délire à la Maison Blanche ou pire, Trump propage-t-il sciemment une nouvelle théorie complotiste afin d’ancrer dans les esprits de ses électeurs que les États-Unis ont été trahis ?

Pour rappel : Trump avait présenté l’avocate Sidney Powell comme partie prenante de son équipe de juristes ; puis cette même équipe avait réfuté cette assertion. Pour Rudy Guiliani et consorts, les piteux conseils juridiques de Trump, Sidney Powell est un électron libre, une indépendante qui mène son combat judiciaire en soliste. Certes, mais hier, Trump n’a pas cessé de relayer des messages sur Twitter accréditant la validité des hypothèses délirantes de Powell et d’un autre avocat, Lin Wood, qui partage les allégations de Qanon. Lin Wood est un frappadingue qui cite des versets des apôtres pour garantir que toute la lumière sera faite sur la fraude électorale, en Géorgie en particulier.

Donald Trump n’a partiquement  pas cessé de relayer des sondages bidonnés (98,9 % de répondants voulant qu’il ne cède pas la place à Biden) et des liens soutenant les allégations de Powell ou Wood.

C’est devenu frénétique. Au point que, pour la première fois depuis des mois, je me suis assez raisonnablement posé la question (non point de la santé mentale de Trump en général, mais d’un accès de démence soudain). En fait, le plus plausible est que Trump fait la promotion de BreitbartNews, d’autres médias lui étant favorables, de Parler (concurrent de Twitter), et bien sûr de sa personne.

Ce n’est pas tout à fait nouveau, mais à ce point, en si peu de temps, 17 interventions sur Twitter, c’est du stakhanovisme. Où mènent les liens ? Vers des textes qui énoncent que le FBI, la CIA et le ministère de la Justice sont pleins de “Treasonous Swamp Rats” mettant leurs pattes sur les États-Unis au profit d’un complot international. Mais que, grâce à Trump, les Forces spéciales vont y mettre un terme, sauver les États-Unis et l’humanité toute entière (je n’invente rien, c’est signé d’une certaine Dianne Marshall qui rédige un obscur blogue-notes Wordpress ; c’est une sorte de prédicatrice portée sur la science-fiction).

Mais la moindre erreur de dépouillement est montée en épingle par les sites pro-Trump, lequel en tire de nouveaux, incessants arguments.

Certes, sa nièce, Mary Trump, une psychologue, maintient qu’il est quelque peu frappadingue. Mais tant que Donald Trump conservera l’impression qu’il est crédible pour ses partisans, ce que divers sondages attestent, il peut valablement estimer qu’il doit entretenir sa base., par tous les moyens, y compris les plus farfelus, dans l'idée qu'il fut en fait réélu. Cela reste une stratégie de publicité, d’autopromotion, et pour une majorité de ses partisans, abonder en son sens revient au même : avoir le sentiment d’exister davantage. Plus il se montre véhément, mieux ils se sentent autorisés à l’être et surenchérir.

Et puis, jusqu’à présent, le Comité national républicain ne s’est pas distancié de Trump. Ce dernier considère que les presque 74 millions de voix obtenues sont sa propriété personnelle et une majorité d’élus républicains considèrent toujours que se départir de Trump reviendrait à se priver de son électorat.

En fait, Trump se sent encore en mesure de choisir ses futurs candidats représentants, sénateurs ou gouverneurs. Il reste surtout persuadé que lui-même, ou son candidat ou sa candidate, emportera la primaire républicaine pour les prochaines présidentielles, en 2024. Dans ces conditions, passer pour un bouffon, un bateleur d’estrade, lui importe peu.

Un sondage Politico-Insight dresse l’état de la désunion des Étatsuniens.82 % de l’électorat Trump a voté pour Trump et non contre Biden prioritairement, et ils sont 79 % à penser que l’élection fut frauduleuse. Quant à Eric Trump, il veut faire croire que presque la moitié de l’électorat (47 % en fait) considère que « les démocrates ont volé l’élection ». Maintenir cette thèse n’est pas une lubie, mais une tactique au service d’une stratégie.

mardi 24 novembre 2020

Trump fléchit en raison d’un Judas du Michigan

Trump fait ses cartons, mais poursuit sa croisade

Quatre délégués électoraux du Michigan (deux démocrates, deux « républicains ») devaient ou non certifier les résultats des élections de l’État. Un Judas trumpiste ayant réuni sa voix avec celles des deux démocrates (l’autre,Norm Shikle, s’abstenant pour dénoncer les fraudes), on connaît la suite. Sauf si on s’en tient au fil d’actus d’Oann.


Je ne vais pas amplifier ce que toute la presse francophone rabâche ce jour : la transition entre le président Donald Trump et « l’apparent » président élu Joe Biden a pu commencer. En gros, Trump a fléchi partiellement, mais il continue à claironner que sa non-réélection fut truquée.

J’ai beau rafraîchir l’écran de la page d’accueil su site d’Oann (One American News Network), je ne vois rien à propos de cette histoire de transition. Breitbart, Newsmax, Fox News minorent certes que Trump a lâché du lest, mais en font au moins état, mentionnent.

Parlons d’autres choses, plus rigolotes. En Floride, un « républicain » a emporté un siège devant un démocrate de 32 voix seulement. Cela, en grande partie grâce à un candidat indépendant reprenant tous les thèmes de campagne du démocrate. Un candidat fantôme, mais doté de fonds publicitaires colossaux, provenant, selon Cnn, d’un membre de l’administration de Trump. Mais ce type de manœuvre serait légal. Dont acte.

Plus drôle, un élu trumpiste promettait un milllion de dollars à qui apporterait la preuve d’une fraude électorale. Un journaliste, ayant déniché qu’un électeur « républicain » avait fait voter sa défunte mère, a réclamé en vain cette prime (il en attend toujours le versement).

RTL répercute une fausse nouvelle, définie telle, qui a fait florès sur Facebook : la police allemande aurait trouvé la preuve de la fraude. C’était un représentant (député) trumpiste du Texas qui avait lancé l’intox avant de se rétracter. Sa page Wikipedia anglophone ne le mentionne pas déjà mais elle mérite d’être lue (notamment ses conceptions de la sexualité des caribous). Gohmert fut un républicain farfelu mais à peu près décent jusqu’à ce qu’il rejoigne le mouvement du Tea Party. Il est l’exemple quasi parfait de ce que Trump lègue à l’ex-parti républicain devenu tendance croupion du parti trumpiste.

Trump n’est pas le seul à maintenir que sa non-réélection fut truquée. Oann continue d’affirmer que George Soros était de la manœuvre. Pour Newsmax, les gains en voix de Biden sont statistiquement impossibles car ne reflétant pas l’essor de population dans les comtés cruciaux lui ayant fourni son avance en voix. Breitbart monte en épingle le trumpiste Garry Palmer (représentant de l’Alabama) qui veut que la Cour suprême se prononce sur la régularité de l’élection.

Quant à Trump, il affirme qu’admettre que le processus de transition soit amorcé « ne détermine qui sera le prochain président des États-Unis. ».

Je disais que les actuels élus républicains proéminents (ou se définissant encore tels) n’avaient été qu’une demi-douzaine, puis près de deux douzaines, à réclamer cette transition, ils seraient à présent une centaine. Cela en laisse suffisamment à Trump pour maintenir son emprise sur le parti. Et puis, il n’a pas simplement fait nommer de nombreux juges à la Cour surprême, il en a placé aussi dans les États fédéraux. Ainsi, le Texas et la Louisiane peuvent à présent légalement refuser de subventionner le planning familial.

Tant que Trump n’aura pas rejoint Mar-a-Largo sur l’île de Palm Beach, sa résidence personnelle, il peut toujours actionner diverses manettes.  Mais il (et si ce n’est lui, ce seront ses fils et affidés) restera influent.

Finalement Rudy Giuliani, le chef de l’équipe judiciaire de Trump, a admis pour Fox News qu’il avait « exagéré un peu » l’ampleur de la fraude électorale qu’il dénonçait à Detroit (Michigan). Mais, même si la sénatrice Shelley Moore Capito (Virginie occidentale) admet la victoire de Biden, elle n’en réclame pas moins que les enquêtes sur la fraude électorale doivent se poursuivre. Elle avait pourtant été estimée « trop libérale » par la tendance Tea Party. Après quatre ans de présidence Trump, elle a compris où se situaient ses intérêts, soit ne pas trop désavouer Trump frontalement.

Pour le moment, le comité d’action politique Save America, (le « fonds de défense de l’élection ») lancé début novembre, continue de recueillir des donations, ce fonds est destiné à financer les campagnes électorales de divers·e·s candidat·e·s. Le comité Trump Make America Great Again reste toujours actif.

Cela peut sembler invraisemblable, mais l’hypothèse que Trump préfère être sorti manu militari de la Maison Blanche le 20 janvier prochain, ne peut être exclue. La toute dernière de Trump en date, a été de se féliciter d’avoir obtenu des vaccins et que la bourse ait enregistré, grâce à lui, un nouveau record. Tout semble indiquer qu’il ne renoncera à s’exprimer en tant que président en exercice qu’à la toute dernière seconde. L’indice Dow a en effet atteint 30 000, on ne sait trop si cela est dû à l’annonce du début de la transition ou à d’autres causes, mais Trump s’approprie cette bonne nouvelle pour les investisseurs pouvant jouer en bourse. Après cette brève allocution, il s’est retiré sans daigner répondre au questions de la presse. Pour  AQndrew Feinber, du quotidien The Independent, les élus républicains n’auraient plus peur de Donald Trump, mais de ses fanatiques. L’ennui, c’est que Trump fera des émules en Europe. 

lundi 23 novembre 2020

Comment Trump manipule les infos

 Le Donald ne promeut que les titres lui convenant

C’est une histoire compliquée de tests de détection de la covid. Mais Trump en a profité pour pousser la fréquentation de Breitbart. Dont le « journaliste » élude quelques aspects de l’affaire.


Souvent, quand le Canard enchaîné sort une exclusivité reprise ailleurs sans en mentionner la source, le volatile ne manque pas de le faire remarquer. Cela, je ne saurais le reprocher à Jake Tapper, de Breitbart, qui cite un long extrait du Washington Post.

Cette affaire est déjà un peu réchauffée, puisque The Hill (autre titre de Washintown DC, pas très pro-Tump non plus) en fait état, tout comme des médias de Baltimore ou d’ailleurs…

En gros, le gouverneur républicain du Maryland, marié à une Sud-Coréenne, commande en Corée du Sud des centaines de milliers de tests covid pour son État. Ils seront décrétés défectueux. Pas par tous les laboratoires, mais quand même. Du coup, il les remplace par d’autres, de même provenance. Les démocrates du Maryland s’inquiètent dans un premier temps du retard de la mise en service des tests initiaux. L’affaire fuite. Cela finit par des articles dans le Washington Post, The Hill et d’autres.

Mais Trump attend que Breitbart traite l’affaire à sa manière pour renvoyer la Trumpland vers ce seul site en assortissant son message d’invectives contre Hogan “Anti-Trump Hero, Rino, Republican in name only, just as bad as the flawed tests”. Pas un mot bien sûr à propos des sources de Jake Tapper et de Breitberg.

Il faut le dire et le redire, tous les arguments dénoncés par les complotistes proviennent (quand ils ne sont pas totalement inventés) de la presse qu’ils dénoncent, la seule à pouvoir employer des journalistes d’investigation ou des secrétaires de rédaction à l’affût de ce qui est publié ailleurs. Le complotisme, c’est de l’habillage, ce que démontre parfaitement, par ses pratiques, Donald Trump. Ensuite, il faut ancrer l'idée que les seules sources dont les complotistes font état sont les seules fiables. C’est ce à quoi Trump s’emploie depuis qu’il a brigué l’investiture républicaine puis a pu accéder à la Maison Blanche.

Ce gouverneur républicain («  de nom seulement » pour Trump) a bénéficié d’une tribune dans le Washington Post (en fait une sorte de droit de réponse, même s’il n’a pas réfuté toutes les informations du quotidien, admettant aussi de fait, par omission, qu’il aurait pu mieux informer son administration de l’efficacité des tests initiaux). Breitbart fait fi de ses arguments.

En tout cas, cela fonctionne, selon le dernier sondage de l’institut de l’université Monmouth, 77 % de la Trumpland considère que l’élection fut frauduleuse et 88 % estiment qu’il est urgent d’attendre avant de se prononcer sur l’identité du vainqueur. Chaque nouveau sondage montre que l’obstination de Trump continue à élargir la base de ceux qui le croient, quoi qu’il fasse ou dise. L’étape suivante, à laquelle s’emploie le clan Trump, en particulier ses deux fils, sera sans doute de faire croire que les élections ayant porté des démocrates à la présidence (Clinton, Obama) étaient tout aussi frauduleuses. Finalement, seule l’élection du Donald, en 2016, n’aurait pas été entachée de manipulations.

La stratégie de Trump consiste en fait à saboter le mandat de Biden, en sachant fort bien que les républicains, y compris ceux qui se sont fort timidement distancés de lui (et il est sûr de renvoyer les autres dans leurs pénates, hors de la Chambre et du Sénat), finiront par lui vouer allégeance. Ni rompre, ni même plier, et la fin (ses intérêts) justifieront toujours tous les moyens. Réélu en 2024 (si ce n’est l’un de ses enfants), il parviendra sans doute à persuader « ses élus » que les États-Unis doivent rompre avec l’OMC (l’Oraganisation mondiale du commerce). America first. Trumpland d’abord.

Pour le deuxième jour de la réunion virtuelle du G20, ce dimanche, Trump a de nouveau écourté sa présence pour retourner jouer au golf, comme la veille. Mais il s’est au moins abstenu de poster un message sur Twitter avant quatre heures après le début de la séance. Il s’est surtout vanté d’avoir réduit la pollution atmosphérique aux États-Unis. On doit bien sûr le croire sur parole.

dimanche 22 novembre 2020

Trump réélu par la Cour suprême ?

De l’infaillibilité de S.-S. Donald Premier

Donald Trump a fait un peu de figuration lors de la réunion virtuelle du groupe G20. Au bout de treize minutes, il twittait sur la fraude électorale, et au bout de deux heures, il laissait les autres chef·fe·s d’États évoquer la pandémie sans lui : il avait golf. C’est ce qui se nomme filer à la donaldienne. Soit en anglais “to take French or Dutch leave’ et en allemande quelque chose comme « prendre congé à la française ».Depuis, il vaticine sur les fraudes électorales multiples.


On ne sait plus trop si Trump croit toujours qu’il a perdu l’élection ou s’il ne veut pas décevoir ses plus fidèles trumpistes, dont ses avocats. Pour lesquels, sa divine parole étant infaillible, il faut à tout prix abonder dans le même sens.

Un titre de Newsmax reprenant les termes de l’avocate Sidney Powell établit cette analogie. En Géorgie, le procès visant Dominion Voting Systems sera « biblique ». Powell établira que Dominion avait déjà faussé la primaire démocrate de 2016 au profit d’Hillary Clinton contre Bernie Sanders. Elle prouvera de même que le prétendu républicain gouverneur de Géorgie, Brian Kemp, fut stipendié par Dominion. Une société, nous apprennent Oann et Breitbart, entièrement infiltrée par des antifacistes. On croit s’enfoncer dans le délire. Pas du tout, c’est une question relevant des fondements de la foi chrétienne. D’ailleurs, comme l’énonce la conférence des évêques catholiques étasuniens, Joe Biden est un apostat, si ce n’est un hérétique puisqu’il ne s’oppose pas à l’avortement.

Tout cela semble dérisoire. Mais si significatif. Voici quelques jours, j’écrivais que le parti républicain n’existait plus et que les éminents républicains s’opposant à Trump se comptaient sur les doigts d’une seule main. Je n’avais pas tort alors (j’évoquais les actuels, non les ex-républicains ayant rejoint le Lincoln Project ou celles et ceux ayant rompu les ponts avec Trump avant son élection). Je dois rectifier aujourd’hui : ils se comptent sur un peu moins des doigts de deux mains (je maintiens, au moins jusqu’à la fin de ce dimanche, cela peut évoluer). Il y en a au moins trois de plus. Dont le sénateur de Pennsylvanie Pat Toomey, la représentante (députée) Liz Cheney, le représentant Adam Shiff. Tous les autres, hormis quelques obscurs seconds couteaux, ménagent au moins la chèvre Biden (qui pourrait éventuellement être déclaré président) et le chou Trump (qui a bien raison de ne vouloir prendre en compte que les votes légalement validés).

Que dit Adam Schiff ? Ce que je répète depuis un moment en d’autres termes. Pour lui, l’ex parti républicain est « devenu un culte ». Culte-relais d’une doctrine trumpiste dont l’un des dogmes, irréfragable, irrécusable pour la Trumpland, reste qu’Obama fut un président usurpateur (un faux pape, tel Anaclet II) car inéligible puisque né à l’étranger.

Pour Schiff, que ce soit par intérêt ou peur que Trump les voue à l’enfer, les trumpistes n’ont plus d’autre choix que de se dire pétris de dévotion. En serait-il de même à la Cour suprême où ils sont majoritaires ?

C’est ce sur quoi mise l’équipe juridique de Trump. Laquelle veut mettre à présent en avant devant cette cour le principe de l’inégalité de traitement. Les électeurs républicains n’auraient pas bénéficié de la même égalité de traitement que les électeurs démocrates, avantagés par des dispositions prises par divers États fédéraux. Il faudrait donc déclarer l’élection nulle, ou que le résultat soit inversé.

Il n’y a pas qu’Oann, Maxnews, Breitbart à relayer la bonne parole trumpiste. Real America’s voice est aussi du nombre croissant des médias ultra-conservateurs donnant la parole à des pasteurs, des révérends, prédicateurs et divers autres bateleurs, et c’est du très lourd. Foxnews est à présent à la traîne et se contente de répercuter les dires de Trump ou de ses avocats (l’un de ses animateurs, Tucker Carslon, ayant émis des doutes sur les preuves de la fraude, la chaîne rattrape le coup et son audience conservatrice). Le New York Post veut bien admettre que le temps est compté pour Trump mais que ses avocats ont toutes les bonnes raisons de continuer la lutte pour les libertés et de dénoncer « la presse corrompue ».

Il n’y eu que le sénateur républicain Kevin Cramer pour accepter un débat (avec Chuk Todd, de NBC Meetthepress) du dimanche — alors que tous les politiciens se précipitent pour se montrer le dimanche — et il s’est bien gardé de critiquer les actions judiciaires de Donald Trump.

Trump est là pour durer, d’une manière ou d’une autre, et un autre sénateur républicain, Mark Meadows, a décidé de ne pas se représenter… pour laisser son siège à Lara Trump, l’épouse d’Eric Trump, en Caroline du Nord, en 2022.

La présidente du parti trumpiste (ex-républicain), Ronna McDaniel, conforte la Trumpland dans l’idée que la fraude électorale a été favorisée. Il y a divers renouvellements à la Chambre et au Sénat en 2022. L’argument risque donc de resservir. Si Biden accède à la Maison Blanche, pendant deux ans, les Étasuniens s’entendront seriner qu’il transforme leur pays en État totalitaire avec un antéchrist à sa tête.

Cela peut sembler exagéré, voire ahurissant. J’aimerai hausser les épaules, me dire que je joue les Cassandre. Je ne m’exagère pas la portée du Comité Trump France. Mais j’avoue redouter une contagion plus générale. La chaîne russe anglophone RT (rt.com) veut bien faire état de « la victoire présumée » de Biden, mais relaie abondamment les accusations de fraude électorale. L’hypothèse de l’élection « volée » de Trump restera sans doute l’un des éléments alimentant la théorie d’un complot mondial (ou pour le moins des puissances dites occidentales).

On se rassurera, car selon le site Axios, sept sénateurs (dont une sénatrice), sept gouverneurs, et onze représentant·e·s du parti républicain auraient reconnu la défaite de Trump sans trop l’assortir de nuances. Je dois donc concéder que mes précédents décomptes étaient trop pessimistes. 25 quand même à ne pas clamer “Trump, Right or Wrong”. Reste à savoir si le prochain Sénat bloquera ou non (presque) toutes les initiatives de l’administration Biden. 

samedi 21 novembre 2020

É.-U. : George Soros et les Clinton auraient bidouillé l’élection

 Giuliani réélit Trump mieux qu’en Corée du Nord

Pour Rudyd Giuliani et Sindey Powell, les avocats de Trump, 80 millions de voix pour Trump ont été transformés en voix pour Biden, grâce à un logiciel (peut-être piloté depuis un vaisseau spatial d’extra-terrestres) concocté par George Soros et la Fondation Clinton. Bref, à les en croire, Trump a été réélu triomphalement, quasiment à l’unanimité.


Forts de multiples dépositions sous serments certaines nominatives d’autres anonymes et devant le rester pour éviter que des antifas meurtriers (comprenez : des démocrates) s’en prennent à leurs personnes, et de la certitude qu’un logiciel mis au point pour assurer la victoire de Chàvez au Venezuela a transformé des millions de votes Trump en votes Biden, les avocats de Trump lui prédisent un second mandat.

Via Breitbartnews (l'ex chaîne de Bannon), j’ai pu consulter l’une de ces dépositions. Une dépouilleuse républicaine a de fait recensé des faits troublants, dénoncé des irrégularités et même affirmé que certains de ses collègues étaient parvenus à convaincre des électeurs de voter Biden. Un autre avocat de Trump, Lin Wood a toutefois concédé que Trump n’aurait remporté que 400 grands électeurs, ce qui en laisserait donc 138 pour Biden (et non pas 306, comme une presse mensongère n’en accordant que 232 à Trump a voulu le faire croire au peuple étasunien). Quand j’ai lu cela sur Oann (une chaîne pro-Trump), et que Lin Wood donnait à Trump une victoire à 70 %, je me suis dit que le compte n’y était pas. Mais ouf, tous les bulletins de vote frauduleux n’ont pas été totalement découverts, donc, que Trump n’ait pas été déjà été annoncé réélu à l’unanimité n’est qu’une question de patience…

Ce serait comique si la Trumpland ne considérait pas que c’est réel. Les élus républicains admettant la victoire de Biden ne se comptent que sur les doigts d’une seule main. Tous les autres tergiversent au mieux ou relayent la voix du maître de leurs électorats. Pour Lin Wood, c’est sûr les démocrates sont aux mains de la Chine, soit corrompus, soit contraints par des chantages, ou totalement complices des communistes. Inutile d’aller chercher plus loin. Lin Wood a déclaré cela sans rire lors du Mark Levin Show et Mark Levin d’opiner. Car pour ce dernier, Biden va brader les États-Unis et « éviscérer les libertés civiles ». Les récalcitrants seront placés en camps de rééducation, affirme-t-il.

Mais tout cela n’arrivera pas car Trump restera à la Maison Blanche.

Trump continue à donner le ton. Sa porte-parole, Kayleigh McEnany, qualifie les journalistes lui posant des questions gênantes d’« activistes ». On pourrait en penser autant de Giuliani et consorts. Oui, mais, le plus étonnant c’est que Giuliani, lors de sa dernière conférence de presse faisant état d’une vaste conspiration à tenants internationaux pour voler l’élection à Trump, s’exprimait depuis les locaux du siège du parti républicain. Ce qui confirme que tout le parti républicain, à l’exception d’une poignée d’élus ultra-minoritaires, donne son aval à Trump et à son équipe rapprochée.

Tump devrait de nouveau s’exprimer, cette fois en mettant en avant un projet destiné à réduire les prix des médicaments.

Son objectif semble, selon un professeur en droit, Alan Dershowitz, de jouer la montre afin qu’un nombre inférieur de grands électeurs pro-Biden puissent se déclarer, puis de porter l’affaire devant la Cour suprême.

On pourrait rire des déclarations de Giuliani et Sidney Powell qui affirment que la compagnie chargée de compter de nombreux votes (cela dépend des États fédéraux) « est la propriété de deux Vénézuéliens qui furent des alliés de Châvez et restent ceux de Maduro, et qu’elle est dirigée par un président qui est très proche de George Soros. ». Il s’agit de la compagnie commercialisant le logiciel Smartmatic. La compagnie Smarmatic emploie effectivement à sa direction deux Vénézuéliens, mais le groupe SGO est aussi dirigé par un lord,  Mark Maloch-Brown, et sir Nigel Knwoles, deux Britanniques. Ce groupe a son siège à Londres. Si on comprend bien, ce serait la City qui aurait bidouillé l’élection. Smartmatic a dû se fendre d’un communiqué affirmant qu’elle est une concurrente de Dominion Voting Systems et que la compagnie n’avait jamais reçu de fonds d’aucun gouvernement. Et même que George Soros n’a pas investi dans le groupe ou la compagnie. Mais il est vrai que Mark Malloch-Brown siège au conseil de l’Open Society Foundations (une ONG fondée par Soros).

On pourrait certes hausser les épaules d’autant que les avocats de Trump visaient autrefois davantage le système Dominion que le logiciel Smarmatic.

On rira moins si Viktor Orbân, Janez Jansa et Jaroslaw Kaczyndsi (soit les dirigeants hongrois, slovène et polonais) perdaient de prochaines élections et mettaient en cause les Illuminatis ou l’État profond démocrate étasunien. On rit déjà moins en voyant le Comité Trump France relayer tous les arguments de la Trumpland. Pour ce comité, actif sur Twitter, Biden est « un vieux pervers sénile ». On rit moins en lisant que Malloch-Brown « a aujourd’hui une cible sur le front ».

L’ »État de Géorgie avait à pein  établi que Biden emportait l’État de 12 670 voix que Trump écrivait que cet écart défavorable était dû à « des centaines de milliers de bulletins frauduleux ». La Trumpland applaudit et l’équipe juridique de Trump déclare que dans deux semaines, elle apportera toutes les preuves. Autre accusation de Trump : les firmes pharmaceutiques ont reculé l’annonce de la découverte d’un vaccin pour qu’il perde l’élection et ainsi ne puisse faire baisser les prix des médicaments. Dirait-il que l’industrie pharmaceutique s’est liguée avec les communistes que la Trumpland serait prête à dénoncer les faux vaccins qui inoculent le communisme. Il suffirait que la Trumpland répande cette fable pour que Trump la reprenne à son compte et l’amplifie, c’est du moins l’impression qu’il donne.

Ce qui n’est pas une fable, c’est que l’actuel vice-président Mike Pence, lors d’une allocution en Géorgie, a promis de poursuivre des actions judiciaires partout jusqu’à ce que tout vote frauduleux ait été débusqué. Il s’est juste gardé de solliciter des dons pour couvrir les multiples frais judiciaires que cela pourra impliquer. Les États-Unis ont passé le cap des 253 000 décès du fait de la pandémie, mais Trump a sauvé la vie de tous les survivants, soutient-il. Que répondre à cela ?

mercredi 18 novembre 2020

Tump a moins perdu que projeté, donc il a « gagné »

Assourdissant silence du parti croupion républicain

Quel mic-mac ! Je vous ai épargné les dérisoires épisodes d’hier puisqu’ils ne changent rien au fond : le Donald fait c’k’il lui plait-plait-plait, pinaille et dit ou fait dire qu’au final il sera prouvé qu’il a remporté sa réélection. Le problème est qu’il ne se borne pas à cela, il décuple aussi son pouvoir de nuisance.


En vrac : Trump s’est appuyé sur l’exemple du Nevada pour prédire qu’il gagnera. En fait, la Trumpland multiplie les déclarations de fraude. C’est parfois une courageuse anonyme qui témoigne sous serment (mais l’anonymat rend la déclaration irrecevable) qu’elle en a vu des verts et des pas mûrs, des choses hautement suspectes à ses seuls yeux. Comme le veut l’adage cujus ou testis unus, ergo nullus. On a aussi vu le gouverneur républicain de Géorgie déclarer que le sénateur républicain Lindsay Graham (un Carolinien méridional) l’avait incité à commettre une fraude électorale de masse ; l’intéressé à rétorqué qu’on avait dû mal interpréter ses propos. Tout cela semble dérisoire au regard des actes de Trump et des réactions qu’elles suscitent dans le clan républicain bientôt réduit au trumpisme rigoureusement aligné.

Trump a donc laissé le champ libre à des compagnies pétrolières et gazières pour exploiter une réserve naturelle de l’Arctique. Aucune réaction du parti croupion.

Il retire des troupes de divers pays. Là, à propos de l’Afghanistan, le président républicain du Sénat, réélu récemment, Kevin McCarty, a soulevé une objection respectueuse. Trump, sachant qu’il pourra toujours compter sur lui s’est préservé de l’insulter frontalement.

En revanche, il purge son administration et renvoie Christopher Krebs, le responsable de la cybersécurité. C'était attendu. Ce qui l'est moins, c'est qu'il ne s'est trouvé qu'un seul sénateur républicain, Ben Sasse, celui du Nebraska, pour protester. On s’attend donc à ce que, comme partout ailleurs, Trump lui oppose un affidé pour empêcher qu’il puisse être un jour réélu.

Même la presse pro-Trump s’est (un peu) lassée des histoires de fraude électorale. Le nouvel angle, c’est de faire emprisonner les Biden (Joe, le père, Hunter, le fils) pour corruption et collusion avec des puissances étrangères : lock’em up ! Newsmax  met cependant en avant que 5 % de l’électorat considère que Trump a remporté l’élection mais que la proportion monte à 52 % parmi l’électorat de Trump. Il ne lui reste plus qu’à convaincre les 48 % restant, et il continue à s’y employer tout en assurant avoir vaincu la pandémie (donc nul besoin de mesures coercitives car liberticides). Un autre sondage plus récent, celui du site Politico/Morning consult laisse penser que 67 % de l’électorat républicain considère ces élections entachées de fraudes ou irrégularités.

Trump limoge, mais il fait aussi embaucher. Ainsi Brian Brook à la tête de l’équivalent de l’autorité des marchés financiers, le gendarme des banques. Il n’a pas réussi à placer Judy Shelton immédiatement à la Fed (la Federal Reserve), mais il ne désespère pas que le Sénat finisse par approuver sa nomination.

Le Michigan disposant d’un délai jusqu’au 13 décembre pour certifier le résultat de l’élection, Trump continuera certainement au-delà (et jusqu’au 20 janvier) de chauffer sa base. Mais il ne fera pas que cela.
Il pourra aussi mettre fin à un moratoire (jusqu’au 31 décembre) des dettes des étudiants emprunteurs, certains très lourdement endettés. Après tout, ils sont minoritaires dans l’électorat trumpiste.

Dans les coulisses, il fait accuser les démocrates de se livrer à du frauduleux tourisme électoral en Géorgie afin de bloquer l’élection de deux sénateurs trumpistes de cet État (il est interdit de voter en Géorgie si on n’a pas résidé un temps suffisant sur place ou si on ne peut prouver qu’on s’y installe durablement). Si les républicains perdaient de ce fait leur majorité au Sénat, Trump pourra hurler à la fraude organisée (il suffira de trouver un cas frauduleux pour assener que ce n’est que l’arbre qui cache la forêt de la corruption démocrate et peut-être obtenir un recomptage des voix le plus lent possible).

Mais en politique étrangère, il peut aussi accélérer la vente de matériels militaires aux Émirats (dont des chasseurs F-35 et des drones). Il peut de même renforcer les sanctions commerciales visant la Chine. Ou donner le feu vert à Israël pour étendre ses annexions. Ou encore décréter que les Houthis du Yémen, combattus par l’Arabie, sont une organisation terroriste (ce qui bloquerait des tentatives de solution négociée par l’administration Biden).

Et puis, il pourra aussi continuer à solliciter des dons pour couvrir des frais légaux (s’il exigeait un recomptage dans le Wisconsin, il lui faudrait trouver près de huit millions de dollars).

Donald Trump et ses fils, Eric et Donald Jr, multiplient les accusations de fraude, laissent entendre que la Cour suprême (à majorité trumpiste) pourrait être saisie, mais ce n’est pas tout à fait l’essentiel. Lequel, outre des décisions économiques ou autre, consiste à élargir encore la base électorale et faire élire davantage d’élu·e·s trumpistes à la Chambre des représentants en 2022. Donald Ttrump, côté cour, joue au golf ou regarde la télévision, mais côté jardin, il lui reste deux mois pour saboter la future présidence Biden, et il saura les employer au mieux de ses intérêts familiaux. Il pourra aussi gracier ses amis en délicatesse avec la justice, comme Steve Bannon que l’on retrouve régulièrement sur des chaînes et réseaux alt-right. Trump a perdu les élections, le trumpisme n'a perdu qu'un épisode transitoire.

lundi 16 novembre 2020

Islam : Mila l’imprécatrice, harcelée mais déterminée

 La liberté de blâmer appartient à tout le monde

Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo et de la jeune dessinatrice Mila, fait état des menaces incessantes dont est victime sa cliente. Puissent ces menaces au moins servir à localiser des islamistes meurtriers mais son affaire incite aussi à la circonspection.


Richard Malka, qui fut l’adversaire de Denis Robert et le copain d’un certain Philippe Val, ne m’est pas trop fortement sympathique. Mais je ne saurai lui reprocher de réclamer que sa cliente fasse l’objet de protections particulières.

Si Mila n’existait pas, une cellule anti-terroriste aurait gagné à l’inventer pour débusquer des candidats à la perpétuation d’attentats au nom de l’islam. Parce que dans l’invective, elle a fait fort et persiste. Après tout, c’est une attitude qui n’est pas condamnée par la loi. Mais cela étant, il y a quand même une différence entre l’invective frontale et l’expression argumentée d’un désaccord.

Je suis tenté de mettre toutes les religions dans le même sac, en tout cas celles se réclamant d’un dieu unique (contrairement à quelques croyances animistes dont les tenants sont au moins sensibles à l’environnement) peuvent donner lieu à toutes sortes d’interprétations fanatiques et coercitives, liberticides. On le conçoit en constatant ô combien l’évangélisme charismatique et le droit à n’importe qui d’être armé sont liés. Il n’y a pas un christianisme, mais des christianismes et les islams sont multiples, variés et même parfois antagonistes (histoire de soutenir qu’on est plus croyant que d’autres, qu’on soutient des fondamentaux qui vous arrangent, ce qui se vérifie en Tunisie avec les dispositions sur les héritages).

Bien, si c’est la volonté de la famille d’une ou d’un défunt de m’associer, en invité, à un service religieux, je ne me défile pas (après tout, si un rite les conforte et ma présence leur agrée, qui suis-je pour leur opposer ce qu’ils pourraient prendre pour un camouflet) ?

La différence entre les caricatures de Mahomet de Charlie et tout autre acte ou prise de position pouvant défroisser des musulmans, c’est qu’ils s’accompagnent d’une argumentation ouvrant à un éventuel (même si impossible) dialogue, et réflexion commune, à un partage de points de vues plurielles.

Mila, dont je viens de voir l’un des derniers dessins sur Twitter (d’ailleurs censuré car scatologique) est suivi d’un communiqué dans lequel elle affirme avoir « parlé de manière constructive et posée sans pourtant renoncer d’évoquer, y compris avec excès, les symboles d’une religion ». Sa mise au point ajoute qu’elle s’attaque « à cette conception extrémiste d’une religion et non pas à tous les croyants. ».

Elle relève, avec quelque raison, que la violence de ses représentions (pouvant être ressenties telles) n’est pas de même nature que des appels à la violence visant des personnes. Effectivement, un commentateur rétorque que des textes religieux « offensent l’intelligence des athées », ce qui ne les porte pas à se livrer à des assassinats, qu’ils soient ciblés soigneusement ou comme on disait, spontex et pouvant attenter à la vie de coreligionnaires (je n’évoque pas d’autres agnostiques ou athées, mais aussi d’autres musulmans, des gens indifférenciés, comme lors de l’attentat au camion, à Nice).

En fait, il s’agit d’une jeune femme de 16-17 ans, une jeune adulte (j’aime à rappeler que les jeunes tambours de la République, âgés de 13-14 ans, avaient alors un peu plus de ce qu’on appelait « du plomb dans la tête »). Peut-être conviendrait-t-il de rappeler à celles et ceux s’en prenant à elle que, peut-être, ayant vieilli, elles ou ils considéreront qu’ils en ont fait d’autres, peut-être des pires, au même âge.

Ce qui vaut d’ailleurs pour quelques estropié·e·s à vie ayant rejoint l’Irak ou la Syrie. Peut-on leur signifier que leur dieu ne leur rendra pas l’usage de leurs membres (ni de leur vivant, ni dans une non-vie ultérieure : je ne suis pas expert en théologie, mais je ne me souviens pas que la résurrection des corps garantit une intégrité physique sur terre ou dans un quelconque paradis). Et puis, faut-il remémorer à celles et ceux lui reprochant de rechercher du brouhaha autour de sa personne que le meilleur moyen d’y contribuer est de cesser de lui répondre, de la prendre à partie ? Ou de la menacer ?

Ok, boomer, dit-on à présent. Selon des sources disputées, Mahomet serait présumé mort à l’âge de soixante-trois ans. L’équivalent d’un Ok, boomer, il l’a dû l’entendre. Peut-être de la bouche d’Aisha, sa plus jeune épouse, allez savoir. Les hadiths largement postérieurs ne le mentionnent pas mais comment pouvoir formellement l’exclure ? Ni vous, ni moi, n’y étions. Ni d’ailleurs aucun de ceux qui lui ont prêté des déclarations. L’énoncer ainsi n’a rien de blasphématoire, sauf si, bien entendu, on se met à entendre des voix divines.

Bien, on va dire que ce qui précède m’a été inspiré par le réchauffement climatique qui risque de clore le débat prématurément. Et rendre dérisoire tout ce fatras sur les blasphèmes et la laïcité.

La Maison Blanche appelle à la désobéisssance civile

 Rebellez-vous clame « l’expert » de Trump, Scott Atlas

Deux États démocrates, Michigan et Washington, ont instauré le confinement. Aussitôt, le conseiller spécial de Trump, le Dr. Scott Atlas, en a appelé à la désobéissance civile : « soulevez-vous ».


Certes, Twitter a censuré les messages du neuroradiologue Scott Atlas, qui appelait à se passer de masques et à désobéir, au Michigan, aux consignes de confinement. Mais pas la presse pro-Tump.  Cette fois, pas de “stand back and stand by”, comme Trump le recommandait aux miliciens des Proud Boys, c’est carrément “people rise up. You get what you accept.”. Absolument pas qualifié en épidémiologie, mais persuadé que l’immunité collective finit par éradiquer les pandémies, ce curieux médecins s’en prend surtout à la gouverneure démocrate du Michigan, Geretchen Whitmer. Celle qu’une autre milice pro-Trump voulait enlever, juger et condamner. Et que Trump, un temps, incendiait jusqu’à plusieurs fois par jour. On peut penser que Scott Atlas, c’est surtout la voix de son maître, le Donald.

Ce dernier n’a toutefois pas repris à son compte le message de son porte-voix, lequel s’est repris en indiquant qu'il ne prônait pas la violence mais incitait à) « manifester pacifiquement » (puis à voter, donc pour changer de gouverneur).

Certes, la conseillère médicale et sanitaire de Joe Biden, la Dr. Vivek Murthy, a considéré que le confinement ne devait être envisagé « en dernier recours ». Ce qui, d’une part, ne l’exclut pas totalement, et d’autre part, ne plaide pas moins pour des mesures moins radicales, parcellaires, mais contraignantes. Ces mesures sont d’ailleurs largement appliquées dans de nombreux États dirigés par des républicains (dont ceux de l’Ohio et du Nord Dakota). Et Scott Atlas se garde bien de les pointer du doigt.

Trump, en revanche, rappelle que les deux vaccins en passe d’être validés l’ont été sous sa présidence. Et aussi du temps du pape ou du Dalaï lama, qui se retiennent de dire qu’un fléau divin peut être repoussé par des prières ou des incantations. Ni, comme Trump se retient de l’affirmer, que le soleil se lève chaque jour grâce à leurs intercessions.

Le Donald continue d’assener que la fraude électorale lui a ravi son second mandat, en Géorgie aussi où pourtant les bulletins sont recomptés manuellement. Les chaînes pro-Trump, Oann et Newsmax continuent à répandre et amplifier ces accusations, mais force est de constater que dans un pays où près de 300 millions d’armes sont détenues par des particuliers, Biden n’a pas encore subi le sort de Kennedy.

Joe Biden, dont la fondation contre le cancer a surtout rétribué grassement d’ex-collaborateurs sans distribuer des fonds à des équipes de chercheurs, ne se voit pas trop violemment pris à partie de ce fait. Les fondations Trump le rétribuaient ou défrayaient ses dépenses, mais il ne peut déjà être avancé que Joe Biden ou son épouse ait profité personnellement de la Biden Cancer Initiative.

Pour le moment, Trump ou ses conseillers s’accrochent à des détails qui ne changeront pas l’issue, notamment en Pennsylvanie où tout en minorant leurs prétentions, ils cherchent un résultat symbolique (faire éliminer des votes irréguliers formellement mais validés après coup par les divers électeurs). Au départ, ils réclamaient que plus de 682 000 votes soient invalidés.

En fait, on en viendrait à se demander si Trump ne s’accroche pas (ou plus) aussi longtemps que possible à la Maison Blanche pour seulement des questions d’ego. Son pouvoir de nuisance pourrait être encore employé à tenter de discréditer des élus républicains lui étant moins favorables que d’autres, et à pouvoir mettre en avant ses partisans les plus fidèles. Dans un récent message, il a fait allusion au gouverneur républicain de l’Ohio, Mark DeWine, qui avait eu le tort de considérer que Joe Biden était le « président élu ». Dans divers États, Trump veut que ses partisans séparent son bon grain trumpiste de l’ivraie tentée de passer des compromis avec les démocrates. Tant que Trump reste le président en exercice, il peut plus facilement chauffer sa base, et même si la « presse éclopée » dénonce ses mensonges, elle les répercute. De nombreux élus républicains sont dans sa ligne de mire et beaucoup d’autres se gardent bien de le fâcher de peur qu’ils s’en prenne à eux. Trump profite aussi du sursis pour recommander des médias lui étant favorables ou inciter à quitter Twitter pour Parler, un autre réseau moins pointilleux sur la nature des contenus.

Cela lui donne aussi le temps de soutenir que, si la pandémie s’étiole ou s’éteint, c’est bien sûr grâce à lui, comme vient de le rappeler sa fille Ivanka qui félicite son père à l’occasion de l’annonce d’un second candidat vaccin. En 1024, elle, l’un de ses frères ou le Donald lui-même sauront claironner que s’il était resté au pouvoir, la pandémie aurait été plus vite vaincue (et bien sûr, sans reconfiner en attendant de vacciner). Bien joué, le bateleur de foire.

dimanche 15 novembre 2020

Séparatisme : QAnon France peut prospérer

 La Chine, bénéficiaire du mouvement QAnonymous ?

Allez, mieux vaut tenter d’en rire. Et si la Chine était la grande bénéficiaire du mythhe QAnon et de ce fait roulerait pour la réélection de Donald Trump ? Tiens, j’ai encore raté une occasion de me faire du flouze…


Un qui finira contrit d’être resté anonyme, c’est le dénommé Q.  Il a laissé d’autres que lui tenter de s’approprier la marque QAnon™. Pour le moment, seuls un Australien et un Allemand sont parvenus à déposer la marque. Mais d’autres sont sur les rangs. Mais les grands bénéficiaires de ce mouvement conspirationnistes sont les fabricants de maillots et d’objets divers chinois. Tout comme ils ont pu engranger des fortunes en fabricant les supports de base de la paraphernalia, l’attirail MAGA.

La plupart des partisans de Trump se sont rués sur des objets, des vêtements, Tous ou presque fabriqués en Chine, voire « customisés » sur place.

Les trumpistes ont fait tout un foin des liens présumés d’Hunter Biden ou du candidat sénateur démocrate de Géorgie avec la Chine (sans d’ailleurs pouvoir prouver de quoi alimenter des scandales), mais se préoccupent fort peu de cet état de fait.

Il m’est venue l’idée de lancer une recherche sur les maillots Q-Anon. Par désœuvrement durant le confinement. On trouve de tout siglé Q, y compris, paradoxalement, des masques faciaux en tissu. Alors même que Marjorie Taylor Greene, la nouvelle représentante trumpiste de Géorgie au Congrès, adepte du mouvement QAnon, dénonce le port « oppressif » du masque. Ce qui est commode avec ce type de complotisme, c’est qu’on en fait ce que l’on veut, en pouvant s’en réclamer pour déclarer tout et son contraire.

Mais QAnon France a choisi un angle particulier : retrouver la grandeur de la France en rompant avec l’Union européenne. Et pourquoi pas avec la République française en réclamant le retour d’un roi ? Bruxelles et Strasbourg ne seraient-ils pas les sièges de pervers dévoyés sexuels se livrant au cannibalisme d’enfants en bas âge pour complaire à Satan ? Mais quelque part en France (où, on ne sait trop, dans le réduit breton irréductible ou dans les cuisines du Sénat ?), quelqu’un veille pour faire déjouer ces menées criminelles. C’est sûr. Ne serait-ce pas une forme de séparatisme dont l’expression peut prospérer, sur Amazon, EBay, et divers autres sites de vente en ligne ?

Tout cela serait dérisoire tant que des dirigeants politiques européens, bénéficiant de l’ampleur de ce mouvement, n’en venaient pas à imiter Trump qui le soutient indirectement. Au Royaume-Uni, il est soutenu que des centaines de milliers d’enfants sont détenus dans des caves avant d’être sacrifiés au Malin, mais que Boris Johnson aurait été désigné pour siéger au 10, Downing Street, afin de combattre l’État profond (forcement pro-travailliste ou SNP). En Allemagne, Michael Ballweg, adpte des vérités alternatives, se définit « penseur latéral ». D’autres lui disputent son statut de chef de file du mouvement QAnon allemand. C’est ce qu’il ressort d’une enquête de France Culture.

Aux États-Unis non plus, en 2016, peu avaient venu voir Trump venir, et ne songeaient pas qu’il pourrait se maintenir quatre ans à la Maison Blanche. Le trumpisme se décline en France et en Europe de manière polymorphe. Doan Bui, en reportage aux États-Unis pour Le Nouvel Observateur, s’entendit dire : « Cette pseudo-pandémie, c’est un écran de fumée. Pour cacher que Bill Gates tu des enfants en Afrique avec ses vaccins. ». Un argument similaire peut être mis à la sauce du moment. Ainsi avec le pseudo-documentaire Hold up : vous pouvez remplacer Bill Gates par n’importe qui déplaisant sur le moment.

En fait, le thème du complot universel, qu’il soit bolchévique ou autre, part toujours d’un seul postulat, que les conflits d’intérêts entre complotistes n’existent pas, qu’ils sont tous unanimes, coalisés contre le reste du monde. Pas la peine de pointer les divergences d’approche entre, par exemple, stalinisime et maoisme. Là, c’est sûr Big Pharma a réussi à persuader les dirigeants de Total, Exxon, Shell et autres qu’il faut éliminer tous les consommateurs de produits pétroliers ou gaziers, enfin la grande masse de qui fournit de quoi verser des dividendes aux actionnaires. Qui sont tous unanimement d’accord pour se faire tondre revendre leurs actions pour acquérir des titres Big Pharma (avec la complicité des banques qui prennent leurs commissions au passage). Conflits d’intérêts entre puissants prédateurs ? Mais non, c’est inenvisageable. Les perdants font aussi partie du complot. Eux, tous ligués, contre nous toutes et tous. Comme c’est plus simple. Mais, heureusement, il y a Trump (ou tout autre) pour déjouer leurs menées sataniques. En fait, Napoléon, ou Elvis Presley, ou Michael Jackson ne sont pas morts, ils veillent sur nous.

Pour Trump et QAnon, les choses sont claires. Quiconque a voté pour Biden est « anti-américain et l’antécrhist ». Inutile donc d’aller chercher plus loin. Dieu a voulu Trump et il ne faut pas confondre le torchon Biden (président-élu) et la serpillière Trump (élu de Dieu) qui va exterminer les créatures démoniaques du marécage de l’État profond. Que voulez-vous répondre à cela ? Cela arrive en France. Courage, fuyons, loin... À moins que, bon sang, mais c’est bien sûr, le Donald va demander à se faire crucifier pour effacer les péchés du monde.